Poison quotidien
Photographie Lili Barbery-Coulon. La vie devrait être aussi simple qu'une bento box du restaurant Yen... si seulement!

Poison quotidien

Poison quotidien

Depuis un petit bout de temps, j’ai bien du mal à me nourrir. A prendre le temps d’aller faire des courses, réfléchir à des menus que toute la famille va aimer, cuisiner des plats à la fois sains et savoureux. Je me promets chaque semaine de m’organiser, de préparer des soupes le weekend, mais la fatigue tue mes projets dans l’œuf, surtout quand je rentre le soir et que la perspective d’une galette complète me fait de l’œil dans le frigo.

Une de mes amies, gourou de yoga et dingue de nutrition healthy, a promis de me concocter un petit programme sur mesure pour renouer avec mes bonnes habitudes. Mais lorsque son premier email est arrivé dans ma boîte et que j’ai lu « commence par couper net les sucres rapides sous toutes leurs formes ainsi que les produits laitiers », mes bras se sont enterrés dans le sol. J’envie tous ceux qui ont des convictions nutritionnelles aussi ancrées que celles des carmélites priant leur Seigneur. Je ne crois pas en Dieu et je n’ai aucun dogme nutritionnel.

J’en avais déjà parlé l’an passé à la même époque (ce fameux mois après les fêtes où l’on est bien content de pouvoir se planquer sous une doudoune XXL). Evidemment, je me doute que le sucre n’est ni essentiel ni vraiment bon pour la santé. J’ai écouté un millier de fois des médecins et des dermatologues parler de ses effets néfastes sur les cellules (et sur le vieillissement prématuré). J’ai bien compris que les produits issus du lait de vache étaient les numéros un à abattre. Enfin, du moins, c’est ce que disent les ostéopathes, masseurs, homéopathes, naturopathes, de plus en plus de médecins et même des pédiatres (« quoi votre enfant a 5 ans et elle boit un verre de lait le matin ? Mais vous êtes dingue ???? »).

Je rencontre chaque jour une nouvelle fille qui a éliminé le blé de son alimentation. Et aussi des hommes. Si, si. Des mecs qui ne lisent pas de magazine féminin mais qui veulent vivre « longtemps et en bonne santé ». Sans parler de la tendance « sans gluten » qui n’a fait qu’augmenter en un an (allez donc faire un tour sur le blog Gluten Free, vous verrez !). Au supermarché, j’ai peur d’acheter des légumes et des fruits depuis que j’ai vu un horrible reportage dans lequel un paysan qui utilise des pesticides déclarait : « Un jour, par erreur, j’ai mangé un des légumes que je cultive, j’ai eu peur de tomber malade… Vu ce que je vaporise dessus… ».

Photographies Lili Barbery-Coulon. Le pire dans tout ça, c’est que si je ne crois pas en Dieu, je crois dans le pouvoir du « crâne ancestral » pour me remonter le moral, j’ai nommé le cheesecake artisanal de l’Epicerie Générale tout comme le kit kat thé vert au wasabi rapporté par ma copine Agathe du Japon. C’est dire si je suis ouverte d’esprit.

Du coup, voici ce qui me traverse l’esprit en faisant silencieusement les rayons chez Monoprix (avis aux âmes sensibles : ce passage est pathologique) : du lait ? ok du bio mais bon c’est mal, il faut que j’arrête les céréales le matin. De l’eau ? rhoooo, pas très écolo mais l’eau du robinet est vraiment dégueulasse et est-ce qu’on sait vraiment ce qu’ils mettent dedans ? Des gâteaux pour le goûter de ma fille ? Je vais choisir les trucs sans huile de palme pour limiter les dégâts. Merde, mais les crêpes Whaou, elle adore ça, je classe ça dans quelle case ? Le rayon yaourts ? Si seulement ma masseuse tibétaine savait combien j’aime le fromage blanc… et ces pauvres vaches gavées aux antibiotiques… Des sojasuns ? Je vais finir en rat à trois têtes avec tous ces OGMs dans mon corps. Et puis le soja, il paraît que ça dérègle les hormones… Des yaourts au lait de brebis ? Punaise, c’est gras. Des œufs ? Plein de cholestérol ! De la viande ? Malheureuse, ne l’achète pas ici mais chez le boucher. De toutes façons, la viande, faut que j’arrête, trop de protéines, trop de pollution… Du poisson ? Plein de mercure et de métaux lourds. Des pâtes ? Le blé, cet ennemi juré depuis qu’il a été industrialisé, on n’a plus les enzymes pour le digérer, je vais pourrir mes intestins…

Mais quel enfer ! Ca ne suffisait pas d’être déjà focalisée sur ce qui fait mincir. Maintenant, mes courses sont gâchées par la peur de crever d’une bonne tumeur. Et n’allez pas croire que c’est plus facile quand je vais au magasin bio : des fruits secs ? trop sucré, trop gras, si j’achète des noisettes, je vais bouffer le paquet. Du lait d’avoine ? dégueulasse en plus c’est bourré de sucre. Du lait d’amande ? hyper gras. Du quinoa ? Oui mais pas trop, sinon c’est difficile à métaboliser, dixit Chenot. Du tofu ? qu’est ce qu’on a dit sur le soja déjà ? Des soba à l’algue ? Personne ne va en manger à part moi…

Bref, en dehors des tisanes, des huiles végétales, du riz complet et de quelques fruits et légumes frais… je n’achète rien l’esprit tranquille. Et j’ai FAIM ! Et je suis tellement GOURMANDE. Suis-je la seule à me faire des conversations internes de folle furieuse dans les rayons du supermarché ? Est-ce qu’on va mourir d’angoisse à la longue ? Comment retrouver du plaisir en mangeant, sans peur ni culpabilité ? Une sensation neutre uniquement connectée au corps et pas au cerveau. Est-ce seulement possible ? Est-ce que la liberté intérieure réside dans le contrôle et le respect du dogme ? Et où retrouver de l’estime de soi quand on a toujours l’impression de faire mal, quel que soit l’aliment choisi ?

Photographies Lili Barbery-Coulon.
Mille excuses à Hello Fresh pour ces photos qui ne font pas honneur à leur box. J’ai cuisiné trop tard et sans lumière naturelle chaque soir pour réaliser de jolies images, sorry

En attendant de trouver la solution de mes rêves (l’intelligence d’Apfeldorfer meets l’efficacité et la souplesse du programme Weight Watchers and mon désir de rester en bonne santé sans foutre en l’air la planète), j’ai testé la semaine dernière un nouveau service de livraisons à domicile. Dans le même esprit que My Cookit, Hello Fresh vous envoie des ingrédients frais et des recettes simples. Mais au lieu de se contenter d’un repas, leurs maxi boîtes contiennent trois à cinq repas complets selon quatre thèmes : viande, poisson, viande ET poisson ou végétarien. J’ai commandé le kit veggie et j’ai reçu de quoi faire : un cheesecake au brocolis et au fromage de brebis précédé d’un avocat au pamplemousse et noix de cajou (double tuerie). Des champignons farcis au cottage cheese et pistache servis avec du quinoa. Une salade de mangue et kiwi en dessert. Et, fierté internationale : j’ai fabriqué mes premiers gyozas aux haricots de soja, oignons tendres et gingembre, servi avec du riz gluant (salade de quartiers de clémentine pour la touche sucrée en fin de repas). Les recettes sont simples, pas toujours ultra rapides (certaines demandent 30 minutes de préparation sans compter la cuisson) mais très bien expliquées. Les produits sont presque tous certifiés bio et leur goût est irréprochable. Le menu change chaque semaine et varie selon les saisons, donc pas de lassitude en vue. C’est plus cher que d’aller faire les courses mais au moins, on ne gâche rien, on apprend de nouvelles recettes et on a globalement envie de mieux s’alimenter. En prime, ça ne fonctionne pas qu’à Paris (je sais que mes lecteurs en province me reprochent souvent de ne pas penser à eux) mais dans presque toute la France !

Hello Fresh, 49€ la boîte contenant trois repas (poisson, viande, viande et poisson ou végétariens), 69€ la boîte contenant cinq repas pour deux personnes (même avec un gros appétit, les quantités sont suffisantes pour remplir aussi l’assiette d’un enfant… s’il mange de tout)