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Ce qui me soutient quand tout part en vrille

Beaucoup d’entre vous m’ont écrit ces derniers jours et je suis frappée par ce qui unit l’ensemble des messages. Vous êtes épuisés par ces deux dernières années, anxieux de l’avenir proche et lointain, malades du covid ou de la grippe, fatigués par l’agressivité et la violence omniprésente, en état de sidération ou de fuite, vous ne pouvez plus supporter la moindre injonction, aussi sensibles qu’une peau brûlée au troisième degré. D’autant qu’en plus du contexte extérieur, la vie continue à vous servir son bouillon d’emmerdes locales à la louche.

Lorsque tout semble partir en vrille, on n’est pas toujours en mesure de faire ce qui pourrait nous aider à nous sentir mieux. D’ailleurs, on fait souvent exactement l’inverse. Lors de ces grandes traversées, je m’aperçois qu’au lieu de redoubler d’efforts pour ne pas sombrer, je plombe sciemment mes poches en y glissant des cailloux. En interrogeant mes amis, en écoutant mes élèves et en observant mon entourage, j’ai pris conscience que nous étions très nombreux à nous auto-treuiller vers nos profondeurs dans ces moments de crise. Qu’est-ce qui nous attire autant vers le fond alors que nous rêvons de surface et de lumière ?

J’ai fini par comprendre (et je n’en fais pas une règle universelle, nous sommes tous différents) que ce goût pour la noirceur la plus opaque représente une phase étrange de ma reconstruction à venir. Cela me rappelle une marche, une nuit, dans une forêt. Près des lumières de la ville, mes yeux qui entraient dans le bois ne distinguaient rien aux alentours, c’était effrayant. Mais lorsque nous avons rejoint la véritable pénombre dans le ciel nuageux privé de rayon de lune ce soir-là, la magie est apparue : des lucioles se sont mises à éclairer le chemin. Il y en avait des centaines, réparties de chaque côté du passage. Une véritable piste d’atterrissage comme si le petit Poucet avait balisé la route avec des galets blancs scintillants. Impossible de s’égarer ni de trébucher sur un tronc d’arbre.

Ces moments de crises profondes ne sont plus aussi fréquents qu’avant. Ils ne durent pas aussi longtemps qu’il y a quelques années, lorsque je ne faisais ni yoga ni méditation. Je les explore différemment aujourd’hui car je dispose d’outils qui me permettent d’observer la traversée. N’empêche que tous les six ou sept ans, je me prends un mur en béton qui pulvérise tous mes piliers, mes croyances, mes habitudes, mes repères. Comme si j’étais arrivée au bout d’un tableau dans un jeu vidéo et que pour passer à la séquence suivante, il fallait développer de nouvelles aptitudes. Dans ce voyage ténébreux, j’ai l’impression que l’abandon de ce qui pourrait me faire du bien participe à rendre la situation si intolérable que je n’ai plus d’autre choix que de vraiment me (r)éveiller et changer. Cela vous parle ?

L’année 2021 a été éprouvante, me concernant. Les édifices qui faisaient office de structure extérieure se sont effondrés. Disparus. Je n’avais pas vu qu’en dépit de mon illusion de liberté, je marchais encore avec des béquilles qui me cloquaient le creux des mains. J’en ai perdu une, j’ai continué en boitant sans rien changer. J’ai perdu l’autre et je me suis écroulée contre le gravier. Bien sûr, il ne s’agit que d’images mais elles illustrent assez bien ce que j’ai ressenti tout au long de l’année. Quelques épreuves supplémentaires sur le chemin ont fait l’effet d’acide sur mes plaies, me privant de mon énergie habituelle. Et comme la vie n’est jamais linéaire, il y a aussi eu plein de moments extraordinaires qui m’ont remplie de joie et ont augmenté mon seuil de tolérance au merdier de fond que je ne souhaitais pas fouiller.

En janvier, à mon retour d’un voyage incroyable en Californie qui m’avait placée en « mode avion » émotionnel, je n’ai plus eu d’autre choix que d’adresser le chantier intérieur dans lequel je me (re)trouvais. Jusqu’où doit-on aller pour toucher le fond de la piscine et remonter à la surface ? Parfois, cette exploration archéologique est si minutieuse qu’on prend le risque d’y voir sa santé mentale et physique s’évaporer sous nos yeux. Cela me fait penser à un voisin qui vient de s’installer dans l’immeuble en face de chez moi. Tous les jours, je l’entends tousser et cracher ses poumons si bruyamment que ça me fait mal à la poitrine par procuration. Tous les jours, je le vois s’assoir sur son balcon devant un cendrier qui ressemble au Vésuve après son éruption en 79 après Jésus-Christ. Tous les jours, il fume cigarette sur cigarette, tire la dernière latte jusqu’au carton du mégot, l’enfonce dans la cendre et en allume une autre entre deux glaires envoyées par ses poumons comme des messagers. Un matin, alors que j’étais encore allongée dans mon lit et que je l’entendais expectorer ce qui me semblait être un morceau de bronche, j’ai eu envie d’ouvrir ma fenêtre et de le supplier d’arrêter de se faire autant de mal. Et puis, j’ai pris conscience que je fais bien souvent exactement comme lui. Moi aussi, je reçois des émissaires issus de mon corps et de ma conscience. Ils viennent avec des banderoles que même ma presbytie aggravée réussit à déchiffrer. Ils me supplient d’abandonner certains comportements, de prendre des décisions fermes, d’avancer à gauche ou à droite. Ils sont plein de bienveillance et se tiennent toujours de mon côté. Pourtant, dans les traversées ténébreuses, je les regarde droit dans les yeux en mettant une boule de cire dans chacune de mes oreilles et en plaçant mes mains sur le visage comme la petite fille que j’étais à l’école primaire qui criait les doigts sur les tympans « na na na na na na na j’entends rien de c’que vous dites ».

Début décembre 2021, je suis allée voir Sylvie Ganter qui a ouvert des consultations de naturopathie depuis qu’elle en est diplômée. Elle m’a posé la question suivante : « Qu’est-ce qui te donne de l’énergie ? Qu’est ce qui t’en prend ? ». J’ai répondu sans difficulté. Puis elle m’a demandé de choisir trois éléments de la première liste et de m’engager à les appliquer dans les trois mois suivant notre échange. Je ne m’y suis pas tout à fait tenue mais la liste ayant été établie, je ne pouvais plus faire comme si je ne savais pas. En janvier, à mon retour de voyage, j’ai retrouvé cette liste et j’ai senti qu’il était temps d’enlever mes boules Quiès et mes œillères. J’ai commencé à appliquer quelques principes sans être trop rigide et petit à petit, j’ai retrouvé le chemin de la lumière que je croyais avoir perdu. Alors, à présent que ça va mieux, j’ai envie de partager cette double liste. Voilà ce qui me prend de l’énergie (et que j’applique pourtant à la lettre quand tout va mal) et voici ce qui m’en donne et me soutient. J’espère que cela vous donnera envie de vous FAIRE DU BIEN, de vous SOUTENIR, de vous remettre dans le camp de l’amour de soi.

CE QUI ME FAIT PERDRE DE L’ÉNERGIE

CE QUI ME SOUTIENT

J’espère que cette lecture vous aidera à vous pardonner de vous auto saboter et à demander de l’aide. Et puis à vous donner envie d’aller mieux. C’est notre droit de naissance de jouer, rire, et jouir de la vie. Et vous, quelles sont les astuces qui vous permettent de vous redresser quand vous êtes à terre?

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