Hinoki
Photographie Lili Barbery-Coulon. Le pavillon Miwa dans lequel a été improvisé un dîner réalisé par le chef du restaurant Hinoki

Hinoki

Hinoki

Désolée pour ce long silence. Mon ordinateur m’a sauvagement abandonnée vendredi dernier à l’aube. Mais après beaucoup de crises de larmes et d’hystérie, je suis back dans les bacs avec un nouveau Mac, pas encore bien configuré. Autant vous dire que je multiplie les respirations profondes. Ce weekend, certains d’entre vous ont peut-être lu le M dédié au Japon ? Je préfère avertir ceux qui n’aimeraient pas ce pays : vous allez en bouffer sur Ma Récréation dans les semaines, voire dans l’année qui vient. D’abord parce qu’en préparant mon article, j’ai fait plein de photos que j’aimerais partager avec vous ici. Aussi parce que je…. roulement de tambours… pars au Japon en avril ! Je suis tellement excitée qu’il m’arrive de sautiller dans la rue juste en pensant aux cerisiers en fleurs.

 

Photographie Lili Barbery-Coulon. Xavier Pensec, le chef du restaurant Hinoki à Brest

Sur ces images de qualité médiocre (je n’avais que mon Iphone ce soir là), vous découvrez les mains de Xavier Pensec en action. Avant de le rencontrer à l’automne dernier, je n’avais jamais mangé de sushi. Enfin si : j’avais sans doute absorbé l’équivalent de mon poids en riz recouvert de poisson cru ces dernières années. Mais au fond, je ne savais pas ce qu’était un véritable sushi avant de croiser le chemin de ce chef installé à Brest. C’est grâce au Pavillon Miwa (encore eux !) que j’ai découvert sa cuisine. Takeshi Sato, le fondateur de ce club privé pour nipophiles est assez maniaque, ce qui semble être un euphémisme lorsqu’on est japonais. Insatisfait de la qualité du poisson servi à Paris, il s’est mis à chercher un restaurant japonais au bord de la mer. Sur Google, il est immédiatement tombé sur le site du restaurant Hinoki à Brest. Intrigué par le nom qui fait référence à un bois sacré très important dans la culture japonaise, Takeshi Sato a aussitôt pris un TGV pour Brest. Lorsqu’il est rentré à Paris, il était si enthousiasmé par ce qu’il venait de goûter (et croyez-moi, il teste absolument TOUT ce qui se fait de japonais à Paris, quel que soit le prix) qu’il a invité Xavier Pensec à venir au Pavillon Miwa pour organiser quelques diners exceptionnels.

Photographie Lili Barbery-Coulon

J’ai eu la chance d’assister à l’un de ces rendez-vous. J’ai été tellement émue ce soir-là que depuis, j’ai le projet d’emmener mes amis à Brest pour un weekend, afin de faire à nouveau cette expérience. J’ai écrit un petit portrait de Xavier Pensec dans M le magazine du Monde (à retrouver sur son tumblr) mais ce n’était pas l’endroit pour exprimer mon sentiment personnel. Ce blog en revanche est là pour ça. Je trouve très difficile aujourd’hui, avec les nouveaux outils qui nous entourent, d’être présents à soi même. Être absolument et sincèrement à ce que l’on fait. Quand j’écris un texte, j’ai dix fenêtres ouvertes sur mon écran, des alertes qui m’indiquent l’arrivée constante de nouveaux emails, des notifications sur mon téléphone, des vibrations pour les sms… Je n’ai jamais autant produit. Et certains soirs, j’ai le sentiment que mon cerveau va exploser comme mon ordinateur il y a quelques jours. Le « multi-tasking » comme le nomment si bien les américains n’est plus une option. C’est une réalité à laquelle on est tous confrontés.

Photographie Lili Barbery-Coulon

Xavier Pensec m’a offert la chance d’être pleinement présente. C’est d’ailleurs pour cette raison que mes photos sont si brouillonnes. J’en ai fait quatre au début du repas puis j’ai rangé mon téléphone et j’ai profité de l’instant présent comme cela m’arrive très rarement. Xavier ne se contente pas de découper le poisson comme s’il déshabillait méticuleusement son amoureuse. Il raconte des histoires. Il raconte la vie du pêcheur qui a trouvé ce bébé dorade derrière un rocher. Il raconte le poisson paresseux qui devrait nager un peu plus loin des côtes pour avoir meilleur goût. Il raconte la lame du couteau qui plonge dans la chair nacrée. Il raconte le goût du riz perlé qu’il fait venir de l’autre bout du monde comme un trésor d’explorateur. Interdiction d’attendre : quand le sushi est déposé devant nous, il faut l’apprécier immédiatement. Sentir le piquant raffiné du raifort tout juste râpé contre la chair crue et fondante associée au riz encore tiède. S’offrir une rasade de saké fruité, aussi délicat qu’un pétale de jasmin. Découvrir le moelleux des crevettes crues dont on ne pensait plus rien apprendre. J’avais les larmes aux yeux pendant ce repas. Parce que ce Monsieur dépose son âme dans chacun de ses gestes et nous la livre enroulée d’une feuille de shiso.

Photographie Lili Barbery-Coulon 

Ca m’émeut d’évoquer ce dîner. Quelle chance de vivre des émotions aussi grandes. Si vous vivez en Bretagne, courrez, n’hésitez pas, allez chez Hinoki où Xavier Pensec aidé de Mika, son épouse japonaise, vous réconcilieront avec le poisson. Et même si vous vivez à Marseille, je vous engage à traverser la France pour vivre un moment pareil. Ce chef est complètement habité par son métier. Les tarifs de son restaurant sont d’ailleurs dérisoires quand on pense à la qualité de ce qu’il propose. Le seul problème, et il est majeur, c’est qu’une fois que vous aurez dégusté un sushi chez Hinoki, vous serez constamment déçu en mangeant des sushis ailleurs.

Hinoki, 6 rue des Onze Martyrs à Brest, Tel : +33 2 98 43 23 68, Menus de 15 à 25€ le déjeuner, de 35€ à 65€ le diner. Attention il faut réserver : le comptoir du restaurant ne peut recevoir que 6 personnes.