Embrasser sa vulnérabilité
Photographie Lili Barbery-Coulon

Embrasser sa vulnérabilité

Embrasser sa vulnérabilité

Après avoir occupé beaucoup d’espace sur les réseaux sociaux pendant près de deux mois, j’ai ressenti le besoin de me mettre en retrait ces 8 derniers jours. Je n’avais pas imaginé que cette dernière semaine de confinement serait aussi fertile en prises de conscience…

Pas d’autre voie que l’instant présent dans le nouveau monde

Le confinement touche à sa fin en France mais les incertitudes sont si nombreuses qu’elles nous obligent à rester ancrés dans l’instant présent. La moindre échappée vers une projection future est récompensée par une avalanche d’angoisses. Quand nos enfants reprendront-ils le chemin de l’école en toute sérénité et sans stylo javellisé ? Quand les ados pourront-ils à nouveau s’agglutiner en bande à la sortie du lycée et squatter la terrasse d’un café en collant leurs visages non masqués les uns contre les autres pour faire des selfies? Quand pourrons-nous circuler librement d’une région à l’autre ? Quand pourrons-nous planifier nos vacances d’été ? Claquer des bises et faire la fête dans un restaurant ? Impossible de répondre à ces questions. Depuis le début de cette expérience planétaire, nous apprenons à conjuguer nos existences au présent, uniquement. Pas simple pour des humains qui cultivions jusqu’ici l’illusion de pouvoir tout contrôler. La méditation comme le yoga n’empêchent pas le mental de fuir dans la nostalgie d’un monde passé ni de résister à la tentation d’anticiper le futur. Ces pratiques me permettent en revanche d’observer les mouvements agités de mon mental. Dès lors que je m’aperçois que je ne suis plus dans le moment présent, je sais que je suis séparée de mon essence. Éparpillée. Fractionnée. Perméable à toutes les informations et aux circonstances extérieures. Peut-on éviter de se trouver dans cette dualité ? Je ne sais pas. J’oscille entre des moments plus ou moins longs d’acceptation de tout ce qui est, d’unité totale avec le présent, de fusion avec toutes les parties de mon être avec des phases où je me laisse attraper par la peur, la paranoïa ambiante et même la psychose bien plus contagieuse que le corona virus. La grande différence que j’expérimente depuis que j’ai adopté une pratique spirituelle quotidienne est que je m’en aperçois rapidement. Et de plus en plus vite. Je vois aussi quels sont les « triggers », les éléments déclencheurs qui font rejaillir les parties de moi qui ont encore besoin que je prenne soin d’elles. J’ai appris à ne pas focaliser sur l’interrupteur qui provoque la réaction mais à regarder quelle croyance cachée résonne en fond. Lorsque j’ai découvert le kundalini yoga, je cherchais à rester le plus longtemps possible dans un état d’union, cette béatitude en lien avec l’instant présent. Je ne me rendais pas compte que c’était une forme de manipulation et de contrôle de ma part. Aujourd’hui, j’accepte ces phases de séparation car elles sont extrêmement fertiles : elles me permettent de prendre conscience de ce qui me limite et de ce qui m’encombre.

Une semaine de travail intense

J’ai arrêté les méditations quotidiennes en direct sur Instagram le 1er mai car nous étions arrivés au bout d’un cycle. Cette expérience incroyable devait prendre fin et je suis heureuse d’avoir profité et choisi pleinement chaque rendez-vous avec vous. J’avais cependant besoin de repos et je devais aussi prendre soin de ma fille fragilisée par ces semaines de distanciation sociale et de rupture totale avec la nature. J’avais envisagé qu’une semaine de ralentissement me permettrait d’intégrer sereinement l’aventure incroyable que nous avons partagée ensemble chaque soir et de dédier du temps de qualité à ma famille. Au lieu de m’offrir du repos, ces quelques jours d’arrêt m’ont fait travailler intensément sur moi. Je me suis vite aperçue que la tristesse manifeste de ma fille résonnait avec un chagrin qui m’appartenait pleinement et que je n’avais pas réussi à identifier ni à verbaliser. J’avais « tenu bon » jusque-là. Sans effort particulier car j’étais remplie de joie. Même si j’avais fait de l’humour en déclarant que j’en avais « ras le cul » du confinement, je surfais avec aisance sur la vague. Cette semaine, j’ai bu la tasse. Je me suis laissée emporter par le ressac des peurs ambiantes, de la colère, des mono conversations tournées autour du déconfinement… Je m’en suis tout de suite aperçue. Mais j’étais aimantée par les fonds marins. J’avais besoin d’explorer ce qui se trouvait dans cette polarité sombre. J’y ai trouvé un sentiment d’injustice infantile, une colère archaïque bien moins active qu’il y a quelques années mais toujours présente. Je suis pleine de gratitude de m’être autorisée à ressentir tout ce qui était en présence et d’avoir ainsi pu dénicher autant d’enseignements. Je suis remontée à la surface mon filet rempli de trésors. Ce n’était pas une semaine agréable si on l’évalue selon nos critères binaires habituels – bien/mal, bon/mauvais – néanmoins c’est sans doute la semaine du confinement au cours de laquelle j’ai le plus appris sur moi. Une phrase m’a beaucoup aidée sur ce chemin : « If you feel low, go low ». Tirée d’un texte récent de l’un de mes enseignants, cette phrase a agi comme un laisser-passer. Tout est autorisé. Même d’en avoir marre, de se sentir mal, d’avoir du chagrin, de la mélancolie, de la colère, d’être paranoïaque ou juste d’être lasse. On a tellement l’habitude de juger ce que l’on ressent que l’on ne s’offre pas toujours l’accès à ce qui est rugueux et difficile. Beaucoup de personnes m’ont confié se sentir coupables de ne pas aller bien alors qu’elles n’étaient ni malades ni mourantes. Alors que c’est bien en visitant les tréfonds, sans chercher à les changer, qu’on se libère de ce qui nous lestait.

Quel est mon besoin ?

Il y a une image très efficace que j’utilise souvent dans mes cours et que j’ai probablement mentionné lors de mes méditations sur Instagram. C’est celle du masque dans l’avion. En cas de dépressurisation, des masques à oxygène tombent automatiquement du plafond de l’appareil. La consigne est simple : mettez votre masque avant d’aider vos voisins à mettre le leur. Même si vous êtes assis.e à côté de vos enfants, de personnes âgées ou souffrant de handicaps. Vous devez d’abord vous mettre en sécurité et respirer correctement afin de pouvoir aider les autres. En plaçant les besoins des autres avant le vôtre, vous risquez de mourir asphyxié.e et vous ne pourrez pas vous rendre utile comme vous l’espériez au départ. Cela parait évident mais regardez combien nous avons du mal à appliquer cet enseignement universel dans la vie courante. Cette semaine, je me suis autorisée à me demander : « quel est mon besoin ? ». Lister mes besoins m’a permis de ne pas me laisser noyer par les demandes des autres. Je n’ai pas répondu à vos nombreux messages sur Instagram ni sur mes diverses boites mail. Il me paraissait essentiel de m’autoriser d’abord cette exploration intérieure. La semaine dernière, j’avais imaginé reprendre mes cours dès le 11 mai. Finalement, je réalise que ce ne sera pas possible tout de suite. J’ai encore besoin de temps pour moi, pour ma famille et pour des projets professionnels qui m’engagent le weekend du 16 mai. Si je change d’avis d’ici samedi 16 mai, j’organiserai un cours et je vous en informerai sur Instagram. Je vous remercie mille fois par avance pour votre patience. En revanche, j’ai d’ores et déjà mis à jour la page Planning de mon blog et vous pouvez vous inscrire aux prochains cours en ligne qui auront lieu la semaine du 18 mai. Merci de bien lire les consignes avant de vous inscrire (surtout concernant les dates, les niveaux et les précautions vis à vis de Zoom).

Je vous souhaite à tous de vous autoriser à être imparfaits, faillibles, vulnérables et fragiles. Il y a de l’or pur au fond des marécages. Love and light <3