Se sevrer des birkenstock
Copyright images: Altuzarra, Saint Laurent Paris, Sezane, Celine, Chanel, La Maison Beryl, Carel, Pierre Hardy, Jimmy Choo, Repetto, JW Anderson, Augusta, Alaïa.

Se sevrer des birkenstock

Se sevrer des birkenstock

Après avoir passé six ans quasi exclusivement en birkenstock, je ressens le besoin d’un sevrage. Avec l’automne, je retrouve mes vestes, mes costumes et mes pantalons plus élégants que des leggings et j’ai envie de nouveaux souliers. Le sujet est superficiel et je n’ai pas l’habitude de partager ici mes interrogations mode. Néanmoins, en demandant à mes amies journalistes sur Instagram si elles avaient des marques à me recommander, j’ai vu que le sujet vous passionnait et que vous attendiez avec impatience la synthèse de mes recherches. La voici, comme promis.

l’inflation délirante des souliers de luxe

Mon brief était assez simple : où puis-je trouver une chaussure plate pour me désintoxiquer des birkenstock, gagner en élégance sans perdre en liberté de mouvement ? En attendant de recevoir leurs réponses, j’ai profité d’un déjeuner dans le huitième arrondissement pour aller voir les boutiques Prada, Miu Miu, Gucci, Chloé, Chanel, Saint Laurent, Balenciaga… puis j’ai surfé sur les sites de Céline, Pierre Hardy (qui a toujours été mon créateur de chaussures préféré bien qu’il n’ait pas une passion pour les grands pieds et que j’ai toujours du mal à trouver ma pointure chez lui), Gianvito Rossi, Jimmy Choo… je suis aussi allée voir le site Farfetch qui réunit à peu près tout le monde. Premier constat : quand j’ai arrêté de travailler en presse écrite en 2016, une paire de chaussures de luxe coûtait entre 300 et 500 euros (pour des modèles très élaborés). Aujourd’hui, une ballerine très basique, parfois en satin et ultra inspirée de celles de Repetto, ou une copie de mocassin Weston ou Gucci, il faut investir environ 800 balles, soit près du double (et ça grimpe easy jusqu’à 1200€) ! Pour avoir une échelle, j’ai regardé sur le site de l’Insee à combien s’élevait le Smic mensuel en 2016 (1149€) versus son montant actuel (1383€) : certes il a un peu augmenté mais on n’est pas vraiment passé du simple au double ! Les tarifs prohibitifs des souliers de luxe n’ont pourtant pas l’air d’embarrasser la clientèle : on est au début de la saison et la plupart des modèles sont en rupture de stock, en ligne comme en boutique !

La créativité en burn-out

Deuxième constat : lorsque j’étais journaliste, j’étais capable de distinguer d’un coup d’œil une marque d’une autre tellement les territoires étaient signés. Un bout noir sur une chaussure écru (ou l’inverse), c’était forcément Chanel. Les chaines mêlant métal doré et tweed, aussi. Un mors sur un mocassin, c’était Gucci en référence à la passion équestre du fils du fondateur de la maison. Des empreintes d’orteil à la surface du cuir, c’était Martin Margiela. L’overdose de strass posé sur une ballerine de jeune fille, c’était Miu Miu. Les angles ultra pointus et les références à l’art contemporain, Prada. Une ballerine de danseuse, Repetto bien sûr. Un stiletto aussi élancé que raffiné au talon fin, Manolo Blahnik. Un escarpin très haut et ultra classique, Saint Laurent… À ces codes toujours existants, se sont visiblement ajoutés une peur panique de déplaire et un certain manque d’imagination. Résultat, les colonnes vertébrales de bien des maisons se sont effondrées : j’ai eu l’impression de voir les mêmes chaussures déclinées partout, au point que je suis incapable de dire qui influence qui, tant les emprunts sont nombreux. Rayon talons, ce que j’écris n’est pas tout à fait exact, il y a encore beaucoup de fantaisie. Mais quand on cherche une chaussure plate, élégante et confortable, voilà ce qu’on a à se mettre sous le talon : la même ballerine de danseuse, le même mocassin, la même sling-back à petit talon (une bride à l’arrière), ou la même chaussure à bride Mary Jane (qu’on appelait babies il y a trente ans).

le bon investissement?

Comme je ne m’achète quasiment plus rien depuis que la mode m’intéresse moins que l’alimentation ou la décoration, j’avais envie d’honorer cet héritage de mon éducation : si je dois investir autant d’argent dans une nouvelle paire de chaussures, il faut qu’elle soit à la fois hyper bien conçue (belles matières, belle finition) et qu’elle soit durable. Quand je bossais pour un magazine féminin, j’étais beaucoup plus audacieuse. J’avais accès aux soldes presse lors desquelles les souliers invendus sont bradés ainsi qu’à des tarifs préférentiels chez la plupart des marques à longueur d’année. En Italie, on allait toujours faire un tour dans les « outlets », ces solderies incroyables. Ça change forcément le rapport à la dépense. Et encore je ne faisais pas partie du clan des rédactrices ou des influenceuses à qui l’on offre des paires de la saison pour qu’elles les portent aux défilés et sur Instagram. Aujourd’hui, si vous avez un pied facile à chausser (ce qui n’est pas mon cas) et que vous connaissez parfaitement votre pointure, je vous recommande vivement les sites de seconde main comme Vestiaire Collective (plutôt pour le luxe) ou Vinted, on y trouve quasiment tout et on ne fait pas mieux écologiquement parlant. En outre, il y a même des modèles jamais portés vendus avec leurs boites et étiquettes (si vous craignez les bactéries au niveau de la semelle). Faut-il avoir repéré le soulier de ses rêves au préalable.

de haut en bas, de gauche à droite: images issues des sites Miu Miu, AquazZura, Gianvito Rossi et Alaïa (voir références et liens plus bas)

Repérage dans les maisons de luxe

Au fond, je savais en trainant rue Saint Honoré que je n’allais pas dépenser 800 euros dans une ballerine. Je n’en ai ni les moyens ni l’envie. Regarder le marché du luxe permet d’avoir une idée de ce qui se joue « en haut » et de mieux repérer ensuite les références citées dans les magasins plus abordables. Par exemple, on remarque un retour des bouts carré ou en amande qui apporte de la modernité aux babies à bout rond. Voici ce qui a retenu mon attention et c’est tout à fait subjectif. J’ai éliminé tous les modèles qui ont un logo apparent (ça m’ennuie d’avoir des panneaux publicitaires aux pieds) ou un talon trop fin puisque je veux pouvoir marcher sans aller chez le cordonnier toutes les semaines. J’ai également évincé les godillots militaires ou esprit creepers (pas du tout mon style). Quant aux boots, j’en ai déjà plusieurs paires, donc il n’y en a pas dans ma sélection. Au panthéon de la ballerine, il y a celles d’Alaïa qui sont à la fois originales et confortables. Elles ont en revanche le défaut d’être constamment « out of stock ». Dans le genre strassé, j’aime beaucoup ce modèle de JW Anderson, cette folie pailletée de Jimmy Choo ou cette chaussure à bride de Miu Miu au prix aussi bling que ses talons (et au fond pas vraiment compatible avec mes tenues quotidiennes). Devenu un classique à force d’être reconduite d’année en année, il y a la collection de ballerines Lauren de Chloé déclinée dans une large palette de couleurs. J’aime bien ce modèle à double brides chez Celine (idéal sur un pied fin) et cette Mary Jane en or foncé de la même marque. Dans le bestiaire « léopard », j’ai vu énormément de mocassins. Mon préféré est celui de Pierre Hardy. Beaucoup de vernis noir, comme chez Saint Laurent avec ce mocassin hyper élégant, cette mary jane parfaitement coupée chez Gianvito Rossi ou cet autre modèle version pointe de stylo plume. On m’a aussi indiqué ces très jolies slingback chez Aquazzura (Bow tie ballet) et les ballerines tango chez Valentino Garavani qui flattent les chevilles fines. Et puis, indétrônables et iconiques, il y a les sling back de Chanel ou leurs Mary Jane qui ont le don de transformer n’importe quelle tenue. Je n’ose même pas écrire le prix…

Images issues de Weston, Carel et Repetto

Les classiques intemporels

Si vous n’avez pas envie d’originalité mais d’une chaussure plate (ou petit talon), élégante et confortable qui a traversé plusieurs décennies sans vraiment se démoder, voici quelques maisons que je n’ai pas déjà citées plus haut, avec des fourchettes de prix élargies : Repetto bien sûr pour leur collection de ballerines Cendrillon dessinées à la demande de Brigitte Bardot, Carel et leurs babies à double ou triple brides, les mocassins Weston, les ballerines à boucles carré de Roger Vivier… Certaines d’entre vous m’ont également recommandé les slippers Chatelles (pas du tout mon style ; dans le genre, je préfère les chaussons vénitiens Piedaterre). Plus androgyne, il y a les Burwood à lacets de Church (dont Miu Miu qui fait partie du même groupe a sorti une version avec une semelle plus légère), les splendeurs ruineuses de chez Berluti (je n’ai pas accès au site internet je ne sais pas pourquoi), les Paraboot à lacets… mais là, on s’éloigne de plus en plus de mon envie de départ : une chaussure féminine et légère.

De haut en bas, de gauche à droite: images issues des sites Augusta, Aeyde, Le Monde Béryl, et Souliers Martinez

Et chez les « petites » marques ?

Grâce à mes copines qui bossent dans la mode, j’ai découvert l’enseigne Le Monde Béryl qui propose une Mary Jane cloutée assez jolie (mais pas particulièrement bon marché) ainsi que de nombreuses ballerines. Mon gros coup de cœur depuis quelques mois est la marque Nomasei que je trouve à la fois originale et pas trop prétentieuse en terme de prix. Mais j’ai surtout flashé sur des sandales à talons larges (le modèle Adora avec le gros nœud à l’arrière) qui ne correspondent ni à la saison ni à mon besoin pour le quotidien. Je suis aussi fan de la marque Ligne Numérotée créée par Charlotte Sauvat (qui a longtemps imaginé les chaussures pour Isabel Marant et Balmain) mais je ne vois pas de propositions hivernales avec une hauteur de talon raisonnable en dehors de leurs bottines. Vous m’avez aussi beaucoup vanté Bobbies, un atelier parisien de souliers fabriqués au Portugal et en Espagne. Pas de coup de cœur de mon côté mais les prix raisonnables plairont à celles qui cherchent une déclinaison d’un modèle classique repéré plus haut (avec une fabrication consciente en prime). À force de faire des recherches sur mon téléphone, j’ai été ciblée par une publicité pour les Souliers Martinez sur Instagram. Cette marque franco-espagnole propose une paire de babies pas trop haute avec un talon large et robuste qui s’appelle Penelope à un prix plus abordable que les enseignes pur luxe. Chez Rouje, il y a cette saison une paire de babies vernis noir avec un talon pas trop haut et des sling backs noir avec un talon de 4cm (trop fin pour une bourrine comme moi). Je ne crois pas qu’on puisse qualifier Sezane de « petite marque » vu son succès mais on peut noter que ses chaussures sont toutes fabriquées en Italie, en Espagne et au Portugal. Évidemment, les modèles qui me plaisent sont sold out dans ma pointure : les babies Paula qui sont un croisement entre des Mary Jane et des slingback et que la marque décline dans de nombreuses couleurs et mes préférées : les ballerines Matilda imprimées léopard. Enfin, j’ai découvert via la marque de prêt-à-porter Septem la ligne de souliers Rivecour (fabrication au Portugal, conception à Paris) qui se sont unies pour proposer un mocassin bicolore en édition limitée. Sinon, j’ai découvert grâce à une rédactrice de mode deux marques avec de très jolies propositions : Aeyde, une enseigne berlinoise qui fabrique en Italie et décline des mary jane bout carré à 245€ (modèle Uma) et des ballerines pointues qui ont l’air super confortable (modèle Moa). La deuxième marque est américaine et elle s’appelle Flattered (fabrication en Espagne). On y trouve quelques modèles comme cette Mary Jane éfilée et celle-ci en paillettes argent (vous noterez une légère obsession de ma part pour la chaussure glitter, ça date du magicien d’Oz et de la fée Clochette). Et pour finir, j’ai déniché la marque Augusta qui fabrique en Espagne une Mary Jane vernis avec un tout petit talon à 195€.

Et des versions plus accessibles?

Tout le monde ne peut pas investir dans une paire à 300€ ni même à 150€. Si vous avez aiguisé votre œil en regardant les modèles citées plus haut, vous allez reconnaitre leurs déclinaisons chez Jonak (fabrication au Portugal) ou chez Minelli (fabrication Portugal)… J’évite H&M et Zara, pas seulement pour des raisons éthiques mais aussi parce que j’ai souvent eu les pieds déchiquetés par leurs modèles. En revanche, il y a parfois des options pas trop pourries chez Cos (qui fait aussi partie du groupe H&M et qui ne communique pas sur le lieu de fabrication de ses chaussures, ce qui n’est pas bon signe). J’y suis passée et la qualité de leurs mocassins en cuir noir est épouvantable à l’œil nu. La section « flats » du site And Other Stories (même groupe qu’H&M donc même opacité de fabrication) fait plutôt envie mais je vois quelques paires qui ne sont pas des citations éloignées mais de véritables copies et cela m’ennuie. Comme tout le monde se copie, y compris les marques de luxe entre elles, ce n’est pas bien grave ? Je préfère qu’on fasse au moins l’effort d’un léger twist (qui parfois se révèle plus intéressant que le modèle de référence). En tous cas, je me suis souvent retrouvée chez And Other Stories parce qu’ils ont des paires robustes et à ma taille (je fais du 41 et j’ai le pied large). Dommage qu’on ne puisse pas en savoir plus sur la fabrication. Même Eram communique sur ce point !

Mes recos ne sont pas exhaustives, n’hésitez pas à les compléter en commentaire afin de renseigner d’autres lectrices.lecteurs. Merci infiniment à Virginie, Célia et Jeanne. Et à toutes les anonymes qui m’ont envoyé leurs suggestions en message privé sur Instagram.