Chez La Guinguette d’Angèle
Photographie Lili Barbery-Coulon. Angèle Ferreux-Maeght dans son espace de travail !

Chez La Guinguette d’Angèle

Chez La Guinguette d’Angèle

Vendredi dernier, je me suis incrustée dans les cuisines d’Angèle Ferreux-Maeght, la créatrice de La Guinguette d’Angèle. J’étais déjà venue avec ma complice Armelle Kergall la photographier pour la rubrique In The Kitchen With en 2014 et je vous ai reparlé d’Angèle l’an dernier lorsqu’elle a ouvert son micro restaurant rue de la Coquillère dans le premier arrondissement à Paris. En seulement deux ans, la petite entreprise de ce jeune chef diplômé en naturopathie a beaucoup grandi et son compte snapchat hilarant (@angelemaeght) m’a donné envie de revenir pour ma rubrique At Work, dédiée aux espaces de travail des gens qui m’inspirent.

Photographies lili barbery-coulon. En haut, la cuisine bleue et blanche, en bas une vue du jardin 

Angèle Ferreux-Maeght est l’une des personnes les plus solaires que je connaisse. Elle ne se contente pas de mettre du bon dans les repas qu’elle prépare pour les autres. Quelle que soit la personne à laquelle elle s’adresse, elle diffuse une telle aura de gentillesse qu’elle réussit à désarmer tous les grincheux. On ne peut pas ne pas l’adorer. C’est une avalanche de douceur. Un concentré de bienveillance. Et une réserve à fou rire permanent. Je devais rester une heure vendredi. Finalement, j’ai squatté le jardin d’Angèle pendant trois heures et j’ai eu bien du mal à quitter cette atmosphère festive. Une ambiance qui illustre une nouvelle manière de concevoir l’entreprise. Ce fameux « bureau » habituellement ressenti par beaucoup comme un endroit pénible où l’on attend désespérément qu’arrive le vendredi soir (à ce sujet, je vous recommande la vidéo de mon gourou des réseaux sociaux, Gary Vaynerchuk). Il existe une nouvelle génération d’entrepreneurs qui sont convaincus que le travail doit être une source d’épanouissement. Pas question de trimer en comptant les jours avant les vacances comme des prisonniers. Chez Angèle, ça bosse dur et dans la joie. Il faut dire qu’elle a installé son équipe dans une partie de la maison où elle a grandi, en plein quatorzième arrondissement. Une maison au fond d’une cour où elle occupe la jolie cuisine bleue et blanche, le salon, le jardin et l’atelier où se trouve la cuisine de son équipe.

Photographies lili barbery-coulon.
Angèle devant son bol d’air Jacquier

Il y a encore quelques années, Angèle préparait tout quasiment seule dans la cuisine familiale, l’atelier n’était pas encore rénové et elle n’embauchait des freelances que les jours où elle avait des événements. Désormais, le succès de la petite Guinguette rue de la Coquillère où elle sert quotidiennement 150 lunch boxes dans moins de trois mètres carré, les événements qui s’enchainent – les marques de mode et de beauté s’arrachent ses services à chaque lancement presse – et la création de ses produits d’épicerie (granola, chips de kale, cookies et autres petites meringues à la lavande) vendue au Bon Marché depuis quelques semaines l’ont conduit à étoffer son équipe. Elles sont désormais 13 filles à se déhancher du matin au soir entre la cuisine bleue où les recettes sont conçues et où Angèle organise les réunions, le salon où une portée de chatons couine affectueusement et l’atelier où l’on réalise toutes les créations d’Angèle à plus grande échelle. Sur les murs de l’atelier, un calendrier planifie les événements tandis qu’un mood board avec des photos de garçons tout nus et des citations de « grande qualité » donne le ton. On chante du Céline Dion à se faire des nodules sur les cordes vocales. On multiplie les blagues de cul en buvant des jus de céleri pomme. Croyez-moi : vos chips de kale ne sont pas seulement préparées avec des ingrédients sans gluten. Elles sont chargées en énergie sexuelle ☺… Rencontre.

Photographie lili barbery-coulon. Toute la petite bande autour d’Angèle. Une autre version “plus sérieuse” est un peu plus bas dans l’article

Elle a tellement grandi ta petite guinguette en si peu de temps, c’est fou non ?
Angèle Ferreux-Maeght : Oui, en l’espace de cinq ans, ma vie a beaucoup changé. A l’époque, je faisais des études de psychologie et je commençais à faire le chef à domicile. Il y a trois ans, j’ai créé la structure La Guinguette d’Angèle, le petit restaurant de la rue de la Coquillère et mon premier livre sont nés l’année dernière. Et aujourd’hui, on est treize !

Photographie lili barbery-coulon

Tu travailles dans la maison où tu as grandi, tu as viré ta mère des lieux ?
A.F-M : (Rires) non. Je lui loue une partie et puis elle n’est pas souvent là. En fait je suis partie très tôt vivre avec mon copain quand j’avais presque 16 ans et ensuite j’ai habité à l’étranger, j’ai voyagé… Je suis revenue ici quand j’ai commencé à cuisiner. Petit à petit, j’ai investi le jardin et puis on a rénové une petite maison au fond de la cour. Mon frère y a installé son atelier au premier étage et moi j’ai ma cuisine et mes bureaux au rez-de-chaussée.

Photographies lili barbery-coulon

Mais du coup, tu te sers encore de cette cuisine où l’on est ?
A.F-M : Oui, c’est là que j’élabore mes nouvelles recettes, c’est aussi ici qu’on fait nos réunions. Dans le salon, il y une portée de petits chatons comme souvent dans cette maison. Les filles passent souvent les voir pendant leurs pauses, c’est un endroit très chaleureux.

C’est important pour toi de travailler dans un endroit aussi beau ?
A.F-M : Oui, c’est primordial. On commence à être à l’étroit et je cherche un espace plus grand. Lorsqu’on me fait visiter des cuisines en sous-sol, j’ai envie de partir en courant. Le plus important pour moi c’est le bien-être des filles. On ne peut pas proposer une cuisine tournée autour de la santé si on ne se soucie pas du cadre de travail de son équipe. Chaque jour, elles viennent prendre un bol d’air Jacquier pendant un minimum de trois minutes. Une fois par semaine, un prof de yoga vient nous donner un cours collectif. L’année prochaine, ce sera zumba, on va bien rigoler. Et pendant les fashion weeks, je ne veux pas qu’elles aient des heures supplémentaires alors j’embauche des gens qui viennent aider ponctuellement. Cependant, je suis consciente que le rythme est beaucoup plus soutenu alors je fais venir une masseuse pour que tout le monde reste détendu.

Photographies lili barbery-coulon

Ca me donne envie de venir travailler ici. Je n’ai jamais connu un bureau comme le tien !
A.F-M : Reste pour le déjeuner, tu verras, c’est très joyeux (NDLR : en effet je suis restée et j’ai beaucoup ri !)

J’ai récemment écrit un papier sur mes angoisses alimentaires. Je t’avoue que je ne sais plus trop comment manger. C’est difficile de s’alimenter sainement à longueur d’année…
A.F-M : Je crois que les gens trop bio, trop healthy, qui cherchent à faire tout parfaitement se trompent autant que ceux qui ne consomment que de la junk food. Le pire pour la santé et la digestion, c’est la peur et la culpabilité. Donc si on choisit de manger un Mac Do’, mieux vaut profiter de ce moment en conscience plutôt que de se fouetter intérieurement. J’ai toujours été fascinée par ce qu’on puise dans la terre et qui nous fait passer du bébé à l’âge adulte. Je crois que mes clients viennent chercher le fait qu’on a mis de la conscience dans ce qu’ils mangent. Ce n’est pas que le goût qui les attire.

Photographies lili barbery-coulon

Mais les informations sont parfois contradictoires et anxiogènes…
A.F-M : L’aspect positif de tout ce qu’on apprend sur la manière dont les aliments arrivent dans les supermarchés, c’est qu’à présent, on ne peut plus ignorer. Ce qui dérange et choque la population, ce n’est pas de manger du cheval, c’est qu’on lui vende du cheval en lui faisant croire que c’est du bœuf. Tous ces scandales – la violence dans certains abattoirs, etc… – nous ont fait prendre conscience que nous sommes obligés de nous questionner sur la provenance de nos aliments. Néanmoins, il ne faut pas basculer dans la psychose pour autant. N’oublions pas qu’il y a dans le fait de s’alimenter une dimension charnelle hyper importante.

Photographies lili barbery-coulon.
Je crois que ça se passe de commentaires 🙂

Quels sont tes projets pour la Guinguette à présent ?
A.F-M : Deux nouveaux livres devraient bientôt voir le jour. Je cherche aussi un espace pour ouvrir un autre restaurant où l’on pourra vraiment s’asseoir pour manger, contrairement au micro lieu dans le 1er arrondissement. Je rêve d’un grand lieu de vie dans lequel je pourrais décliner tout ce qui me passionne, des fleurs fraiches au massage en passant par la nourriture saine…

Photographies lili barbery-coulon.
Les produits de l’épicerie qu’on peut trouver actuellement au Bon Marché

Vivement !

Photographie lili barbery-coulon. Forcément après les photos que je vous ai montrées plus haut, on a du mal à croire à ces visages sérieux 🙂