C’est quoi cette bouteille de lait?
photographie lili barbery-coulon

C’est quoi cette bouteille de lait?

C’est quoi cette bouteille de lait?

J’ai lu samedi un article sur lemonde.fr qui m’a fait froid dans le dos et que je veux absolument partager avec vous. Il s’agit d’un exposé de Christian Rémésy nutritionniste et chercheur à l’INRA, au sujet de notre consommation de lait. Je n’avais pas suivi cette information, mais à compter du printemps 2015, la communauté européenne va supprimer les quotas laitiers, ce qui a pour but de faire baisser les coûts du litre de lait. Cela aura aussi pour conséquence, comme l’explique Christian Rémésy, de permettre aux agriculteurs d’exploiter encore plus leurs vaches, déjà en souffrance, afin de répondre à la demande de l’industrie du lait. Je vous invite à aller lire ce papier de toute urgence et à le partager avec ceux que vous aimez, y compris les enfants qui pensent encore que le lait est le meilleur allié de leur santé.

Je suis née en 1976. On m’a toujours servi du lait au petit-déjeuner et j’ai grandi en étant convaincue que la meilleure manière de commencer la journée était d’associer un grand bol de céréales industrielles avec du lait. Mes parents n’étaient ni écolos, ni avant-gardistes. Ils faisaient leurs courses dans des hypermarchés, plus rarement dans les commerces de quartier. Ma mère, qui a manqué d’à peu près tout lorsqu’elle était enfant, avait une passion pour les promotions et les stocks de nourriture dans les placards. J’ai donc toujours connu la cuisine remplie de cartons de lait et de yaourts dans le frigo. Au Canada, où mon père habitait, on servait souvent du lait à la place de l’eau pendant les repas. Ce n’était pas l’habitude de mon père mais je n’étais jamais surprise de voir des enfants réclamer du lait à l’heure du déjeuner.

Quand j’ai quitté la maison un peu avant mes 18 ans, j’ai continué à faire ce qu’on m’avait appris : le lait et tous ses produits me semblaient bons pour la santé et j’en mangeais le plus souvent possible. En Irlande, où j’ai habité quand j’étais étudiante, on n’a fait que renforcer cette conviction puisque tout le monde achetait quotidiennement son lait frais au shop du coin de la rue et en consommait autant que de la bière (c’est dire). Jamais je n’aurais pu remettre en question les bienfaits de cette boisson à cette époque.

Plus tard j’ai fait, comme pas mal de filles, des régimes avec ou sans nutritionniste. Toutes les méthodes répétaient inlassablement qu’il fallait ingurgiter un certain nombre de produits laitiers par jour pour éviter les carences en calcium. Je me suis forcée à manger du fromage blanc 0% sans aucun plaisir parce qu’on me disait que c’était bon pour moi. Même en faisant mes courses chez Monoprix, je me souviens que le message passait en boucle dans une publicité au haut-parleur pour le fromage blanc Câlin : « Mesdames, pour éviter l’ostéoporose, une seule solution : manger des produits laitiers ». Vous devez également vous souvenir, comme moi, de toutes ces campagnes publicitaires, des années 50 jusqu’à nos jours où l’on a vu stars, ados anonymes et enfants en technicolor nous sourire avec une moustache de lait au dessus des lèvres.

Quelle industrie du mensonge ! Il aura fallu que j’attende d’avoir un peu plus de 30 ans et que mon corps commence à m’alerter et à me questionner (maux de dos, migraines…) pour que j’entende enfin ce que tous les naturopathes et les experts du bien-être (ostéopathes, kinésithérapeutes, masseurs…) me chuchotaient inlassablement : « Mademoiselle, vous consommez trop de produits laitiers, essayez de diminuer, ce n’est pas bon pour vous ». Je percevais cette petite musique de loin, sans vraiment y prêter attention. C’est vrai, ils me saoulaient tous ces gens à remettre en question ce qu’on m’avait appris depuis la naissance. Et puis j’avais un argument de poids : Si le lait était si mauvais pour moi, pourquoi l’avais-je si bien supporté pendant toutes ces années ? J’oubliais consciencieusement de reconnaitre qu’enfant, j’avais eu une santé effroyable, avec divers passages sur le billard et un asthme chronique épuisant, et que je n’avais jamais connu un seul matin sans un tsunami d’éternuements et de nez qui coule.

Il y a un an, pourtant, j’ai arrêté du jour au lendemain de boire du lait. J’étais arrivée à un stade de non retour au niveau des migraines. Un médecin m’a demandé de stopper le gluten et les produits issus du lait de vache. Mes migraines se sont arrêtées. Je me suis remise à consommer du gluten à petites doses depuis quelques mois (mais vraiment à toutes petites doses, uniquement quand le plat me paraît délicieux) et il m’arrive de craquer pour une glace à base de crème, une crêpe, un peu de chantilly sur les fraises ou beaucoup plus rarement pour un dessert lacté ou du fromage au lait de vache. A peu près à coût sûr, je me tape un mal de tête dans l’heure qui suit. Je n’ai cependant aucune preuve que l’un soit lié à l’autre donc je ne peux pas tirer de conclusions. Je remarque cependant que plusieurs autres symptômes ont disparu : je n’ai plus mal aux reins et je n’éternue plus le matin. Mon dos va sans doute mieux grâce à un travail profond sur moi-même et grâce à mon prof de sport (dont je refuse de vous parler car il est déjà surbooké et j’ai peur qu’il n’ait plus de temps pour moi après publication d’un billet ici). Peut-être aussi que mes sinus ont « vieilli » dans le bon sens, sans que ce ne soit lié au lait ou au gluten. N’empêche : ça va globalement mieux.

Aujourd’hui, j’ai appris à aimer tous les laits végétaux. Et puis je me suis calmée sur les desserts lactés. Au début, j’ai remplacé par des yaourts au soja mais il m’a aussi fallu diminuer cette consommation car à haute dose, le soja n’est pas meilleur que le lait de vache, bien au contraire. Bref, je ne consomme plus systématiquement de dessert. Je mange parfois des fruits. Parfois un carré de chocolat me suffit. Et les jours où j’en ai vraiment envie, je m’offre une pâtisserie démente chez un grand chef.

Mais comment faire avec ma fille ? Elle adore le lait. Forcément, je lui ai transmis les dogmes dont j’avais hérités. Alors évidemment, on achète du lait bio depuis qu’elle est née. Mais est-ce suffisant ? Après la lecture de cet article, je ne le crois plus. Une amie journaliste m’a dit qu’elle n’achetait que du lait issu de petites fermes indépendantes. Mais comment vérifier la provenance du lait qu’on achète ? Hier, au marché du Boulevard Raspail, j’ai posé plein de questions à la dame qui fait de la vente directe du lait stérilisé de sa ferme. J’ai donc acheté la bouteille que vous voyez en photo. Ma fille était ravie et elle en a pris un verre à l’heure du goûter. Elle a trouvé ça « dégoûtant », je cite. Elle n’est habituée qu’au Lactel bio qui n’a pas de goût particulier. J’ai bien tenté de lui faire tester les laits végétaux. Sans succès. Comment défaire les mauvaises habitudes de nos petits ? Comment leur donner la curiosité du bon ? Je lui ai parlé de l’article, des vaches qui ne voient pas le jour, de l’alimentation délirante qu’on leur donne, très éloignée de l’herbe fraîche, de leurs mamelles fatiguées. Elle n’en revenait pas. Je voulais juste qu’elle comprenne que le lait est un produit qu’on doit consommer moins fréquemment. Et quitte à manger de la crème, du fromage ou à boire du lait, autant en acheter – si on en a les moyens bien sûr – de très bonne qualité. Et en même temps, ça n’a aucun de sens : pourquoi laisser la possibilité à une large partie de la population, qui n’a pas les moyens de faire autrement, d’acheter des fruits et des légumes gorgés de pesticides (que les agriculteurs ne veulent même pas manger eux-mêmes de peur de s’empoisonner), du lait aux antibiotiques et aux cellules animales malades, de la viande malsaine élevée dans des cages ? Ces aliments ne devraient-ils pas être proscrits et ces méthodes de gavage des animaux interdites? Est-ce qu’en changeant les circuits de distribution, on ne pourrait pas faire baisser les coûts et permettre à tous de s’alimenter du meilleur?

Je sais que beaucoup d’entre vous ne consomment plus de produits laitiers ou très peu. Mais si vous en achetez, est-ce que vous vous posez les mêmes questions que moi ? Comment choisissez-vous les produits laitiers qui sont dans votre frigo ? Quelles sont les marques qui ont des chartes exemplaires ? Franchement, j’ai bien besoin de vos conseils avertis en la matière !