Accepter ce qui est
Photographie Julie Levoyer. Voici une photo de Tromso où j'aurais du prendre le bateau pour partir dans le grand nord

Accepter ce qui est

Accepter ce qui est

Si vous me suivez sur Instagram, vous savez sans doute que je ne suis pas partie dans le nord de la Norvège jeudi 20 juin comme je l’avais prévu depuis près d’un an. J’ai passé quelques heures à l’aéroport de Charles de Gaulle et j’ai dû renoncer à une mission professionnelle qui m’intéressait ainsi qu’à un voyage qui me faisait rêver. L’accumulation d’obstacles empêchant mon départ a atteint un tel niveau que toute forme d’acharnement se serait révélée inutile. Récit d’une journée hallucinante qui m’a encore appris à accepter ce qui est…

Il y a un peu plus d’un an, j’ai été contactée par un média partenaire de croisières ultra luxueuses. On m’a proposé de tenir une conférence pour expliquer comment j’ai transformé ma vie en prenant soin de mon corps. Il était aussi prévu que je donne un cours de kundalini yoga et que j’organise des initiations à la méditation. La croisière devait se dérouler dans le grand nord, de Glasgow jusqu’au cercle arctique et mon intervention était planifiée à la fin du voyage. J’étais d’autant plus excitée à l’idée de partir que nous étions accompagnés par plusieurs explorateurs extrêmement engagés qui profitent de ces occasions rares pour éveiller la conscience écologique… En prime, j’étais invitée avec mon mari et le départ correspondait pile à nos dix ans de mariage. Tout semblait parfaitement orchestré.

un drôle d’anniversaire de mariage

Premier couac début juin lorsque mon mari (qui en plus d’être un artiste talentueux est aussi graphiste et directeur artistique en freelance) a été embauché par une agence de publicité pour diriger un shooting en Corée, avec un retour de Séoul prévu le 20 juin. Impossible de refuser cette proposition, surtout avant l’été qui est toujours une période très calme dans ces milieux. J’étais déçue mais je me suis dit que j’allais faire une heureuse et j’ai aussitôt proposé à mon amie Lisa Gachet de le remplacer. On hurlait de joie au téléphone à l’idée de découvrir ces paysages et le soleil de minuit le jour du solstice d’été. Les jours précédant le départ, j’ai préparé le texte de ma conférence, mis douze milliard de pulls chauds dans ma valise tout en organisant mes cours hebdomadaires de yoga et continué à travailler sur « le projet presque plus du tout secret » sur lequel j’œuvre depuis quelques mois.

pas de taxi et pluie torrentielle

Second obstacle à 7h13 lorsque Lisa a débarqué chez moi pour qu’on prenne la même voiture pour l’aéroport. Elle m’attendait sous la porte cochère, je fignolais les derniers détails (ne pas oublier mon enceinte pour diffuser de la musique pendant mes cours, ah oui mes lunettes de soleil, de la crème solaire, oh tiens ce livre qui pourrait enrichir une pratique…) alors que ma fille se préparait pour aller au collège. Tout était organisé comme une horloge suisse : j’allais appeler un taxi, elle irait au collège jusqu’à 17h, mon mari atterrirait de Corée à 14h et si jamais il avait le moindre retard, la mère d’une des copines de ma fille était prévenue et la garderait chez elle pour la nuit. Néanmoins, alors que les taxis arrivent toujours en moins de 3 minutes devant ma porte, je me suis retrouvée en attente pendant une dizaine de minutes avec plusieurs compagnies de taxis sans obtenir de réponse. Dehors, il pleuvait à torrent depuis la veille et la cour de mon immeuble comme les rues de Paris étaient complètement inondées. Je me suis décidée à rejoindre Lisa qui m’attendait patiemment en bas, le nez rivé sur son téléphone : c’était son anniversaire et les messages arrivaient déjà par rafales. Pas de taxi et 25 minutes d’attente annoncées pour une voiture privée à 90 euros la course ! On n’a pas voulu prendre le risque d’attendre pour rien et on s’est décidé à trainer nos grosses valises jusqu’au métro le plus proche pour prendre le RER. Quelques minutes de course sous la pluie ont suffi à tremper entièrement mes vêtements au point d’avoir de la flotte dégoulinant derrière la nuque jusqu’en bas du dos. Et puis, arrivées devant l’entrée du métro, un énorme taxi avec de grandes roues tout terrain s’est pointé devant nous. Trop contentes et toutes trempées, on s’est jeté sur lui pour aller jusqu’à Roissy.

le karma du passeport oublié

Arrivées à l’aéroport à 8h30 après avoir traversé des rivières sur l’autoroute, on a commencé à chercher le lieu d’enregistrement pour le premier avion que nous devions prendre : Paris-Oslo d’abord puis quatre heures d’escale et Oslo-Tromso où le bateau devait venir nous chercher avec les explorateurs le lendemain matin. En cherchant la compagnie aérienne, j’ai attrapé mon sac pour me munir de mon passeport. Je me suis arrêtée net. « Lisa, j’ai oublié mon passeport ! » ai-je annoncé froidement. Cette scène avait comme un goût de déjà-vu… Une fois j’ai oublié ma pièce d’identité pour prendre l’avion pour Cannes mais le flegme de mon amie Domino et son idée de génie de montrer à l’hôtesse la photographie de mon passeport stockée dans mon téléphone a suffi à me laisser passer. Je suis également montée dans un avion pour la Tunisie sans passeport ni pièce d’identité en 2006 avec l’aide d’une attachée de presse déterminée à m’emmener à la découverte d’un parfum Azzaro. J’ai également oublié mon passeport dans un avion Nice-Paris deux jours avant un départ pour un voyage de presse en Inde. C’était en 2013. Il avait fallu plusieurs semaines pour obtenir le visa collé dans mon passeport. Je me suis aperçue que je l’avais perdu, juste au moment où le taxi venait d’arriver pour m’emmener à Roissy. Je n’ai pas pu partir. Mon billet d’avion aller-retour en business n’a pas pu être remboursé à la marque qui m’invitait, sans compter les frais sur place et la joie de partir à la découverte de Jaipur… Ca m’avait tellement affectée que j’étais restée deux jours à pleurer chez moi en me demandant comment un truc pareil avait pu m’arriver. J’étais dévastée, fatiguée et honteuse. Cet épisode vécu comme un drame n’avait pourtant pas suffi à me raisonner puisque quelques semaines plus tard, j’avais à nouveau oublié mon passeport pour aller à Barcelone en voyage de presse avec les parfums Boss. Devenue habituée de la chose, j’avais aussitôt réagi et appelé un taxi moto pour qu’il me l’apporte jusqu’au terminal et j’avais réussi à monter dans l’avion in extremis. Pourquoi est-ce que je venais de réactiver cette même scène dans ma réalité ? C’était quoi ce schéma karmique que je répétais en boucle au moment des départs ? Pourquoi ce matin-là, alors que cela ne m’était plus arrivé depuis des années et que j’étais la reine de l’organisation sans faille ?

ma fille à la rue

Jeudi dernier, j’avais beau répété la même scène, mes émotions étaient complètement différentes. Mes réactions aussi. A aucun moment, je n’ai paniqué. J’ai regardé l’heure, il était 8h40, ma fille était sur le point de partir au collège, il fallait que je l’appelle instantanément, avant qu’elle ne quitte la maison. « J’ai oublié mon passeport, tu vas mettre un manteau et des chaussures et descendre dans la rue pour le donner à un taxi moto que je t’envoie sur le champ. Tu vas probablement rater ta première heure de cours au collège, je les appellerai pour leur expliquer, ne t’inquiète de rien et descends, je te rappelle dès que j’ai localisé une moto » ai-je dit à ma fille d’une voix très calme. Lisa m’a observée en silence tout en marchant avec moi vers le comptoir de la compagnie aérienne. Je leur ai expliqué ce qui se passait tout en contactant simultanément plusieurs compagnies de taxis moto. Un motard m’a confirmé qu’il se dirigeait vers mon domicile. Le quart d’heure qui a suivi a été ponctué par des coups de fil avec le motard et avec ma fille. « Il arrive, il est rue de Rivoli, reste sous la porte cochère, ne te mets pas sous la pluie inutilement »… « Pas d’inquiétude, Madame, je suis à présent rue La Fayette »… « C’est bon, j’ai votre passeport en main, il est 9h05, je pense arriver pour 9h30, vous allez avoir votre avion, rassurez-vous ». J’étais soulagée, je lui faisais confiance.

une légère accalmie

Je suis partie retirer du liquide pour payer le motard – 100 euros l’oubli de passeport, j’espère cette fois retenir la leçon – laissant Lisa dans un café. Et là, troisième épreuve avec un appel de ma fille : « Maman, c’est terrible… » elle sanglotait, je ne comprenais pas ce qu’elle essayait de me dire. « J’ai oublié mes clés, j’ai claqué la porte de la maison sans prendre mes clés, je n’ai pas mon sac pour aller à l’école, je n’ai pas pris de manteau, je ne sais pas où aller ». Inspiration profonde. Expiration profonde. Étrangement, je suis restée zen : « Ok. Ca va aller. Ce n’est pas grave. Tu vas aller au collège sans manteau et sans sac, le dernier jour c’est demain donc tu ne seras pas punie et de toutes façons, je les appelle pour tout leur expliquer. Tu seras en sécurité jusqu’à la fin de tes cours à 17h. Papa atterrit à 14h, il a ses clés, il t’attendra à la maison, s’il y a le moindre problème, tu iras dormir chez ton amie, sa maman est au courant. » J’ai raccroché et j’ai passé un petit moment avec la musique d’accueil du collège avant de pouvoir expliquer toute mon histoire. J’étais rassurée, on allait prendre soin de ma fille, tout le monde comprenait la situation, elle serait bien accueillie et consolée à son arrivée. D’ailleurs on m’a promis de m’appeler dès qu’elle serait arrivée. J’attendais toujours le motard. Une idée m’a traversée : et si mon mari perdait ses clés avant d’arriver? J’ai aussitôt trouvé le nom de l’entreprise qui a installé notre serrure et je l’ai laissé en message à mon mari, au cas où. Il y avait à présent une solution à tous les problèmes potentiels. Le motard est arrivé comme il l’avait prévu à 9h30 et j’ai filé à l’enregistrement.

un bagage trop lourd

« Votre bagage dépasse de trois kilos, je suis désolée, mais il faut décharger votre valise sinon vous allez devoir payer un supplément » m’a annoncé l’hôtesse à l’enregistrement. Me voilà en train d’ouvrir ma valise devant tout le monde au milieu du terminal 1. J’ai sorti les livres de yoga de ma valise et je les ai glissés dans mon bagage cabine qui du coup est devenu si lourd qu’il m’a scié l’épaule jusqu’à l’arrivée dans l’avion. On a aussitôt rejoint la zone d’embarquement.

un avion cassé

Un peu avant 10h40, comme prévu, notre avion s’est mis en marche, et on a roulé sur le tarmac vers la piste de décollage. On ricanait de tout ce qui venait de se passer, on était ravi de s’envoler vers la Norvège. Je me félicitais de ne pas avoir paniqué et je comparais la situation à toutes les expériences similaires que j’avais déjà vécues. On a commencé à s’inquiéter de ne toujours pas avoir décollé vers 11h15. La climatisation dans l’avion s’était arrêtée et il commençait à faire très chaud. Le pilote a pris la parole : « Nous avons un léger problème, une histoire d’ampoule cassée, rien de grave mais nous ne pouvons pas décoller sans la réparer, nous attendons donc des instructions. » Mon ventre s’est crispé. Le visage de Lisa s’est lui aussi froncé. Nous avons attendu environ une heure qu’une équipe française de l’aéroport vienne dépanner notre avion posé à l’autre bout de Roissy. Quarante minutes plus tard, le pilote a repris le micro pour nous dire que l’appareil était irréparable et qu’il allait falloir retourner à l’aéroport. Un vol de remplacement vers Oslo nous était proposé à 23h30 le soir même.

la réponse du corps physique

Nous avons été obligés d’attendre que des bus viennent nous chercher pour nous ramener au terminal. Cela a pris un peu plus d’une heure supplémentaire. Juste ce qu’il me fallait pour respirer profondément et interroger mon corps. Je lui ai demandé ce qu’il ressentait de cette matinée farfelue et de tous ces obstacles sur la route de notre départ. Fallait-il s’acharner pour partir coûte que coûte dans le grand Nord ? J’avais mal au ventre et une légère nausée qui ne me quittait pas depuis notre arrivée à l’aéroport. Pendant que nos compagnons de route sensés rejoindre également Tromso pour monter à bord du bateau calculaient de nouveaux itinéraires, Lisa et moi nous sommes avouées qu’on ne le sentait plus ce voyage. Il y avait trop de signes envoyés. Et si notre place était ailleurs ? Et s’il fallait que je reste à Paris ?

retour au terminal 1

On a fini par sortir de l’avion, on a récupéré nos bagages et on est reparti au point de départ, à l’embarquement où l’intégralité des voyageurs attendait debout, à bout de nerfs, qu’on leur donne des informations sur la suite de leur voyage. Je pensais à l’ironie de mon passeport oublié et la situation était si grotesque que j’avais vraiment envie de rire. La compagnie aérienne nous a donné un bon de 15 euros pour aller déjeuner dans l’aéroport et nous a proposé de nous embarquer pour Oslo à 20h30. Sauf qu’à cette heure-là, il n’y avait plus de vol pour Tromso. Le seul avion capable de nous emmener à bon port le lendemain matin était complet. Mon mal de ventre s’est aussitôt évanoui. Tout mon corps était soulagé. Je ne devais pas partir, c’était ainsi et cela ne servait à rien de commencer à faire le calcul de 1) la somme perdue à cause de la mission non honorée 2) tous les paysages lunaires que nous n’allions pas voir… Je me suis scrupuleusement empêchée de faire la somme des déceptions et j’ai commencé à volontairement placer mon attention sur les bonnes nouvelles. La première et la plus dingue était qu’il était 14h et qu’en me dépêchant, je pourrais rejoindre à temps le terminal 2 pour aller cueillir mon mari à la sortie de son vol Séoul-Paris. J’avais toujours rêvé de retrouvailles dans un aéroport, j’allais être servie. C’était pile notre anniversaire de mariage et l’Univers avait décidé de nous réunir. J’ai quitté toute la bande en courant alors que Lisa se réconfortait de nos mésaventures en s’achetant un Paris-New York espérant décoller sur le champ. Mon mental avait quand même envie de comprendre et n’arrêtait pas de répéter « mais c’est dingue ! mais pourquoi ? ». J’ai décidé de ne pas lui laisser les commandes et j’ai continué à focaliser mon attention sur ma joie. Joie d’être en vie, de retrouver celui que j’aime, de pouvoir faire une surprise incroyable à ma fille le soir même, d’être tous réunis et en bonne santé.

une sadhana pour le solstice d’été

Découvrant que je n’avais pas pu partir, certaines de mes élèves m’ont contacté pour me demander si j’allais du coup organisé une « sadhana » (une pratique à l’aube) à l’occasion du solstice d’été le lendemain matin. J’ai appelé Catalina, la fondatrice de chez Kshanti, je lui ai demandé ce qu’elle avait prévu. Son espace était disponible. En moins d’une heure, le lieu était booké et toutes les places réservées sans même que je n’ai à faire une annonce sur Instagram. Tout était fluide, facile, évident. Ma fille était folle de joie de retrouver ses deux parents. L’essence même de ce qui compte le plus pour moi était sous mes yeux et je ne pouvais plus m’arrêter de rire en pensant à tout ce que j’avais vécu en une seule journée.

la magie en retour

Le lendemain matin à 5h30, j’ai rejoint Catalina qui préparait son espace pour l’arrivée de mes élèves. La sadhana n’est pas un cours classique, c’est un partage, l’enseignant ne donne pas autant d’instructions qu’à son habitude, il peut également pratiquer en même temps que les élèves. Elle se déroule généralement en trois temps. D’abord on travaille sur le corps physique avec un kriya (un set de postures) sur un thème de son choix (il en existe des centaines). Puis une relaxation et enfin une méditation à travers le chant. Ce matin-là, j’ai eu envie de partager les chants de l’ère du verseau, plusieurs mantras chantés dans un ordre précis, mais il y a plein de possibilités, c’est un moment très créatif pour celui qui encadre. A la fin de l’heure de chant, j’ai ressenti une joie incroyable, mon cœur semblait si ouvert à recevoir et à donner. Je me suis sentie parfaitement installée à mon endroit. Aucun bateau, aucun voyage au bout du monde, aucun ours polaire ni aucun chèque n’auraient pu rivaliser avec cette sensation fugace de perfection absolue. J’avais l’impression d’être un cercle plein, connecté aux autres et à tout ce qui est. Acceptant tout ce qui est. Il y avait une telle magie que j’ai compris la valeur inestimable du cadeau que je recevais à cet instant.

de la colère qui fait sortir de soi au centre du coeur

Cette expérience du jeudi 20 juin 2019 m’aura encore permis de voir combien j’ai changé en trois ans. Ok, j’oublie encore mon passeport. Mais mes réactions sont complètement différentes. Il y a encore peu de temps, j’aurais probablement pleuré dès l’arrivée à l’aéroport, j’aurais engueulé ma fille d’être sortie sans manteau et sans clef, j’aurais hurlé sur les hôtesses de l’air qui n’avaient pas suffisamment d’eau pour nous donner à boire puis crié sur le personnel au sol en menaçant tout le monde d’envoyer des mises en demeure de « payer pour le préjudice subi »… J’aurais perdu toute mon énergie à m’exciter dans tous les sens et j’aurais passé les jours suivants à me trainer comme une victime et à brancher mon mental sur tout ce que j’étais en train de rater. Il y a cinq ans, par exemple, Monoprix m’a livré des courses avec des œufs cassés dégoulinant sur toutes les autres denrées achetées. J’ai perdu ma voix à gueuler sur une standardiste du magasin qui ne trouvait pas de responsable à me passer en ligne : « IL Y A DES CHOSES QUI VONT CHANGER CHEZ MONOPRIX, ÇA NE VA PAS SE PASSER COMME ÇA ! ». Mes amis à qui on a raconté mille fois cette histoire se moquent encore de moi…Il y a trois ans – et je faisais pourtant déjà du yoga, visiblement pas suffisamment – j’ai appelé le service de la fibre Orange pour soulager mon mari qui venait de passer deux heures, sans succès, avec le service technique pour tenter de réparer notre box qui était encore en rade. La personne au service client que j’avais au téléphone venait probablement de se faire engueuler par une cinquantaine d’abonnés excédés. Elle était au bout du rouleau et répondait « non ce n’est pas possible » mécaniquement à toutes mes demandes. Fatiguée par ce que j’interprétais comme un « manque de volonté de sa part » (alors qu’elle n’était que piégée dans un système qui l’empêchait de trouver des solutions pour nous aider), j’ai suggéré de me désabonner. Ce à quoi elle a répondu « ok » très calmement en me donnant les coordonnées pour résilier notre engagement. Outrée par le fait que ma menace n’ait pas été prise au sérieux, j’ai vociféré : « MAIS QUI PAIE VOTRE SALAIRE???? C’EST BIEN GRÂCE À NOUS QUE VOUS ÊTES PAYÉE! SI VOUS N’ESSAYEZ PAS DE RETENIR LES CLIENTS AVEC UNE OFFRE COMMERCIALE ALORS QU’EST-CE QUI VA SE PASSER?VOUS NE FAITES RIEN POUR NOUS AIDER, VOUS ÊTES INUTILES, LES GENS COMME VOUS NE SERVENT À RIEN ».

Oui, oui, j’ai dit ça. Ma fille et mon mari s’en souviennent encore. J’étais écarlate. Je ressemblais à un dessin animé de Tex Avery, mes yeux sortaient de ma boite crânienne. Je repense souvent à cette femme sur qui je me suis défoulée. Je lui demande pardon mentalement. Et puis je fais toujours l’effort de prendre celle que j’étais à cette époque dans mes bras, je lui dis que tout va bien à présent et que je comprends pourquoi elle était autant en colère mais que c’est fini et qu’elle peut se pardonner de n’avoir pas su faire autrement. Je « rends l’expérience à la source » parce que j’ai appris à libérer mes colères anciennes autrement et que j’ai beaucoup grandi depuis.

se laisser guider par le plan céleste toujours parfaitement orchestré

La colère, l’énergie de la panique, la résistance à ce qui est, nous permettent parfois d’obtenir des réparations, des dédommagements. C’est l’énergie de la lutte avec laquelle je me suis sortie de beaucoup de situations dramatiques. On y puise de la survie et beaucoup de détermination. Mais à quel prix à la longue ? Dans quelle énergie sommes-nous les plus utiles à nous-mêmes et aux autres ? Accepter ce qui est, ce n’est pas baisser les bras sans rien faire. C’est garder son calme, revenir au centre du cœur et se fier à son intuition. Dans cet espace, on reçoit une guidance très claire. C’est ce qui m’a permis de trouver des solutions à tout ce qui m’arrivait jeudi dernier. Et plutôt que de me comporter en victime qui « n’a vraiment pas de chance », j’étais convaincue que tout ce qui était en train de se dérouler ne m’arrivait pas pour rien. Un mécanisme de survie pour se rassurer diront certains. Peu importe la manière dont chacun le qualifie. Le fait est que je me suis sentie soutenue et guidée et que cela m’a empêché de céder à la panique. J’ai la conviction profonde que tout est parfaitement orchestré et qu’il y a un apprentissage derrière l’expérience même lorsqu’elle est inconfortable ou douloureuse.

accepter tout ce qui est, est-ce devenir passif à tout ce qui nous arrive?

La semaine dernière, pour préparer l’enregistrement du brillant podcast Vlan, son créateur Gregory Pouy m’a envoyé un article du Guardian hyper intéressant sur le courant de la pleine conscience. L’article dont voici le lien met en garde les lecteurs du journal anglais au sujet de la méditation. Elle serait d’après le journaliste Ronald Purser l’ennemi du militantisme. Après tout, à force « d’accepter tout ce qui est » est-ce qu’on ne devient pas des mollusques individualistes entièrement tournés sur eux-mêmes ? Est-ce qu’en plaçant notre attention sur la joie et sur ce qui nous fait du bien, on ne finit pas par vivre dans un monde déconnecté du désastre climatique en cours, de l’ignominie avec laquelle le président Trump traite les immigrés mexicains, de la tragédie au Soudan et des réfugiés qui meurent noyés tous les jours à quelques kilomètres de nos lieux de vacances ? Est-ce que la méditation comme le yoga ne sont pas des pilules calmantes qui nous permettent de tolérer l’intolérable ? Je suis bien consciente que ne pas partir travailler dans le cercle arctique n’a rien d’une expérience « intolérable ». Je perçois pourtant un lien entre mon anecdote du 20 juin et le débat lancé par le journaliste Ronald Purser.

walk the talk!

Les deux premières années, j’ai fait du yoga pour supporter tout le reste. Et ça a marché. Pendant un temps. Mais il m’a fallu me rendre à l’évidence. Je me comportais avec le yoga comme une droguée avec du crack. C’était encore une compensation. A partir du moment où j’ai décliné les enseignements du yoga dans ma vie de tous les jours, j’ai commencé à me rendre extrêmement utile pour la planète et pour les autres. Dès lors qu’on se sent à son endroit en pleine possession de son pouvoir de transformation, alors on peut commencer à agir et incarner les changements que l’on veut voir émerger. « You need to walk the talk » dit toujours mes formateurs. Plutôt que de perdre mon énergie à regretter que les choses ne se passent pas comme je le voudrais, qu’on insulte des minorités, qu’on trucide des innocents, ou qu’on mette des hublots sur des vaches vivantes pour leur explorer le tube digestif, je me demande ce que je peux faire ici et maintenant. Et il y a mille choses que je peux commencer à faire dès aujourd’hui pour rendre ce monde plus agréable. A commencer par ne pas passer mes nerfs sur un chauffeur de taxi, une employée de chez Orange, une hôtesse de l’air ou un livreur en retard. On a toujours l’impression qu’on n’a aucun moyen de changer le monde pourtant on dispose d’une capacité de nuisance gigantesque sur les autres. Et donc, à l’inverse, d’un pouvoir de guérison magnifique. Installée à Paris, à part donner de l’argent à des associations, je ne peux pas sauver des populations qui souffrent loin de moi. Mais je peux déjà commencer par parler correctement à mon entourage proche (et donc ne pas leur reprocher ce qui m’arrive), je peux sortir de la plainte pour gagner en énergie vitale, je peux aider mes voisins ou mes amis sur un projet, faire un troc de connaissances, partager quelque chose qui m’a fait du bien et qui va peut-être vous faire du bien, arrêter de juger les autres qui font comme ils peuvent avec leur histoire, soutenir les entreprises qui cherchent elles aussi à avoir un impact positif, éviter les achats inutiles qui vont créer encore plus de pollution, aller manifester pacifiquement pour les causes qui me semblent justes, prendre conscience de toutes les fois où je fais preuve de racisme, de misogynie, de grossophobie ou de transphobie plutôt que de reprocher ces comportements aux autres… Commencer ma journée en me disant que le monde va mal et que je suis impuissante me décourage. Accepter ce qui est, ce n’est pas « ne rien faire ». C’est recevoir tout l’enseignement d’une situation et reprendre le pouvoir qu’on avait délégué pour la transformer activement.

de la performance à l’état d’être qui change la vie et le monde autour de soi

Comme je le disais hier dans le live que j’ai tenu sur Instagram, faire du yoga ou de la méditation sont des activités spirituelles (et ce ne sont pas les seuls outils, à vous de trouver le vôtre), le but n’est pas de faire une performance, de savoir faire le grand écart ou bien de se lever à l’aube pour se prouver ou prouver aux autres qu’on est capable de le faire. En vrai, tout le monde s’en fout. Le but est juste d’être connecté à son état d’être au delà du mental, d’être en lien avec sa conscience qui est elle-même reliée à toutes les autres consciences et à l’univers tout entier. Quand on se tient à cet endroit-là, on prend les décisions justes pour l’honorer. Et alors on change en profondeur. L’impact positif que l’on peut générer devient alors illimité…

PS: j’ai appris vendredi 21 juin que l’avion de remplacement proposé à 20h30 le jeudi 20 juin n’est finalement jamais parti de Paris. Les voyageurs qui ont attendu à Roissy toute la journée et qui n’avaient probablement pas d’autre choix ont du dormir dans l’aéroport…Quand ça veut pas, ça veut pas…