Odile Chabrillac

Odile Chabrillac

Odile Chabrillac

Comment passe-t-on de la presse écrite à la naturopathie? De l’écriture d’un livre déjà culte sur les sorcières au kundalini yoga? Du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle à la création d’une école humaniste? Réponse dans cet entretien avec Odile Chabrillac, auteure, naturopathe, entrepreneure et femme des bois…

Je crois que j’ai rencontré Odile Chabrillac au début des années 2000. Pourtant notre rencontre véritable date seulement de juillet 2017. Comme moi, Odile a été journaliste avant de prendre un tout autre virage dans le domaine de la naturopathie et du bien-être. On se croisait de loin, sans bien se connaître, à l’occasion de conférences de presse et autres lancements de produits. Elle m’impressionnait car elle avait la réputation et l’étoffe d’une experte dans le domaine du bien-être. Et puis, comme moi, elle n’a jamais eu sa langue dans sa poche, ce qui la rendait fort sympathique à mes yeux. Je ne sais plus par quel truchement nous sommes devenues “amies sur Facebook” mais ces dernières années, ses publications ont commencé à résonner en moi. Je me souviens que j’étais à la fois agacée par ses conseils en nutrition à mille lieues de mes habitudes alimentaires de l’époque. Je carburais aux céréales industrielles au réveil, j’adorais le lait de vache et je grignotais du jambon sous vide pour me couper l’appétit avant le dîner. Néanmoins, son discours m’intriguait. Il déclenchait un interrupteur verrouillé en moi. Au fil de nos échanges, nous avons eu envie de déjeuner ensemble en juillet 2017. Elle s’apprêtait à publier son livre Âme de Sorcière et à ouvrir son école de naturopathie. Je lui ai raconté comment le kundalini yoga était en train de changer ma vie. Notre conversation a immédiatement pris une dimension très personnelle. On n’a pas perdu de temps à faire semblant. On s’est tout de suite confié des choses essentielles. Un peu comme si on se connaissait depuis une éternité. Mon témoignage sur le kundalini yoga l’a tellement bluffée qu’elle a voulu essayer un cours. Elle est devenue aussi accro que moi. En novembre 2017, nous sommes parties ensemble faire la retraite de kundalini yoga de Caroline Benezet à Sidi Kaouki, une semaine qui a accéléré le processus de transformation que nous avions enclenché avec cette pratique. Quelques mois plus tard, nous avons entamé ensemble une formation à l’enseignement du kundalini yoga level one qui s’est achevée en octobre dernier. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble en 2018 et nous sommes désormais liées à jamais par le partage de ces expériences hors du commun. Je me sens très chanceuse de connaitre cette femme généreuse et solaire. J’ai profité d’un weekend en Bretagne pour lui demander de me raconter son parcours que je partage aujourd’hui avec vous. D’ailleurs, sur Instagram, dès ce soir, je vous propose de gagner une consultation en naturopathie avec elle. Pour jouer, c’est simple: abonnez-vous à mon compte sur Instagram, likez la photo du concours et laissez un commentaire en taguant deux ami.e.s. Je donnerai les résultats demain soir sous la photo. Si vous rêvez de revoir toute votre hygiène de vie mais que vous ne savez pas par quoi commencer, un rendez-vous avec Odile pourrait bien vous offrir le nouveau départ dont vous avez besoin…

Peux-tu me raconter ton parcours et me dire comment tu as réussi à quitter la presse écrite pour devenir naturopathe ?

Odile Chabrillac : J’ai coutume de dire: je n’ai pas quitté la presse écrite, c’est la presse écrite qui m’a quittée. Il ne s’agit pas d’un choix mais de signes du destin qui m’ont poussé à trouver des alternatives. En fait, j’ai démarré une formation en naturopathie alors que j’étais encore journaliste dans le domaine du bien-être. J’interviewais de plus en plus de personnes dans le milieu des médecines alternatives et cela m’a donné envie de démarrer un cursus. C’était pour moi une manière de devenir plus experte et de pouvoir interagir avec mes interlocuteurs avec plus de discernement. Je me suis inscrite au Cenatho pour un cycle de quatre ans d’études. En principe, au bout de la 3ème année, on peut commencer à faire des consultations. Ce n’était pas mon cas et surtout pas mon projet! Sauf qu’à ce moment là j’ai perdu un très gros employeur dans la presse et il a fallu que je gagne des sous. Le même jour, une copine naturo m’a proposé de partager son cabinet avec elle. Je me suis dit qu’il fallait y aller… J’étais morte de trouille, j’avais l’impression d’être totalement incompétente ou pas suffisamment compétente. J’ai commencé par un jour de consultation par semaine dans ce cabinet partagé, puis deux jours et j’ai eu beaucoup de chance car j’ai rapidement fait des télés dans l’émission bien-être de Charlotte Savreux. Je me suis rendue compte que je m’en sortais plutôt pas mal, du moins les gens avaient l’air content et ça répondait à une cohérence que j’ai profondément en moi qui est d’aider à accompagner les gens et non pas trouver des solutions à leur place. Petit à petit mes piges dans la presse se sont raréfiées, le seul journal qui m’est resté fidèle jusqu’au bout et qui l’est toujours, c’est Psychologies Magazine.

Est-ce que tu avais déjà commencé à écrire des livres à cette époque ?

Odile Chabrillac : Oui, j’avais déjà écrit mon premier livre qui s’appelle C’est Décidé Je Pense à Moi (Editions Plon). Il est sorti quand j’étais en école de naturo.

Tu as développé ton activité de naturopathe sans jamais cesser de te former à d’autres disciplines dans le domaine du bien-être en fait ?

Odile Chabrillac : C’est ma pathologie (NDLR: rires): j’adore apprendre et la naturopathie se prête vraiment à ce jeu-là parce que c’est un monde infini. Il s’agit de toutes les alternatives naturelles de santé, en passant de l’alimentation jusqu’à la psychologie, des techniques manuelles aux pratiques énergétiques, etc… De toutes façons, je n’aurai pas assez d’une vie pour en faire le tour. C’est tant mieux car cela me réjouit.

Parmi toutes les formations que tu as suivies ces dernières années, est-ce qu’il y en a qui t’ont marquée plus que d’autres ?

Odile Chabrillac : L’enseignement au kundalini yoga (NDLR: rires car nous venons à peine de terminer notre level one et que cette pratique est devenue centrale dans nos vies respectives). Comme je suis psychothérapeute à côté, j’ai fait beaucoup de formations en psychologie. J’ai fait une Fac de psychologie quand j’étais enceinte et lorsque j’ai démarré mes études de naturo, j’ai repris parallèlement des études de psychothérapie dans une école Jungienne qui s’appelle l’EEPA. J’y donne d’ailleurs des cours très ponctuellement. Je me sens proche du courant Jungien pour deux raisons: l’importance de l’inconscient collectif et l’importance du sacré. Carl Jung évoquait déjà le mot “âme”, ce qui a beaucoup déplu à son mentor Sigmund Freud.

En dehors de la psychologie, peux-tu nous dire quelles formations continuent à résonner sur ta pratique globale aujourd’hui ?

Odile Chabrillac : Oui, j’ai beaucoup travaillé avec une femme qui s’appelle Françoise Muhr et qui est la spécialiste française de la crise au milieu de la vie et qui travaille beaucoup sur le corps. J’ai également fait une formation essentielle (même si je ne pratique plus maintenant) en respiration holotropique. Je m’intéresse beaucoup à tout ce qui dérape, aux moments de la vie où ça dérape. C’est d’ailleurs souvent dans ces moments que les patients nous consultent. Et puis, je m’intéresse à tous les états de conscience élargie ou modifiée qui permettent d’accéder aux ressources intérieures d’une autre manière. La PNL (Programmation Neuro-Linguistique) que je connais bien car je m’y suis formée est une technique trop mentale à mon goût, même s’il y a des choses intéressantes à retenir. Pour moi, on doit accéder aux profondeurs où sont cachées nos ressources. Les fondations de ma pratique se résument autour d’une idée phare: “Soutenir la lumière, ne pas combattre l’ombre”. En naturopathie, on soutient ce qui est sain chez l’homme. En psychologie, c’est pareil, il s’agit d’aller chercher la ressource dont la personne dispose sans essayer d’appliquer un “mode d’emploi” qui ne lui correspond pas forcément.

Tout au long de ces formations, tu continues à consulter en tant que naturo et en tant que psychologue, sans jamais cesser d’écrire…

Odile Chabrillac : Oui j’ai publié douze livres à ce jour. Quasiment un livre par an. J’ai une pratique d’écriture donc écrire ne m’est pas difficile. Ce qui m’intéresse, c’est la vulgarisation de ce que j’ai appris afin de faire connaître aux gens tout ce qui peut les aider. On vit une époque incroyable qui met à notre disposition des tas de méthodes et j’ai envie de les faire connaître.

 

Parmi ces livres, il y en a un qui a eu un écho particulier auprès du public et qui est aussi le plus important pour toi, c’est Âme de Sorcière (Editions Solar, Octobre 2017). Est-ce que tu peux me raconter comment ce livre est né ?

Odile Chabrillac : Il se trouve que j’ai fait le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en 2015 (qui a donné naissance à un livre qui s’appelle Marcher Pour Se Retrouver, Editions Leduc). Je suis partie seule même si on ne reste jamais seul bien longtemps sur ce chemin car on fait des tas de rencontres. Le chemin de Saint-Jacques consiste à prendre la route de là où l’on habite. J’ai choisi de partir du Puy en Velay qui est un point de départ très important pour les habitués du chemin de Saint-Jacques. On marche pendant des jours et des jours. J’ai fait 1530km à pied pour atteindre Saint-Jacques-de-Compostelle. On porte tout dans son sac à dos, on dort dans des gîtes le soir et on se débrouille sur le chemin. Donc j’ai du arrêter de bosser pendant trois mois.

Pourquoi as-tu décidé de faire le chemin de Saint-Jacques ? Tu as ressenti un appel ?

Odile Chabrillac : Oui totalement. Ma mère l’avait fait par petits bouts. J’allais avoir 50 ans, je me suis dit que mes enfants étaient grands, que j’avais une certaine réussite professionnelle et que j’étais contente de ma vie. Je me suis demandée de quoi j’avais envie à ce moment-là. Et en moins de deux secondes, j’ai pensé au chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Comment est-ce que tu t’es organisée pour bloquer trois mois de ta vie ?

Odile Chabrillac : Il m’a fallu un an pour organiser la fermeture du cabinet pendant trois mois. Il me fallait une organisation financière car je devais payer le remboursement de mes emprunts pendant mon absence et assumer mon projet sur place, c’est à dire avoir assez pour me nourrir et m’héberger.  

Comment ton entourage a réagi à ce projet ?

Odile Chabrillac : Plutôt très bien, mon entourage a été très soutenant. Le jour où je suis partie, en revanche, c’était une autre histoire. J’avais un amoureux à l’époque qui m’a demandé ce que j’allais chercher. Je lui ai dit que je ne le savais pas mais que je devais partir. Et en fait ça s’est super bien passé.

Ca me rappelle le film de Peter Brook sur Gurdjieff (Rencontres avec des Hommes Remarquables, 1979) que nous avons vu récemment ensemble. Il y a cette idée de chemin que l’on doit prendre et sur lequel on doit avancer sans qu’on puisse expliquer pourquoi…

Odile Chabrillac : Exactement. On se dit qu’on doit partir mais on a peur et on se demande ce qu’on cherche car c’est vraiment ça: je me demande encore aujourd’hui pourquoi j’ai toujours faim de réponses à des questions que je n’ai même pas encore formulées. Je ne suis pas partie sur le chemin de Saint-Jacques en voulant savoir quelque chose. Je suis partie parce que j’en avais besoin et ça a été une expérience extraordinaire, une vraie naissance. J’ai marché deux mois et une semaine et quand je suis rentrée à Paris je n’ai pas pu bosser pendant encore trois semaines. Je devais récupérer physiquement. Sur le coup, on ne se rend pas compte, on est porté par l’esprit du chemin, par le groupe, par l’envie d’aller jusqu’au bout mais c’est très difficile physiquement. Je n’ai pas pu reprendre le yoga pendant trois mois supplémentaires. Mon corps ne pouvait pas. J’ai récupéré, j’ai dormi, j’ai mangé. Sur le chemin de Saint Jacques, toute seule, lorsque je traversais des forêts, des bois, j’étais tellement heureuse. J’avais l’impression d’être une fille des bois. Et le mot “sorcière” qui m’accompagne depuis toujours pour des tas de raisons, s’est vraiment imposé à moi. Lorsqu’une de mes filles m’a accueillie à mon retour, elle m’a demandé ce que j’allais faire maintenant. Je lui ai répondue que j’allais monter une école de sorcières (NDLR: sourires partagés). Elle m’a regardée et m’a dit “Pourquoi pas?!”. Bon, je n’ai finalement pas monté d’école de sorcières mais on verra bien ce que l’avenir nous réserve (rires)… Toujours est-il que lorsque j’ai retrouvé mon éditrice après ces mois d’absence et qu’elle m’a demandé de quoi j’avais envie, je lui ai dit que je souhaitais écrire sur les sorcières.

Tu as d’abord écrit ton livre sur les sorcières avant d’écrire celui sur la marche ?

Odile Chabrillac : J’ai d’abord proposé mon livre sur les sorcières à mon éditeur avant d’écrire celui sur la marche. Le livre sur la marche était une commande de mon éditeur en lien avec mon expérience de Saint-Jacques. Le livre Âme de Sorcière était mon idée, d’ailleurs, je me suis battue pour qu’il existe, je l’ai défendu. Et à partir du moment où mon éditrice a accepté de le publier, elle m’a soutenue avec une intensité sans faille. L’écriture du livre a été à la fois facile, profonde et difficile. L’équipe de femmes dans ma maison d’édition ne m’a jamais lâchée.

D’autant que ce sujet était nouveau et que ton livre est arrivé plusieurs mois avant celui de Mona Chollet (Sorcières, La Puissance Invaincue des Femmes, Editions Zones, Septembre 2018) ou encore celui de Camille Sfez (La Puissance du Féminin, Editions Leduc, Février 2018)…

Odile Chabrillac Oui, j’étais la première à arriver sur ce créneau et ma maison d’édition ne voulait pas que “je me loupe”.

Justement, comment expliques-tu l’engouement actuel pour les sorcières ?

Odile Chabrillac : Il s’agit de femmes qu’on a fait taire. On a fait taire leur féminin au delà de leurs pouvoirs. On assiste aujourd’hui à une résurgence du féminin dans sa puissance et debout. On a besoin de figures archétypales et la sorcière en est une car elle est très puissante. Je me réjouis que les femmes se reconnaissent dans ces figures. A posteriori, cela ne me surprend pas mais quand j’ai écrit le livre, plein de gens me disaient que j’étais “folle” d’écrire sur ce sujet et que c’était “négatif”. Ce à quoi je répondais “non, non”.

Ton entourage avait peut-être peur que tu te retrouves associée à des “folles” ou à des “gens un peu trop perchés”…?

Odile Chabrillac : Oui c’est ça. Ils avaient leurs raisons mais comme tout archétype, il y a une face lumineuse et une plus sombre. La sorcière est porteuse de cette face sombre et je la revendique. Elle a un lien avec la mort, avec la sexualité, avec la puissance et avec la subversion.

Ce livre a beaucoup changé ta vie. D’abord parce qu’il s’est extrêmement bien vendu et aussi parce qu’il t’a permis de rencontrer des lectrices et des femmes chez qui cette histoire de sorcières a beaucoup résonné…

Odile Chabrillac : En effet. Moi je le vis de l’intérieur et de l’extérieur. Alors que le livre n’était pas encore sorti, on a fait une fête pour le lancement. Le mouvement “Me Too” venait tout juste de commencer une semaine plus tôt. La dénonciation des violences obstétricales a démarré deux mois avant la fête, alors que j’étais dans la fin de l’écriture du livre et on s’est dit qu’il se passait quelque chose qui nous dépassait. Le livre s’inscrit donc dans un mouvement de libération de la parole des femmes qui nous dépasse. On ne peut plus garder les secrets parce qu’on est emporté par une force plus grande que nous mais aussi parce qu’on a l’intuition qu’aujourd’hui on va être entendu. On se sent autorisé à parler car on sait qu’on sera écouté et non dénié, tourné en ridicule, brûlé.

Avec la sortie du livre, tu t’es mise à organiser des soirées de sorcières. C’est quelque chose que tu faisais déjà avant ?

Odile Chabrillac : Oui j’organisais des cercles dans différents groupes, mais plutôt pour des groupes privés. Des groupes d’amis ou des groupes de thérapeutes avec qui je travaille. Mais à l’occasion de la sortie du livre, on a reçu des demandes qui nous ont dépassés. A l’époque et je changerai peut-être d’avis un jour, je ne souhaitais pas faire des conférences sur le sujet. Le côté didactique ne me paraissait pas juste. Ce qui m’intéresse, c’est de partager des expériences avec les autres. Chacun y apporte ce qu’il est. C’est l’auberge espagnole. On a donc organisé de grands rituels avec une centaine de personnes et c’était très puissant.

Pour être mis au courant de ces soirées, il faut suivre ta page Facebook Âme de Sorcière ?

Odile Chabrillac : Oui exactement.

Tu fais beaucoup de choses en même temps et pour moi qui en fait mille aussi, ça résonne (rires).  En septembre 2017, en plus du livre Âme de Sorcière et du reste, tu as créé ta propre école de naturopathie. Peux-tu me raconter cette aventure ?

Odile Chabrillac : Ca a été délirant parce que les choses qui devaient arrivées de manière très espacée se sont précipitées en quinze jours trois semaines. La sortie du livre, le départ de mon fils à Vancouver, l’ouverture de mon école, j’étais retournée…

A quel moment t’es venue l’idée de transmettre à ton tour et de créer l’institut de naturopathie humaniste ?

Odile Chabrillac : J’enseignais déjà, enfin j’étais jurée d’examen et j’enseignais un peu au Cenatho, l’école où j’ai été formée. J’enseigne également dans une école de psychothérapie et j’adore ça. L’enseignement me nourrit énormément. Je n’ai d’ailleurs jamais souhaité me limiter à la consultation et avoir des patients cinq jours par semaine. C’est trop, même au niveau énergétique. De manière générale, j’aime équilibrer mes différentes activités:  je passe du temps à Paris mais je passe aussi une grande partie de ma vie à la campagne. L’idée de l’école m’est tombée du ciel alors que j’étais en voyage. J’ai sollicité des enseignants et des personnes magnifiques afin qu’ils et elles participent à ce projet. Elles m’ont toutes dit oui. Après on a réfléchi à la valeur ajoutée qu’on pouvait apporter. Ca ne servait à rien de monter une école de plus en naturopathie. Je voulais que la pratique soit au coeur de l’enseignement alors que dans la plupart des formations, on ne rencontre ses premiers patients qu’après la sortie de l’école. Par ailleurs, je ne voulais pas que nos cours soient épuisants: il y a une incohérence à faire des études en naturo si on en sort épuisé (j’ai connu des élèves qui ont même du être hospitalisés tellement leurs cours étaient prenants). Du coup, je me suis demandée comment on pouvait optimiser les outils avec les moyens techniques modernes. J’ai créé un enseignement à distance pour toute la partie théorique, ce qui nous donne beaucoup de liberté, nous permet de faire des videos, de faire évoluer le contenu au fur et à mesure de l’évolution de la connaissance. Les élèves apprennent la théorie avec ces vidéos de chez eux et on se retrouve une fois par mois pendant deux jours (ou bien trois semaines au cours de l’été) pour mettre en pratique tout ce qu’ils ont intégré. On ne perd pas de temps à faire un cours magistral. Mais on ne les laisse pas sans soutien pendant leur apprentissage. Les élèves qui sont au nombre de vingt-quatre par promo (et divisés en deux groupes de douze) ont tous des responsables de niveau et restent en interaction permanente avec eux.

Qu’est-ce que vous faites avec les élèves quand vous vous retrouvez une fois par mois ?

Odile Chabrillac : On découvre des pratiques qui sont en lien avec la naturopathie: de la médecine chinoise à la réflexologie par exemple. J’avais envie d’ouvrir les fenêtres quand l’idée de cette école m’est venue. Personne ne détient de vérité absolue. Chaque élève, en découvrant ces différentes pratiques in situ, va pouvoir puiser sa nourriture singulière, sa spécificité.

Parallèlement à tous ces projets, tu as décidé de te former à l’enseignement du kundalini yoga, qu’est-ce que cette pratique apporte à ta fonction de naturopathe et de professeur ?

Odile Chabrillac : Ca me donne deux choses essentielles, la terre et le ciel, ça me structure et ça m’ancre dans une pratique quotidienne mais aussi dans un groupe de personnes qui correspondent à la vibration de mon âme aujourd’hui. C’est très important quand on fait beaucoup de choses comme moi qui ai en plus une grande famille. La structure me donne une forme de confiance intérieure. Cette formation a changé ma météo intérieure, ça l’a stabilisée et ça me permet de m’ouvrir encore plus à mes intuitions. Dans la pratique avec mes patients, c’est quelque chose de colossal. Plus ça va, plus je fais confiance en mon ressenti. Je suis des pistes qui peuvent paraître absurdes et qui sont souvent résolutives.  Le développement de mon intuition m’offre un boulevard et ça me donne beaucoup de joie.

Photographie Lili Barbery-Coulon, Odile Chabrillac au mois de juillet 2018 pendant notre deuxième semaine de formation à l’enseignement du kundalini yoga

Dans notre formation, il y a un kinésithérapeuthe qui reconnait lui aussi que cette pratique du kundalini yoga l’a rendu beaucoup plus intuitif avec sa patientèle…

Odile Chabrillac : J’ai vraiment ce sentiment là, je sais ce que je peux apporter à la personne qui vient me voir très vite. Et je trouve ça extraordinaire.

Comment se déroule une consultation en naturopathie ?

Odile Chabrillac : Déjà ça prend beaucoup plus de temps qu’un rendez-vous chez un généraliste. Une bonne heure en moyenne. Les naturos sont très visuels. On regarde les mains, le visage, un tas de choses… Par exemple dès qu’une personne entre dans la pièce, on observe sa démarche, sa poignée de main, le pétillement de son regard, tous ces éléments nous donnent des indices. Après on pose beaucoup de questions, d’abord d’ordre général, pour savoir s’il y a des allergies, des traitements en cours… Ensuite, on se concentre sur l’histoire génétique, les problématiques dans la famille, l’histoire médicale… Puis on se penche sur l’alimentation ce qui prend une bonne vingtaine de minutes. On n’est pas obligé de venir en consultation avec une problématique, on peut faire un bilan pour vérifier que tout va bien. Cela permet d’anticiper les fragilités éventuelles du foie, du système nerveux ou autre… Notre objectif n’est pas d’enlever le symptôme mais de comprendre ce qu’il donne comme information sur le disfonctionnement général. Par exemple, si on se plaint d’avoir mal à la tête, est-ce que ça vient du foie, des yeux, du stress… Ensuite, on propose un programme d’hygiène vitale qui englobe plusieurs propositions sur la vie en générale. Des conseils alimentaires, des conseils d’exercices physiques si la personne n’a pas d’activité particulière mais on aborde aussi la psychologie: est-ce que la personne a besoin d’un accompagnement par exemple? Ensuite, on parle de toutes les techniques naturelles de santé: se faire masser, aller au sauna, prendre une bouillotte, utiliser des techniques comme la réflexologie, les plantes, les huiles essentielles, les compléments alimentaires…

C’est tellement riche…

Odile Chabrillac : Oui c’est sûr mais on ne veut pas noyer les gens dans notre richesse donc nous on doit aussi faire des choix. Les experts qui donnent 10 compléments alimentaires à leurs patients ne respectent pas, à mon sens, la déontologie de la naturopathie. D’abord parce que cela devient très coûteux et aussi parce que cela engendre une sur-consommation.

Tu cherches donc à respecter le vivant constamment dans ton travail ?

Odile Chabrillac : J’essaie de tendre vers ça. Je ne dis pas que c’est parfait. Je dis toujours que mon plus grand paradoxe c’est que je suis très écologiste, locavore mais que mes aliments de base sont l’avocat et la banane. Or, je sais bien qu’il n’en pousse pas dans mon jardin en Normandie. J’en suis consciente. Je cherche sans cesse à améliorer ce que je peux. En ce moment, on peut profiter des châtaignes et toujours chercher à faire du mieux qu’on peut, en conscience.

Tu parlais de compléments alimentaires et c’est une question qui revient tout le temps chez mes lect.eur.rice.s. Est-ce qu’il y a des compléments alimentaires qu’on peut recommander à tous ?

Odile Chabrillac : La question des compléments alimentaires est complexe. Il y a trois techniques majeures de santé en naturopathie: l’alimentation, l’exercice physique, la psychologie. Normalement si tout est à sa place, on devrait pouvoir se passer de compléments alimentaires. Mais la réalité est que l’on vit dans des environnements pollués, agressifs et que l’on doit s’adapter en permanence. C’est très coûteux pour le corps et c’est pourquoi il a tendance à compenser. Par ailleurs, les patients qui viennent voir un.e naturopathe investissent du temps et de l’argent dans leur consultation. Ils veulent des résultats perceptibles rapidement. Les compléments alimentaires vont leur permettre de sentir une nette différence rapidement et cela va les soutenir pour changer ce qui doit être modifié dans le reste de leur hygiène de vie.

Ce que tu dis est qu’on pourrait obtenir les mêmes résultats sans les compléments mais que ça mettrait beaucoup plus de temps ?

Odile Chabrillac : C’est exactement ça, donc pour qu’ils gardent la motivation et qu’ils sentent que ça fait une différence, on booste le phénomène. Parallèlement, ma croyance est que nos aliments sont de moins en moins riches en nutriments et que de toute façon d’une manière ou d’une autre on doit compenser. Concernant les marques et les produits, c’est une question en constante évolution.

D’ailleurs, tu dis souvent qu’à l’intérieur d’une marque, il peut y avoir des produits que tu trouves super et d’autres que tu recommandes moins…

Odile Chabrillac : Oui tout à fait. J’ai tendance à chercher des petites marques, des petits artisans mais en même temps il y a de grosses marques américaines avec lesquelles je travaille parce que je sais qu’elles sont hautement dosées et que cela fera une différence dans la vie des gens et qu’en terme de budget, c’est accessible. Distinguer un bon produit d’un mauvais nécessite donc de l’expérience et beaucoup de partage entre naturopathes. On a des réseaux entre nous qui fonctionnent bien. C’est un enjeu majeur. Mon intention est d’aller encore plus loin dans la coopération. A nos élèves, on donne tout. On partage nos questions, nos réponses et on sait qu’elles (ce sont des femmes principalement) feront évoluer les choses à leur tour. Si un prof fait une découverte, je la teste sur moi, puis sur ma famille et ensuite seulement auprès de mes patients en leur précisant que c’est un nouveau produit. On est dans une recherche constante, mais on a aussi des basiques, des fondamentaux qu’on aime bien parce qu’on sait qu’ils marchent et qu’en trois jours ça fait une différence dans la vie des gens.

On est en plein hiver en ce moment. Quels conseils recommandes-tu pour faire face à cette période pendant laquelle la lumière décline ?

Odile Chabrillac : D’abord rappeler que nous sommes des mammifères et qu’on doit hiberner, calmer le jeu et respecter le rythme du soleil. Ensuite, l’organe de l’hiver en médecine chinoise, ce sont les reins. Il y a une plante qui leur correspond et qui est ma plante chouchou, c’est le cassis sous toutes ses formes (feuille, fruit, etc). Le cassis est un anti-inflammatoire donc on peut le prendre en jus, en tisane avec des feuilles, j’achète de la gelée de cassis au marché, je leur prends en général tout leur stand (rires). Ils mettent très peu de sucre en plus car c’est de la confiture artisanale. Le cassis c’est la plante de la saison, parce que la baie est très riche en vitamine C. Ce sont nos baies de goji à nous! Sauf qu’elles ne viennent pas du bout du monde et que c’est bien meilleur en goût.

Une autre plante à conseiller ?

Odile Chabrillac : Dès qu’on se sent fatigué, ou encombré au niveau du nez et de la gorge, il ne faut pas hésiter à utiliser les produits de la ruche (gelée royale, propolis…). La gelée royale est la meilleure amie des femmes, en particulier sous forme fraîche en micro dosettes sous la langue le matin à jeun et si possible pas chinoise. C’est la nourriture des reines. Les hommes peuvent prendre du ginseng, que les femmes pourront aussi utiliser une fois ménopausées (NDLR: le ginseng a un effet hormone like, donc Odile recommande de l’éviter quand on est une femme avant la ménopause).

On la trouve en herboristerie en version fraîche ?

Odile Chabrillac : Chez La Vie Claire, on en trouve. Les italiens en produisent dans le Nord de l’Italie et elle est de qualité. La gelée royale française est formidable mais plus chère.

En plus il faut dire que c’est super bon moi j’adore ça…

Odile Chabrillac : Certaines personnes détestent mais je suis comme toi, j’adore. Quand j’étais petite, je rêvais d’être herboriste. Je suis décidément une fille des plantes et des bois  (rires). Après, pour l’hiver, il faut aussi profiter de toutes les tisanes de saison, comme le thym par exemple qui protège et soutient.

Tu me disais quelque chose d’intéressant au sujet des tisanes. Je ne bois plus de café depuis le début de notre formation à l’enseignement du kundalini yoga. Et je ne bois que très rarement du thé. Du coup, je bois énormément de tisanes ou des infusions de citron, de gingembre… Or tu m’as dit que je devais faire attention à consommer plus d’eau que de tisanes sinon je risque d’épuiser mes reins.

Odile Chabrillac : Oui ça finit par les épuiser bien qu’il n’y ait pas que les tisanes qui les fatiguent. C’est surtout le stress et la fatigue qui jouent. Mais le corps va subir les phénomènes cumulatifs. On a besoin d’eau pure au niveau énergétique. C’est vraiment très important. Les messages du corps passent à travers l’eau. Nous sommes d’ailleurs de l’eau à 70%. Pour toutes ces raisons, il faut éviter que les reins aient à filtrer trop d’informations liquides. C’est pour ça qu’on va toujours conseiller, surtout quand on est fatigué de consommer d’avantage d’eau que du reste.

Justement au sujet de l’eau, j’ai décidé d’arrêter d’acheter des bouteilles en plastique il y a plusieurs mois. Du coup, j’ai accès à une eau moins qualitative pour ma santé et moins bonne en terme de goût que la Mont Roucous que j’adorais. C’est un choix que je fais pour le collectif et pour la planète, et donc, pour ma santé et celles de tous à long terme. Est-ce que tu as trouvé un système de filtration qui te convient ou en tout cas qui est moins pire que le reste ?

Odile Chabrillac : Il existe trois solutions à ta question mais à chaque fois c’est la quadrature du cercle, il faut être vraiment lucide: l’eau est le problème majeur d’aujourd’hui. Et ça va être encore pire demain. Moi j’utilise des grosses fontaines, des gros filtres Eva, ça évite de faire des installations sur les canalisations. Après il y a quand même tous les systèmes osmose inverse (NDLR: Culligan, Watertech, Josmose, NaturalWater…) qui sont de très bons systèmes. On accède à une eau pure à 100% et là ça s’installe directement sur les canalisations. A la campagne, on a la solution idéale: il y a un monastère avec une source. On va acheter des bouteilles en verre qu’on remplit à la fontaine et qu’on boit à la maison. Je n’en suis pas encore à faire des allers retours à Paris avec un camion citerne. Peut-être qu’un jour, on sera obligé de faire comme ça. En tous cas, j’adore ce geste qui consiste à aller nous ressourcer à la fontaine.

La symbolique est magnifique, après il faut se méfier des eaux à la campagne. En Bretagne, dans la région où nous venons de passer le week-end, tous les locaux évitent l’eau du robinet qui est soupçonnée d’être très polluée.  

Odile Chabrillac : En effet, il faut faire attention et l’eau dont je parle est testée dans une région qui ne fait pas beaucoup d’élevage. Après on va de plus en plus aller vers des systèmes à osmose inverse de filtration. Quant aux histoires de bout de charbon dans la bouteille ça me fait mourir de rire!

Ah mince! J’en ai acheté et je me suis dit que c’était une solution miraculeuse, peu coûteuse et durable… Je l’ai même recommandé sur Instagram dans mes stories, argh… Evidemment, on n’avait aucune preuve scientifique mais le goût du chlore disparaît au contact du charbon, c’est déjà pas mal.

Odile Chabrillac : De toutes façons, on cherche toujours à faire mieux. Moi je dis à mes patients,:prenez l’escalier et pas l’ascenseur, c’est déjà bien. Si les gens commencent par la carafe Brita, c’est déjà ça.

Oui mais il parait que leurs filtres ne sont pas fiables…

Odile Chabrillac : Il faut changer les filtres super souvent, en fait nous, on conseille aux gens de changer les filtres 2 fois plus souvent que ce que la marque conseille.

C’est intéressant car cela prouve que chaque petit pas compte. C’est ce que j’aime avec toi: tu ne fais jamais l’apologie de règles strictes et tu encourages chaque changement. Et tu répètes sans cesse qu’il faut sans cesse apprendre à s’adapter…

Odile Chabrillac : Notre vie a changé, notre vie collective aussi. Moi je donne toujours l’exemple des fruits au petit-déjeuner. Aujourd’hui, c’est un non sens total car nous sommes dans une période où nous consommons tellement de sucres que notre premier organe vulnérable est devenu notre pancréas. Alors évidemment, manger des fruits frais, c’est toujours mieux que des céréales industrielles sucrées, du lait de vache et un grand verre de jus d’orange qui n’est pas moins sucré qu’un verre de soda. Dans les années 1960, c’était pertinent de manger des fruits, aujourd’hui, on peut le faire mais il faut préserver son pancréas et privilégier des repas salés, comme des soupes, y compris au réveil.

Pour moi ce que tu dis au sujet des fruits est difficile à appliquer. J’ai beaucoup maigri et stabilisé mon poids en mangeant des fruits frais au réveil. Ca a été et ça reste un soutien important pour éviter de craquer sur des pâtisseries, des desserts lactés et tous les machins sucrés qu’on nous propose à longueur de journée. Les fruits m’ont permis de me libérer du grignotage en m’apportant de la satiété. Il m’arrive de plus en plus souvent de manger salé au réveil, disons trois fois par semaine mais le fruit reste mon ancre au petit-déj avec des porridges sans sucre, des mélanges de céréales brutes et bio…

Odile Chabrillac : Ce serait super que tu arrives à inverser le ratio et à manger quatre jours par semaine salé et le reste du temps un breakfast à base de céréales et de fruits. Mais au fond, on est tout à fait d’accord. Il y a des patients à qui je recommande des fruits parce que ce sera de toutes façons mieux que ce qu’ils font. Mais si on mange des fruits, c’est bien d’ajouter un avocat ou une matière grasse végétale qui va ralentir l’absorption du sucre et qui en plus va apporter de la satiété. Ce qui me dérange c’est quand on présente un aliment comme la seule solution possible. Ca n’est pas possible. Dans l’histoire de l’humanité, jamais sur terre les humains n’ont mangé sucré au réveil, c’est une pratique très récente.

Il doit bien y avoir des peuples qui ne disposent que de fruits pour s’alimenter ?

Odile Chabrillac : Très peu, même pendant la Préhistoire ils faisaient des bouillies. Et puis le sucre n’a jamais fait partie de l’histoire de l’humanité, enfin le sucre tel qu’on le connaît. L’idée n’est pas de diaboliser un aliment ou une pratique, juste de prendre conscience de la richesse des alternatives possibles.

Odile Chabrillac reçoit ses patients à Paris, dans le 9e arrondissement. Une consultation en naturopathie coûte 120 euros. Pour prendre rendez-vous avec elle, il suffit d’aller sur son site. Je vous recommande également de la suivre sur Instagram. Elle y partage ses états d’âme de sorcière, ses petits et grands moments de joie quotidienne et fait aussi, parfois, l’aveu de sa fragilité. Vous l’aurez compris: je l’adore… Quant à son école, vous trouverez les infos de son Institut de Naturopathie Humaniste sur ce site.
Propos recueillis par Lili Barbery et retranscrits par Fleur Monot