Odeur de sainteté
10/05/2012
Voici un lieu secret. Une adresse confidentielle où l’artiste Chantal Sanier travaille et reçoit lorsqu’elle est à Paris. Créatrice de la marque Odeur de Sainteté, elle a appris le parfum sur le tard, pourtant elle a été éduquée aux senteurs merveilleuses de la pâtisserie de sa grand-mère dès ses premières heures. Il lui aura fallu dix ans de lecture et de recherche pour trouver l’expression juste de ses essences. Neuf parfums atypiques conçus uniquement à partir de matières naturelles. J’ai découvert son travail l’hiver dernier, en fouinant chez Astier de Villatte. Domino Lattès m’avait prévenue : « Il y a des parfums étranges chez Astier, ça va te plaire, tu devrais aller voir ». J’ai mis un moment à comprendre où se cachaient les fioles de verre rouge, emprisonnées sous des cloches de métal. Et j’ai été encore plus troublée lorsque je me suis mise à sentir L’Homme Quantique puis L’Amer Supérieure et Sainte Nitouche. On est tellement habitué à la légèreté, au vide, voire au silence dans la parfumerie actuelle que je n’arrivais pas à les classer. J’étais intriguée par les noms – sublimes – les compositions – lunaires – et l’originalité des flacons. J’ai aussitôt contacté Chantal Sanier pour en discuter avec elle. Il a fallu que je la rassure sur mes intentions et ma curiosité car cet oiseau sauvage a horreur qu’on la mette en cage ou qu’on essaie de la ranger dans des cases étriquées. D’ailleurs, elle n’a encore jamais tenté de communiquer avec la presse pour faire la promotion de ses créations. Une démarche à contre courant de tout ce qui se pratique dans le milieu de la beauté.
Progressivement, nous avons pris confiance l’une en l’autre et elle m’a confiée avoir participé à la création, la mise en scène ou la communication de plusieurs parfums très célèbres. Dénicheuse de nom, créatrice d’images, conteuse olfactive, Chantal Sanier œuvre dans l’ombre depuis des années pour des maisons comme Hermès, Jean-Paul Gaultier ou Maison Martin Margiela. Aujourd’hui, c’est à son tour de prendre la parole avec une collection qui concentre uniquement des ingrédients naturels. « Je n’ai rien contre la chimie mais les matières synthétiques ne me parlent pas, avoue-t-elle. Les essences naturelles contiennent tellement de sens, elles nous dépassent, elles nous reconnectent avec le sacré ». Un point de vue discutable puisque les parfumeurs que je connais qui défendent le mieux les naturels disent avoir besoin des notes synthétiques pour réussir à les mettre en avant avec élégance. Cependant chez elle, je ne savais plus où diriger mon objectif. La beauté m’éclaboussait. Les flacons anciens, les alambics colorés, les matières inconnues en bocaux, les étagères patinées, les objets de culte, les morceaux de gaze sur lesquels elle fait tester ses parfums… J’avais envie de capturer chaque centimètre carré. C’est rare de rencontrer des personnes aussi inspirantes. Des gens qui vous donnent envie d’être meilleurs. Un talent que les créateurs d’Astier de Villatte ont immédiatement repéré puisqu’ils sont les seuls à distribuer ses produits en France pour le moment.