Remember who you are
La vue du Kavos

Remember who you are

Remember who you are

Les enseignements sacrés sont partout. A chaque instant. Hier midi, j’ai encore reçu une confirmation d’un de ces fondements. Une histoire de massage qui pourrait paraitre banale. Pourtant, elle donne une toute autre dimension à mon séjour à Sifnos. Récit.

Je suis soutenue. Je suis guidée. Même lorsque je me sens abandonnée ou oubliée. Je suis constamment guidée. J’en reçois des preuves en permanence. Je n’ai qu’à ouvrir mes yeux pour m’en apercevoir. Je demande et je reçois. C’est manifeste. Voilà ce que j’enseigne dans mes cours de kundalini yoga. Or, hier, j’ai vécu un instant qui ressemblait à une confirmation bouleversante de ce principe fondateur.

Photographie Lili Barbery-Coulon, sur le mur de la salle de soin de la thérapeute Maria Fota à Sifnos

Mon séjour en Grèce n’était pas prévu. Il y a un mois pile, je ne savais pas que je viendrai dans les Cyclades. J’étais débordée par la rédaction d’un projet dont je n’ai pas encore le droit de parler, par une longue période de recrutement chronophage, par l’organisation de plusieurs événements et la charge d’emails reçus quotidiennement qui ne désemplissaient pas, sans parler de mes cours hebdomadaires. Je retrouvais des sensations que j’ai décrites dans le chapitre « ralentir » de mon livre La réconciliation (Editions Marabout). J’étais d’ailleurs exaspérée par ce vieux schéma de retour. Mais la vague était irrésistible, il y avait tant à faire et l’énergie en présence me portait. Elle me permettait aussi de ne pas trop m’attarder sur le deuil difficile d’une maison à laquelle je me suis profondément attachée et dans laquelle il ne m’est plus possible d’aller, pour le moment. Un matin, alors que je partais rejoindre des élèves pour une sadhana sauvage improvisée à la dernière minute sur les quais de Seine, j’ai tapé mon pied dans un tapis. Sans m’en apercevoir immédiatement, je me suis cassée une petite articulation à la racine d’un orteil. Le soir même, j’ai dû annuler tous mes rendez-vous et me soumettre à l’exigence de mon corps qui réclamait du repos. J’étais furieuse de m’être faite « prendre » comme une débutante. « Il faut lever le pied » a suggéré mon entourage comme mes abonnés sur Instagram. J’avais bien compris et cela m’agaçait ; comme un retour sur une case du jeu que je connais déjà. Je médite quotidiennement, j’écris quotidiennement, mes journées sont entièrement dédiées à la guérison sous toutes ses formes. J’étais totalement consciente du mécanisme en marche et de l’état de séparation dans lequel je me trouvais.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Sifnos.

C’est en écoutant des élèves devenues mes amies me parler de leurs vacances en Grèce que l’idée a germé. Noyés dans ma longue liste de choses à faire, il y avait ces trois points : trouver un cadeau spécial pour ma fille, aller visiter de nouveaux lieux pour des retraites de yoga, ne pas oublier d’utiliser mon avoir last minute.com avant qu’il ne soit périmé. Allongée sur mon lit, l’ordi sur les genoux, une idée m’a traversée comme une étoile filante. Et si je partais une semaine dans les Cyclades au tout début du mois de juillet ? Cette fulgurance était si folle et si joyeuse que j’ai aussitôt reconnu les battements de mon cœur exalté. Et ça, je le sais, c’est précieux. Lorsqu’une telle joie apparait, je sais que je dois m’incliner devant elle et la laisser faire. Même si ça n’a aucun sens au regard de ce qui raisonne en moi. J’ai appris à l’identifier et à l’écouter. C’est un GPS, un système d’autoguidance, un signal cosmique qui bastonne mes cellules : « Ding Ding Ding, alerte à toutes les voitures, la joie vient de parler, inclinez-vous sans broncher ». Ça n’avait aucun sens de partir début juillet alors que mes vacances sont prévues en août et que je pars former des élèves la deuxième quinzaine de juillet. Ça n’avait aucun sens d’embarquer ma fille dans ce délire à deux et c’était sans doute un cadeau démesuré. Ça n’a aucun sens d’alourdir mon bilan carbone avec un trajet en avion . J’ai choisi de privilégier l’intuition de ma joie à l’écoute de mon mental et je me suis souvenue de cette citation : “Act on your highest excitement, to the best of your ability, with zero insistence on the outcome, trusting that your Highest Mind will manifest what you truly need. And then, whatever manifests, know that: that’s what serves you in the best possible way”. Cette citation de Bachar – un esprit éveillé – canalisé par l’américain Darryl Anka (même principe que le livre Conversations avec Dieu de Neale Donald Walsch pour ceux qui connaissent mais dans un genre très différent) signifie : « Agissez à partir de votre plus grande exaltation, faites de votre mieux, sans le moindre attachement au résultat, en faisant confiance à votre esprit le plus élevé afin qu’il manifeste ce dont vous avez véritablement besoin. Puis, quelle que soit la manifestation, rappelez-vous que c’est ce qui sert votre plus haut potentiel ». En dix minutes chrono et dans une grande fluidité, j’avais nos billets d’avion, une réservation confirmée dans un lieu inconnu à Sifnos recommandé par mon amie Stéphanie (« je n’y suis jamais allée mais ça pourrait te plaire, ils organisent des retraites de yoga là-bas ») et un sourire béat scotché sur mon visage.

Photographie Lili Barbery-Coulon. L’église au bout de la colline où sont installés les Kavos studios

Dimanche, sur le port de Mykonos, en attendant notre bateau pour Sifnos, j’ai regardé les bleus intenses de la mer et j’ai ressenti un premier soulagement corporel. J’identifiais un nœud cadenassé en moi dont je n’avais pas encore cerné les contours. Une petite prison verrouillée à double tour. Je ne fais pas partie de ceux qui ont été sévèrement impactés par la crise sanitaire. Je n’ai pas été malade, ma famille non plus, aucune personne de mon entourage proche ou lointain n’a été hospitalisée, je n’ai pas perdu mon emploi ni fermé mon entreprise et si les confinements ont été difficiles à Paris, je ne peux pas me plaindre d’habiter dans une chambre de bonne seule ni de subir un environnement violent. Cependant, en regardant la mer qui m’inspirait une liberté illimitée, j’ai eu envie de pleurer. J’avais oublié ma propre insouciance. Je la retrouvais. Une fois à bord du bateau, j’ai eu l’impression de me blottir dans les bras de la mer. Une mère universelle qui berce inlassablement. Tout m’a paru tranquille. En suspension.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Dans la salle de soin de Maria Fota

Lorsque j’ai découvert Kavos Studios où nous séjournons, il ne m’a pas fallu trente secondes pour savoir que j’avais déniché une pépite. Vassiliki et sa sœur Maria nous ont accueillies avec une soupe fraiche de pois chiche devant la piscine qui surplombe ces petits appartements loués avec un service hôtelier. J’ai échangé quelques mots avec Maria et j’ai aussitôt compris que nous avions mille choses en commun. Maître reiki, masseuse ayurvédique, Maria est formée à des techniques de guérison qui me sont toutes familières. Nous partageons le même vocabulaire. Je pourrais finir chacune de ses phrases et vice versa. Ses mots, sa manière d’être, sa complicité avec sa sœur, tout comme le lieu familial qu’elles ont rénové avec la fraicheur de leur trentaine : tout me mettait en joie. « Ding ding ding, tu es au bon endroit » !

Photographie Lili Barbery-Coulon. La salle de soin balayée par le vent de Maria Fota à Kavos Studios, Sifnos

Hier, après trois jours à sillonner l’île, ses plages et ses tavernes sans prétention, j’ai pris rendez-vous avec Maria pour un massage. Elle m’a conduite dans une pièce sous le bar de la piscine. Sur l’un des murs, les mots « Remember who you are ». C’est exactement ce que l’on signifie lorsqu’on chante Sat Nam à la fin d’un cours de kundalini yoga : souviens-toi de la vérité de ton essence. Le parfum de la sauge, celui des essences de plante, les bougies et l’encens, chaque détail m’a mise à l’aise. Lorsque Maria m’a demandé quelle était mon intention pour le massage, j’ai entendu clairement en moi : « C’est pour ça que tu as été guidée jusqu’ici ». Alors, je lui ai parlé d’un événement très intime, un recouvrement de mémoire traumatique survenu début 2020 au cours d’une méditation. Je lui ai dit que j’étais engagée depuis dans un processus de guérison très profonde, pas toujours très confortable, mais résolument nécessaire. Tous les mots qu’elle a ensuite posés sont ceux que j’emploie lorsque j’accueille ce genre de témoignage. J’étais si émue de m’ouvrir à recevoir cette douceur à mon tour. Le massage a commencé et j’ai relâché les armes que je tenais encore. J’étais dans un demi sommeil rythmé par des visions et des sensations très courtes de chute libre, la chair totalement abandonnée aux mains de Maria. A la fin du soin, huilée de la tête au pied, j’ai entendu à nouveau « tu as été guidée jusqu’ici ». Dans l’une des pages de mon journal quelques semaines plus tôt, j’avais écrit : je m’ouvre à recevoir le soutien et la guérison dont j’ai besoin. J’ai alors partagé le message reçu avec Maria. Nous nous sommes serrées dans les bras. C’était indescriptible.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Sifnos

« Agissez à partir de votre plus grande exaltation, faites de votre mieux, sans le moindre attachement au résultat, en faisant confiance à votre esprit le plus élevé afin qu’il manifeste ce dont vous avez véritablement besoin. Puis, quelle que soit la manifestation, rappelez-vous que c’est ce qui sert votre plus haut potentiel ». Promis, je consacrerai bientôt un article à Kavos Studios afin que vous ayez les informations dont vous avez besoin si vous choisissez de venir un jour jusqu’à Sifnos.