Un matelas pour prendre soin de soi
13/06/2019
Savez-vous ce que deviennent les matelas lorsqu’ils partent à la déchèterie? On les enfouit dans le sol. Sachant que la plupart d’entre eux sont fabriqués en mousses issues de la pétrochimie et qu’on en change tous les quinze ans, imaginez ce que cela signifie… Si on m’avait dit un jour que je me passionnerais pour la literie, j’aurais éclaté de rire. Pourtant il m’a bien fallu enquêter sérieusement pour trouver un matelas respectueux de la santé et du vivant…
Les alarmes scientifiques continuent à sonner au sujet du réchauffement climatique et de la biodiversité. Chaque semaine, nous avons accès à de nouvelles images de fonds marins couverts de plastique, de poubelles occidentales expatriées en Asie du Sud-Est ou de forêts massacrées par l’industrie agroalimentaire. Les documentaires, les discours et les études sur le sujet sont tellement effrayants qu’ils donnent l’impression qu’il est déjà trop tard pour agir. On aurait bien tort de se laisser paralyser par la peur. Cela reviendrait à oublier le pouvoir gigantesque que nous détenons individuellement. Or, dans l’ombre, des colibris s’affairent un peu partout. J’en suis un certain nombre sur les réseaux sociaux et ailleurs. Ils m’élèvent et me donnent le courage de continuer sur la voie du respect du vivant. Dès qu’on commence à les observer, on n’a plus qu’une envie : se relever les manches et pousser encore le curseur du changement de nos comportements.
Ce weekend, j’ai passé deux jours à Marseille. Alors évidemment, la pollution de la mer Méditerranée est accablante et l’incivilité sur les plages désolante. N’empêche que j’ai aussi remarqué de nombreuses personnes qui, comme moi, ramassaient silencieusement les bouteilles en plastique sur les trottoirs, déterraient les mégots dans le sable et les films plastiques entourant les paquets de cigarettes. C’est très nouveau et réjouissant. Il y a douze ans, j’étais fumeuse. J’enfonçais mes mégots profondément dans le sable si je ne trouvais pas de poubelles à proximité. Je ne me posais pas de question sur leur devenir. Je ne voyais pas où était le problème. Je me disais que c’était du papier et de la feuille de tabac (donc une plante) et que c’était biodégradable. Je ne savais pas qu’un seul mégot suffisait à polluer 500 litres d’eau (je précise que ça vaut pareil en ville où le mégot atterrit dans les eaux usées). Aujourd’hui, je ne me sens pas supérieure aux fumeurs qui écrasent encore leurs mégots sans les ramasser. J’ai été comme eux. Je n’avais pas conscience de ce que je faisais. Et il y a probablement encore plein de domaines dans lesquels je n’ai pas réalisé que mon comportement doit absolument changer. Une de mes amies en voyant ma photo de mégots dans ma story du weekend m’a écrit enragée : « J’en ai marre de ces gens, c’est dégueulasse ! ». D’autres internautes aussi ont réagi de manière similaire. La colère nous aide-t-elle à avoir un impact positif, à convaincre ceux qui font preuve d’irrespect à changer ? Je crois au contraire qu’elle est énergivore, qu’elle empire les comportements et fixe les crispations dans les deux camps. En revanche, imaginez cet été que nous soyons des milliers à ramasser silencieusement sur nos lieux de vacances, dans la rue, en pleine nature, sur la plage, en forêt ou en montagne les déchets que nous voyons. Je rêve d’une foule immense et silencieuse qui, sans colère ni leçon de morale, nettoierait avec amour cette terre nourrissante. Nous sommes si nombreux à avoir la chance d’avoir déjà pris conscience de l’alarme. Ne pourrions-nous pas devenir une armée de colibris bienveillants sur les plages ? Peut-être qu’en nous voyant souriants et heureux de nous savoir utiles, ceux qui n’ont pas encore pris conscience de l’urgence se sentiraient intrigués puis inspirés par notre joie de faire ?
Désormais, je suis convaincue que chaque petit geste compte. Et en particulier dans ma manière de consommer. Puisque les gouvernements du monde entier n’arrivent pas à prendre les mesures qui s’imposent, nous sommes contraints de nous réapproprier pleinement notre pouvoir individuel. Et de choisir ! Il y a quelques mois, lorsque les travaux de mon bureau ont pris fin, je me suis aperçue qu’il était possible de glisser un matelas dans cet espace pour y recevoir des amis. J’ai d’abord regardé sur des sites de seconde main comme Le Bon Coin si je pouvais récupérer un matelas pas trop ancien mais je n’ai pas trouvé de modèle qui me convenait. L’idée d’acheter un nid d’acariens à des inconnus ne me plaisait pas. D’autant que j’aimerais que ce matelas dure longtemps. Ne sachant pas où chercher, j’ai mis une annonce dans mon Instastory pour avoir votre avis : « Quelles sont vos recommandations pour un matelas éthique et pas trop cher ? ». J’ai reçu plus d’une centaine de réponses. Beaucoup de marques étrangères fabriquées à l’autre bout du monde que j’ai immédiatement écartées (pour des raisons de bilan carbone). Quelques marques européennes à l’instar de Coco Mat que j’ai testée en Grèce : des matelas fondés par un ancien ostéopathe et fabriqués en fibres de coco, latex naturel, crin de cheval et fibres de cactus mais trop ruineuses pour mon budget et pas si faciles à dénicher en France. On m’a aussi parlé de matelas en laine fabriqués en France qui ne correspondaient pas à mon besoin : je suis une ancienne asthmatique et je préférais le latex végétal aux vertus anti acariens. On m’a aussi envoyé une liste de jeunes pure players à l’instar d’Emma Matelas, Eve Sleep, Tediber inspirés du succès de l’américain Casper. J’ai commencé à enquêter sur chacune des marques proposées, à comparer les prix et simultanément on m’a signalé un article du compte Instagram Peau Neuve, pile sur le sujet. Cette jeune femme qui ne se montre jamais partage ses astuces écologiques pour transformer nos gestes dans la salle de bain et la maison. Je ne suis pas toujours d’accord avec ses recommandations sur le plan cutané mais elle propose, tente, essaie et partage, avec beaucoup de générosité, des tonnes de conseils qui sont faciles à décliner. Après avoir cherché partout un matelas capable à la fois de respecter la santé et l’environnement, elle s’est s’acheté un modèle d’une marque dont je n’avais jamais entendu parler : Kipli. « Encore des Grecs ? » me suis-je demandée à cause du nom de la marque qui est pourtant franco-italienne et basée à Paris. Intriguée, je suis allée dans leur show-room pour tester leur matelas en latex végétal. Jamais je n’aurais imaginé qu’acheter un lit me procurerait autant de joie !
Savez-vous ce que deviennent les matelas que nous envoyons à la déchèterie ? Ils finissent enfouis dans le sol ou incinérés. Oui, oui, enfouis dans le sol ! Sachant qu’on en change tous les quinze ans en moyenne et qu’ils sont quasiment tous fabriqués à partir de mousses issues de la pétrochimie, imaginez ce que cela signifie en terme de pollution ! Ah oui parce qu’en enquêtant, j’ai appris qu’il suffit d’ajouter très peu de latex végétal à une mousse chimique pour pouvoir revendiquer des mentions du style « d’origine naturelle ». Encore une fois et comme sur tous les sujets, une seule solution : interroger les marques et traquer la mention « latex 100% naturel ». Deuxième surprise : la plupart des matelas sont injectés de fongicides, d’insecticides, de formaldéhyde, de chrome, de retardateurs de flamme, de phosphore, de triclosan… Pourquoi ? Pour garantir des effets anti bactériens, anti microbiens, ralentir un incendie potentiel (une obligation dans les lieux collectifs ou dans les hôtels mais pas chez les particuliers), améliorer la mémoire de forme. Évidemment, ces produits dont certains perturbent la sécrétion des hormones (y compris celles qui régulent le sommeil) ne sont pas sans conséquence pour la santé, en particulier celles des enfants en plein développement. Or, comme nous dormons en moyenne dix à quinze ans sur le même matelas, on va répéter le contact avec ces substances chaque nuit alors qu’on pensait pouvoir recharger ses batteries en toute sécurité. Est-ce qu’on peut faire autrement ? Oui ! Le latex végétal recèle par exemple des propriétés hypoallergéniques et anti bactériennes naturelles tout à fait respectueuses des affections respiratoires comme l’asthme et n’a pas besoin de tous ces traitements pour conserver son rebondi initial. Et puis, mieux vaut choisir un revêtement dans un tissu (laine ou coton bio…) portant le label Oeko-Tex. Mais cela ne suffit pas, il faut absolument exiger de connaître les traitements subis par le matelas que vous choisirez d’acheter. Si on m’avait dit un jour que je me passionnerais pour la literie…
Chez Kipli, je m’attendais à rencontrer des vendeurs aguerris comme dans les magasins de literie classique. A la place, j’ai découvert un bureau rempli de jeunes trentenaires convaincus que les entreprises peuvent aider à changer le monde à leur échelle. C’est le co-fondateur de la marque, Antoine, qui m’a fait essayer les matelas installés au sous-sol. Diplômé de l’école de commerce Kedge, Antoine est entré dans la vie active il y a seulement trois ans. Avec son ami italien Davide, diplômé de l’école Polytechnique de Milan, ils cherchent une idée qui pourraient leur permettre d’avoir un impact positif sur l’écologie tout en développant un business viable. L’oncle de Davide, Mario, a justement une usine de latex naturel et bio basée en Italie. Alors que le marché du matelas se digitalise, cassant les prix de marques souveraines dans ce domaine, Davide imagine un produit vertueux : un matelas utilisant le savoir-faire de l’usine de sa famille. Non toxique pour la santé, respectueux de la terre et compostable en un an seulement. Le projet est coûteux alors Antoine et Davide décident de baisser la marge commerciale habituellement appliquée par ce secteur afin de garantir un prix juste. Ils sont certains que si leur produit est de grande qualité, il finira par s’imposer. C’est ainsi que Kipli voit le jour en Italie en 2017 et se lance un peu plus tard en France. Antoine et moi avons immédiatement sympathisé. J’étais enthousiasmée par les mots que choisissait le jeune entrepreneur pour me parler de la nécessité d’honorer la nature. J’ai commandé un modèle de 140cm de large (l’espace n’est pas gigantesque) que j’ai reçu à la fin de mes travaux. On le trouve tellement dingue avec mon mari qu’on regrette de ne pas avoir le même dans notre chambre. Hors de question cependant de créer un nouveau déchet en jetant notre matelas actuel qui est encore en bon état. Le confort du matelas Kipli est démentiel. En revanche, il a deux inconvénients mineurs. Le latex végétal a une odeur naturelle qui n’est pas neutre. Cela passe au bout d’une semaine mais j’avoue avoir été surprise quand je l’ai reçu. Deuxième bémol : le latex végétal est beaucoup plus lourd qu’un matelas en mousse pétrochimique. Donc beaucoup moins facile à changer de place ou à retourner qu’un lit habituel. Ce n’est néanmoins pas insurmontable et vu la qualité du matelas, on s’y fait :-). Je suis si heureuse que deux jeunes hommes mettent leur intelligence au service du vivant. Non seulement ils offrent un salaire digne aux Sri Lankais qui prélèvent le latex du bois d’hévéa (le latex végétal) sur des arbres cultivés sans pesticides et durablement mais en plus ils gagnent leur vie en ayant un impact positif sur la santé de leurs clients et la protection de la biodiversité. Cela m’émeut car depuis que j’ai rencontré Laetitia Debeausse dont le métier est d’accompagner les entreprises sur ces voies, je m’aperçois qu’il existe des milliers d’exemples à l’image de Kipli. Dans tous les domaines. A nous de les trouver et de les soutenir quand on en a les moyens puisque nous en serons les premiers bénéficiaires.
Et vous, avez-vous récemment découvert des marques qui tentent de changer le monde à leur manière ? N’hésitez pas à partager vos trouvailles dans les commentaires !
De 750€ à 1390€ le matelas Kipli selon sa taille (de 90cm à 180cm de large) sans le sommier, 240€ le matelas bébé. Ces tarifs paraissent élevés si vous les comparez à ceux des marques de literie exclusivement vendues en ligne qui utilisent des mousses issues de la pétrochimie ainsi que des fibres synthétiques. En revanche, si vous les comparez avec les acteurs haut de gamme et bien connus de la literie traditionnelle, vous vous apercevrez que les prix de Kipli sont deux fois moins chers.