Armelle Kergall au Japon #3
Photographie Armelle Kergall

Armelle Kergall au Japon #3

Armelle Kergall au Japon #3

Armelle Kergall est une photographe française partie s’installer au Japon il y a bientôt deux ans. De temps en temps, elle vient nous raconter son quotidien d’expatriée sur le blog, sa vie de famille avec ses deux enfants et tout ce qui l’amuse et l’interroge à Tokyo. Cette fois, elle nous fait découvrir Halloween version nippone.

Voici une nouvelle tranche de vie signée Armelle Kergall. Si vous n’avez pas suivi les épisodes précédents (#1 et #2), mon amie Armelle s’est installée au Japon en janvier 2017 avec son mari et leurs deux enfants Atala et Camille. Armelle est photographe. Issue d’une famille nombreuse, elle a entamé une analyse poétique de sa fratrie mais aussi de sa lignée, de ses ascendants et multiples cousins, il y a quelques années déjà. Son projet photographique s’appelle « Anatomie d’une Famille Française ». Il a donné lieu à une exposition à la Bibliothèque Nationale de France en 2013. C’est aussi le nom d’un onglet sur son site internet qu’elle nourrit régulièrement de nouvelles images. J’adore son travail que vous connaissez probablement si vous êtes un.e habitué.e de mon blog : elle a réalisé presque toutes les photos de ma rubrique In The Kitchen With.

Armelle et moi adorerions nourrir plus régulièrement ce feuilleton japonais de nouveaux épisodes mais nous avons toutes les deux des vies bien remplies et je tarde trop à faire la sélection des photos qu’elle m’envoie… Du coup, j’ai laissé passer des posts extraordinaires cette année, comme ses vacances de Pâques sur une île perdue avec plein de copains français venus la voir au Japon, des pique niques, des jeux d’eau après l’école et autres aventures estivales… J’ai décidé de me rattraper avec les photos extraordinaires qu’elle a faites à l’occasion d’Halloween à Tokyo. Je ne savais pas du tout que les Japonais aimaient autant cette fête anglophone. J’aurais dû m’en douter, vu leur goût immodéré pour les déguisements farfelus. Une passion partagée par Armelle qui ne perd jamais une occasion de se costumer ! Elle nous raconte cette dernière nuit d’octobre avec ses mots et ses images ci-dessous.

Photographie Armelle Kergall

Un grand lâcher prise collectif à Tokyo

« J’attends Halloween à Tokyo depuis l’année dernière, avoue la photographe Armelle Kergall. Non pas que je sois une fan de cette fête et de son cortège de zombies. Mais une de mes amies installée ici au Japon avait adoré la parade 2017 à Shibuya. La créativité de ses costumes la rend comparable à celle de Los Angeles. Mais c’est surtout l’occasion pour les Japonais de se lancer dans un grand lâcher-prise collectif. Or, ça fait du bien de voir les bandes de « salary men » se métamorphoser en créature de toutes sortes l’espace d’une soirée! Et puis, j’adore me dé-gui-ser ! »

Photographies Armelle Kergall

La préparation avant la parade

« Avant la fameuse parade qui a lieu à Shibuya, un arrondissement au sud-ouest de Tokyo, il fallait d’abord contenter les enfants et leur faire faire le fameux « trick or treats » (NDLR : un bonbon ou un sort). J’ai donc acheté des bonbons dégueus, mis une heure à maquiller ma fille en fantôme mexicaine et enfilé mon caraco de marâtre de blanche neige au dessus d’un kimono. »

Photographies Armelle Kergall

La distribution millimétrée des bonbons

« Le petit quartier de Moto Azabu était en ébullition. Au milieu des embouteillages d’enfants, on apercevait des parents déguisés en princesses, en poubelles, Spiderman, café latte Starbucks : une maman sur deux avait dû gagner sa tenue avec sa “punto cardo”, une carte de fidélité qui permet d’obtenir pour dix café latte achetés un déguisement de Halloween et une bonne publicité gratos pour Starbucks au passage. Il y avait aussi des adultes en dinosaures, fantômes, pirates… Imaginez tout ce petit monde courant à l’affût des confiseries. Pas question pour autant d’aller sonner aux interphones des immeubles ! Les Japonais sont organisés, ils installent donc des stands de kermesse à l’extérieur des maisons pour distribuer les bonbons dans les règles de l’art. Et à la queue leu leu bien sûr ! Enfin malgré leur maniaquerie, j’ai quand même failli perdre mes enfants à plusieurs reprises dans cette folie. Pourtant, c’était beaucoup moins flippant d’en égarer un pendant la nuit d’Halloween à Moto Azabu que dans la gare de Rennes en pleine journée. »

Photographie Armelle Kergall

Se déguiser à l’identique et en groupe

« Après la distribution, ma fille Atala s’est démaquillée et Camille n’a plus voulu enlever son costume de Batman pendant les trois jours qui ont suivi. Moi je me suis repoudrée le nez et j’ai filé retrouver mon mari dans notre micro bar fétiche, situé au cœur du quartier de Shibuya. Partout, des groupes de gens marchaient au milieu de la rue, riaient, se regardaient les uns les autres, ce qui n’arrive jamais au Japon. Ici, vingt personnes déguisées en « mignons », là six clowns-draculas. Un peu plus loin, quatre mariées ensanglantées, trois garçons en « zozo suit » (la combinaison de prise de mesure du futur), des lentilles blanches posées sur toutes les paires d’yeux, douze hommes en « bunny » les fesses à l’air et j’en passe… C’était très étonnant de les voir se déguiser à l’identique en groupe : s’habiller exactement pareil, se maquiller de la même manière, marcher côte à côte sans se lâcher, c’est typiquement japonais! On voit ça tous les jours dans le métro, même lorsqu’ils ne sont pas déguisés. Moi, j’adore, probablement parce que c’est extrêmement photogénique… Cela en dit long sur la société japonaise. »

Photographies Armelle Kergall

Halloween alone

« C’était génial de voir tous ces gens habitués à ne pas se frôler du regard, entrer en interaction, s’offrir des shots de saké, comparer leurs déguisements, poser les uns devant les autres et bien sûr se « selfiser » dans tous les sens. Parce qu’évidemment, il y a les bandes de copains mais aussi tous ceux venus seuls avec leur perche à selfie en guise de partenaire, le minimum syndical pour avoir un instagram honorable. Cela paraît triste mais cela ne choque personne ici. Le Japon est quand même le pays qui propose des micro salles de karaoké pour une personne ! »

Cendrillon fait le ménage

« Le lendemain matin, comme s’il s’agissait de plusieurs milliers de Cendrillon, les « salary men » sont retournés au travail dans le flot du crossing de Shibuya (NDLR : il s’agit du grand carrefour qui impressionne toujours beaucoup les expatriés : des milliers de Japonais traversent quotidiennement cette place dans des sens totalement opposés sans jamais se bousculer ni se regarder dans les yeux). Ils étaient tous propres comme un sou neuf. Des volontaires – certains portaient encore leurs costumes – avaient ramassé toutes les cannettes, les mégots et les cadavres de déguisements abandonnés sur le sol la veille. C’était comme dans un rêve… japonais ! »

Photographie Armelle Kergall

Merci mille fois à Armelle Kergall de partager avec nous un morceau de son expatriation à Tokyo. J’espère que nous saurons toutes les deux nous organiser pour vous en offrir plus régulièrement. N’hésitez pas à la suivre sur Instagram : elle y partage beaucoup d’images irrésistibles.

Photographie Armelle Kergall