Comment composer un thé parfumé?
11/12/2018
Savez-vous comment on compose un thé parfumé? Connaissez-vous les liens entre le métier d’aromaticien et celui de nez? Quelle est la différence entre un thé noir et un thé vert? Combien de temps doit-on laisser infuser un thé blanc et à quelle température? Retour sur l’atelier que j’ai organisé au début de l’automne au premier étage de la boutique Dammann Frères…
Une année bien remplie
J’ai passé le weekend à trier, à ranger, à recycler, à organiser, à nettoyer. J’ai beaucoup médité. J’ai cuisiné et fait de la place dans mes placards. Du grand ménage de printemps en plein mois de décembre. Je me suis promis de ne lancer aucun nouveau projet avant 2019. Je suis déjà bien trop occupée avec ce que j’aimerais publier d’ici la fin décembre. Les travaux interminables qui se déroulent dans mon futur bureau reflètent plutôt bien mon état d’esprit du moment : je suis moi-même en transition. En chantier. En mutation. Cette phase d’intégration m’appelle à prendre du recul et à observer l’année écoulée. Et quelle année ! La naissance de mon premier livre. L’acquisition d’un espace de travail qui va me changer la vie. Une formation à l’enseignement du kundalini yoga. La sortie prochaine de ma première collab. La joie de donner mes premiers cours de yoga…
Les photos de septembre
En remontant le fil de mes photos stockées sur mon ordinateur, j’ai pris conscience de la richesse de cette année 2018 qui touche à sa fin, revisité avec bonheur les instants forts qui l’ont marquée, les voyages, les expériences, les rencontres. Parmi ces images, j’ai retrouvé les sublimes clichés que Fleur Monot a réalisés lors de l’atelier que j’ai organisé à la Maison Dammann Frères place des Petits Pères en septembre dernier. J’étais émue de retrouver les visages de ceux qui ont partagé cette parenthèse suspendue avec moi et la beauté de cette table de petit-déjeuner savoureux. Je me suis dit qu’il était grand temps de vous raconter, comme je vous l’avais promis, ce que nous avons appris au cours de cet atelier avec l’aromaticienne Aline Guglielmino Taillefer.
DammaNn Frères, le parfum de mon enfance
La marque Dammann Frères m’a contactée avant l’été pour me raconter l’histoire de leurs thés et réfléchir à un événement que nous pourrions créer ensemble pour mes lect.eur.rice.s. En écoutant Flora, la petite-fille de Jean Jumeau-Lafond qui a repris cette maison du XVIIe siècle dans les années 1950, je me suis aperçue que je connaissais le parfum des thés Dammann depuis ma naissance. Je suis née à Orléans et j’ai habité pendant quatorze ans au troisième étage d’un immeuble qui abritait plusieurs commerces. Un bijoutier qui n’en pouvait plus de devoir ramasser notre linge séchant au-dessus de son arrière-boutique : « Pardon Monsieur, on a encore laissé tomber un slip en voulant étendre la lessive… ». Une petite parfumerie à qui je soudoyais tous mes échantillons d’essences. Et un magasin – Les Cafés Jeanne d’Arc – qui vendait du thé en vrac et des grains de café qu’on pouvait moudre à la demande. Les vapeurs de thé parfumé à l’orange et de café fraîchement moulu s’immisçaient dans les moindres recoins de notre escalier. La moquette qui recouvrait les marches en était imprégnée. J’adorais ces odeurs. Or, tous les thés en vrac vendus dans ce magasin orléanais étaient issus de la maison Dammann Frères qui fournissait (et continue d’ailleurs de fournir) des centaines de points de vente en France, même s’ils n’en portaient pas encore le nom.
Ivre de thé et d’essences d’agrumes
En septembre, je suis allée visiter leur usine à Dreux. Je vous avais d’ailleurs montré la fabrication de leurs thés dans mes stories. Je me suis régalée à sniffer leurs variétés de thés venus du monde entier, à voir comment on trie chaque fleur séchée sur des tapis roulant au ralenti, à regarder les turbines nettoyer les feuilles du Japon ou de Chine… Aline Guglielmino Taillefer, qui compose les arômes des thés Dammann Frères, m’a également montré comment elle travaillait. Formée à L’Isipca, l’école des parfumeurs, elle élabore ses mélanges à l’instar des nez qui imaginent une fragrance à porter sur la peau. Sauf qu’on ne trempe pas sa mouillette dans une tasse de thé pour vérifier le résultat avec ses narines : on le goutte comme un vin et on le recrache après l’avoir aspiré bruyamment vers le fond du palais. J’ai trouvé l’exercice beaucoup plus difficile que de sentir des essences sur des morceaux de papier. Ca m’a donné envie d’imaginer avec elle un atelier pour comprendre son métier et réaliser nous-mêmes notre propre thé parfumé.
Thé blanc, thé vert, thé noir : même plante
Installés dans le salon privé situé au premier étage de la boutique de la place des Petits Pères, nous avons commencé par sentir des essences d’agrumes qui composent le fameux Goût Russe Douchka inventé dans les années 1950 pour la grand-mère de Flora. On a ensuite choisi le type de thé avec lequel nous voulions travailler. Première surprise générale autour de la table : toutes les familles de thé sont issues de la même plante, le Camélia Sinensis. Qu’il soit blanc, vert, noir, oolong ou pu-erh, le thé se distingue uniquement par le flétrissage et le séchage de ses feuilles. Selon le profil aromatique recherché, on va stopper ou pousser l’oxydation des feuilles. Certaines feuilles seront roulées, d’autres non. Autre source de stupéfaction : le thé vert ne contient pas moins de théine que le thé noir ! Quant au « thé rouge », le rooibos, il ne contient pas de théine et n’a d’ailleurs aucun lien avec le camélia sinensis. C’est une plante d’Afrique du Sud qu’on utilise en infusion – et que les yogis adorent car il n’est pas excitant – mais qui n’a rien à voir avec les autres feuilles de thé. Aline Guglielmino Taillefer nous a expliqué que le choix de la variété du thé est capital dans l’élaboration du parfum. D’abord parce que chaque feuille dispose d’un parfum naturel avec lequel elle va chercher des correspondances olfactives. Mais aussi parce que la même plante va développer, selon son terroir et le climat où elle pousse, des propriétés odorantes différentes. Du coup, elle doit tester ses compositions sur de nombreuses variétés afin d’obtenir la combinaison idéale. Le matin de notre atelier, on s’est contenté de choisir entre thé noir et thé vert.
Composer comme un parfumeur
L’écriture d’une formule de thé parfumé ressemble beaucoup à celle d’une fragrance pour la peau. Ici, il y avait trois essences à assembler dans les quantités de notre choix. A notre disposition : des thés déjà aromatisés aux différentes essences que nous avons goûtés individuellement dans de minuscules théières ressemblant à une dinette de poupée. Ensuite, on a écrit trois formules en essayant différentes proportions mesurées à l’aide d’une cuillère particulière. J’adore observer la différence entre ce que le mental a imaginé – la formule écrite avec notre cerveau – et le résultat au niveau corporel : nos sensations en bouche et dans le nez. On a tous été surpris par une essence qu’on avait choisi de mettre en sourdine et qui s’est finalement révélée indispensable en grande quantité. Ou bien l’inverse : une overdose qu’on a corrigée après avoir fait l’expérience du résultat peu satisfaisant. Aline nous observait en souriant : elle était ravie de voir qu’on trouvait son métier plus difficile qu’on ne l’avait imaginé 🙂
Des fleurs pour aimanter le regard
Ensuite, on a ajouté des fleurs séchées à notre préparation qui contrairement à ce que je pensais n’ont aucun pouvoir odorant mais servent uniquement la qualité visuelle du thé parfumé. Je croyais pourtant que les fleurs de bleuet qu’on voit si souvent dans les thés en vrac avaient une propriété olfactive : elles sont juste là pour aimanter notre attention. Une fois le thé fini, il ne reste plus qu’à le conserver dans une boîte hermétique et lui trouver un nom.
Encore plus d’expériences ensemble
La matinée s’est terminée avec des pâtisseries et une signature de mon livre Pimp My Breakfast que j’ai offert à chaque participant. Il faisait glacé dehors mais tout semblait doux en sortant, cotonneux, c’était magique. Je suis déjà en train d’élaborer les prochains ateliers qui verront le jour en 2019. J’aime beaucoup ce format qui me permet de vous rencontrer et de faire l’expérience d’un savoir que je peux ensuite partager sur le blog. Je n’ai envie que de ça pour 2019 : multiplier les occasions de vous retrouver et partager des expériences qui donnent de la joie.
Bonus : combien de temps doit-on laisser infuser son thé ?
Il y a les maniaques de la pendule et ceux qui comme moi oublient leur boule à thé dans l’eau bouillante jusqu’à ce qu’elle devienne froide. Il y a ceux qui ne jurent que par l’eau de source et ceux qui n’utilisent que de l’eau du robinet (je fais partie des derniers pour des raisons écologiques). Que vous soyez rigoureux ou non, voici quelques recommandations de Dammann Frères concernant les temps d’infusion. Pour le thé blanc, 4 à 5 minutes à 80 degrés max. Pour le thé vert japonais, 1 à 3 minutes de 60 à 80 degrés (sinon vous brûlez les feuilles et le goût). Pour le thé vert chinois, 3 à 4 minutes à 80 degrés. Pour le thé noir darjeeling, 3 à 4 minutes à 90 degrés. Pour les autres thés noirs, comptez une minute de plus. Quant au oolong, il lui faut 4 à 5 minutes à 100 degrés. Les thés pu-erh sont encore différents puisqu’il faut les infuser dans l’eau bouillante, jeter la première eau puis recommencer. A vos chronos !
Dammann Frères, 6 place des Petits Pères, 75002 Paris ou 15 place des Vosges, 75004 Paris ou 24 avenue Victoria, 75001 Paris