Dans le laboratoire de Joëlle Ciocco

Dans le laboratoire de Joëlle Ciocco

Dans le laboratoire de Joëlle Ciocco

Depuis quelques jours, une pétition – l’affaire du Siècle – circule pour contraindre l’état français à rendre des comptes sur son inaction climatique. Nous sommes de plus en plus nombreux à changer nos comportements et à une vitesse folle. Je ne parle pas que de moi. Je le sens. Et je le vois dans vos réactions sur les réseaux sociaux, où que vous habitiez, comme dans les magasins. Le changement de paradigme sociétal lié à l’urgence écologique vous paraît sans doute trop lent. N’empêche qu’il est en marche. Et qu’on le veuille ou non, il va bien falloir s’y mettre. La majorité des grandes marques cosmétiques continuent à se comporter comme si de rien n’était et reportent sans cesse leur transition écologique à plus tard. Heureusement, nous avons un pouvoir: le boycott. Et puis, au milieu de cette paralysie, il existe des créateurs qui acceptent cette transformation nécessaire et essaient de faire leur part de colibri. Joëlle Ciocco en fait partie et elle a accepté d’ouvrir les portes de son laboratoire où elle fabrique ses produits.

et maintenant, on fait quoi de cette Équation vertueuse?

Il y a quelques semaines, j’ai publié un article qui vous a beaucoup fait réagir: l’équation vertueuse de la beauté. Ce post a ouvert une discussion que je trouve passionnante car, que l’on s’intéresse ou non aux cosmétiques, il est question ici de trouver une façon plus juste de consommer. Ce qui est vrai du secteur de la beauté l’est aussi d’autres domaines de la consommation. Depuis la publication de cet article, toutes les marques qui m’envoient des produits (j’en reçois d’ailleurs nettement moins qu’avant) passent au crible de ma “roue” et de la question suivante: ont-elles compris l’urgence de la situation écologique et ont-elles entamé leur mutation? J’aimerais pouvoir vous répondre que c’est le cas. Malheureusement, on en est loin. Beaucoup disent que ce sera leur sujet “dans 5 ans” mais qu’il est trop tôt pour aborder ces questions. Evidemment qu’il est trop tôt puisqu’en “off”, j’apprends qu’aucun changement n’a été amorcé. D’autres font du green washing en investissant des sommes importantes auprès d’associations qui défendent l’environnement, tout en continuant à polluer la planète avec des emballages indécents. Certains grands groupes misent tout sur l’évolution d’une de leurs marques qu’ils exposent sous forme d’étendard. Sans prendre le risque de changer un iota de leurs “vaches à lait”. Et puis, il y a toutes celles qui se donnent bonne conscience avec une formule labellisée bio (ne contenant souvent que 10% d’ingrédients bio et souvent issus de pays qui n’ont pas les mêmes normes agricoles que les nôtres) et bien décapante pour la peau. Bref, j’ai du mal à faire le tri. J’imagine que ça doit être encore plus compliqué lorsqu’on ne connaît pas les dessous des marques ou qu’on ne sait pas lire une liste d’ingrédients au dos d’un pack.

photographie lili barbery-coulon. le petit stock des produits de joëlle ciocco

Transition enclenchée

La bonne nouvelle – car il y en a – c’est que chez les plus jeunes créateurs, ça bouge et vite. Il y a aussi des marques bien installées qui ont compris qu’il n’y avait plus d’autre choix que de s’engager sur une voie nouvelle. C’est le cas de Joëlle Ciocco, cette biologiste experte de l’épiderme, à qui j’accorde ma confiance et ma peau depuis près de vingt ans. Il y a quelques mois, alors qu’elle regardait mon visage à la loupe, Joëlle m’a confié qu’elle travaillait avec acharnement sur l’évolution de toutes ses formules. “Lorsque j’ai commencé à formuler mes premiers produits, il n’y avait pas beaucoup de solutions en terme d’ingrédients naturels pour conserver un soin, apporter du moelleux à une texture ou dissoudre efficacement tous les résidus de maquillage” se souvient Joëlle. Son but premier était de proposer des produits résolument efficaces, agréables à appliquer et non irritants. “Les formules conçues comme de vieilles charrettes qui n’apportent rien à la peau ne m’ont jamais intéressée” dit-elle avec le franc parler qui la caractérise. Cela ne veut pas dire qu’elle acceptait jusqu’ici d’utiliser n’importe quoi dans ses compositions pour qu’elles marchent. C’est elle qui m’a appris à lire la liste INCI. C’est elle qui m’a appris à me méfier du superflu qui obstrue les pores du visage. C’est elle encore qui m’a appris à goûter du bout de la langue une formule pour la peau et à m’intéresser à la provenance des matières végétales. C’est elle aussi qui m’a appris à soigner ma peau avec des compléments alimentaires, de l’homéopathie et tout un tas de conseils bizarres qui se sont révélés efficaces. Pour autant, Joëlle s’est toujours méfiée du label bio et des étiquettes soit disant vertueuses en cosmétique et n’a jamais renoncé à recommander des produits issus de la parapharmacie même lorsqu’ils sont gavés de pétrochimie: elle arbitre en fonction des besoins et des pathologies de chacun. Je sais qu’elle divise sur ce point. L’évolution de ses formules m’intriguait et j’ai demandé à visiter son laboratoire en banlieue parisienne. Elle ne l’avait encore jamais ouvert à des étrangers mais a accepté. Vous avez peut-être vu une partie de cette visite dans mon Instastory il y a quelques semaines?

photographie fleur monot. Lili avec joëlle ciocco dans son laboratoire

Près de 5 ans de mutation

J’ai découvert un lieu aussi maniaque qu’un labo pharmaceutique en terme d’hygiène: aucune poussière, aucun cheveu, aucune fibre textile ne doit voler dans l’air et se retrouver piégé dans une formule. On s’est équipé de charlottes, de blouses et même de masques dans certaines pièces (je vous ai épargné la photo) et on m’a raconté ce qui s’opérait depuis bientôt cinq ans dans ce labo avec la petite équipe de femmes chercheurs diplômées d’un doctorat. “Il y a cinq ans, lorsque nous avons entamé la mue de nos formules, j’ai cru qu’il suffirait de remplacer l’huile minérale que nous utilisions dans certains produits par de l’huile végétale et qu’il n’y avait qu’à exclure les ingrédients dont nous ne voulions plus pour que cela fonctionne” avoue Joëlle en souriant. “La cosmétique ne marche pas du tout de cette manière: il a fallu tout remettre à plat afin de conserver l’efficacité initiale et la sensorialité qui est une clef essentielle si on veut avoir du plaisir à prendre soin de son visage chaque jour. D’autant que je ne voulais pas mettre à la poubelle mes anciennes formules et en lancer de nouvelles sans aucun rapport avec les précédentes” poursuit-elle. C’est le cas de sa crème culte Réserves Nutritives qui est un best-seller et qu’elle a entièrement revue avec son équipe pour lui permettre de bénéficier du plus haut pourcentage d’ingrédients naturels. Mais pourquoi ne pas avoir commencé par créer des produits entièrement naturels dès le début? “Les matières qui étaient disponibles chez les fournisseurs de la cosmétique il y a une vingtaine d’années ou même il y a dix ans étaient assez limitées en terme d’efficacité et d’innocuité, raconte Joëlle. C’est l’arrivée de nouveaux ingrédients vraiment performants et de savoirs inédits qui nous a permis de revoir nos formules. Et puis, on pensait bien faire lorsqu’on faisait le choix d’utiliser les ingrédients qui sont pointés du doigt par les consommateurs depuis peu. On dispose désormais d’alternatives mais elles demandent plus de recherche de notre part. En novembre, j’étais au soleil, en déplacement professionnel, et on m’a présenté une marque bio en me vantant la formulation à base d’ingrédients rares qui plaisent beaucoup sur les réseaux sociaux. Malheureusement, ces gels nettoyants n’ont jamais réussi à éliminer les traces de crème solaire sur ma peau. Et c’est d’autant plus problématique que nos épidermes sont désormais exposés à un niveau de pollution invisible toujours plus élevé. Bien nettoyer son visage exige aujourd’hui des produits plus performants qu’avant et ça nous a pris cinq ans pour mettre au point des formules qui puissent répondre à toutes nos exigences.” Je suis certaine que je vais recevoir des emails ou des commentaires pour me dire qu’il y a du parfum dans certaines formules ou un ingrédient que vous condamnez personnellement. Souvenez-vous de ce que j’ai écrit au sujet de ma roue de l’équation vertueuse: la perfection n’existe pas et on peut toujours continuer à améliorer les choses. Mon intention n’est pas de démontrer que la marque de Joëlle Ciocco est meilleure qu’une autre mais de vous montrer qu’on peut faire autrement. C’est une bonne nouvelle que j’aimerais encourager afin que le mouvement prenne plus d’ampleur et contamine les retardataires…

photographie lili barbery-coulon. joëlle et son équipe de femmes chercheurs. J’adore cette photo!

Un laboratoire à échelle humaine

Une chose m’a frappée en visitant les lieux: la taille des cuves qui servent à préparer le fameux lait onctueux capital ou la crème riche pour le corps: elles ne sont pas plus grosses qu’un Vitaliseur. “On n’a pas vocation à devenir une multinationale, explique Joëlle Ciocco. La qualité de nos formules repose sur la qualité des ingrédients que nous sourçons mais aussi sur la manière dont on fabrique. Cette préparation en toute petite quantité nous permet d’éviter de stocker des produits pendant des mois sur des étagères et d’envoyer nos commandes fraîches au fur et à mesure. Elle recèle en outre une autre vertu: on peut contrôler les textures à l’instar d’un cuisinier avec sa mayonnaise. A grande échelle, dans des cuves gigantesques, on n’obtient pas du tout le même résultat”. C’est amusant car Catherine Kluger m’a dit la même chose au sujet de ses granolas maison: elle a mis des mois à trouver la bonne recette adaptée à la production de grands volumes. Ses préparations qui étaient délicieuses pour six avaient l’allure d’un gloubi boulga broyé de tous les côtés dans des cuves industrielles.

photographie lili barbery-coulon. la cuve dans laquelle sont fabriquées les formules de joelle ciocco

La qualité des huiles

Hier, dans ma dernière Lili’s weeklist je vous parlais des huiles Oden. Chez Joëlle, la qualité des huiles est aussi une question cruciale. Sur les listes INCI, il est impossible de savoir si les huiles naturelles ont été raffinées (= moins de propriétés) ou issues d’une première pression à froid. Pour le savoir, il ne faut pas hésiter à le demander aux marques car s’il s’agit d’huiles de première pression à froid, comme chez Joëlle, les marques ont le droit de communiquer sur ce point et pourront s’en vanter. “Si tu savais Lili ce qu’on trouve sur le marché, y compris dans des magasins bio… raconte Joëlle. Nous avions besoin de tester pour une formule les propriétés de l’huile brésilienne de buriti. Comme le fournisseur que nous avions contacté tardait à nous l’envoyer, nous sommes allés en acheter en version brute dans un magasin à Paris. Nous avons analysé l’échantillon et avons découvert des paillettes, des colorants artificiels alors qu’elle était vendue avec la mention “100% naturelle”. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’investis des sommes folles dans ce laboratoire: cela me permet de tout contrôler et de savoir précisément ce qui entre dans mes formules.” Ces dernières années, Joëlle et son équipe ont monté des partenariats avec des petits producteurs en France, au Brésil et en Amazonie. “Je peux certifier toute la traçabilité! se réjouit l’épidermologue. Nous achetons de toutes petites quantités auprès d’agriculteurs qui ont eux-mêmes des exploitations à taille humaine. Il faut parfois faire preuve de patience. Par exemple, on ne peut pas avoir du safran à la demande, on doit attendre les récoltes et accepter de retarder la production de nouveaux soins.” Mais ces nouvelles formules qui vont remplacer les anciennes entre décembre 2018 et fin 2019, elles sont bio ou pas? “ Bio, ça ne veut pas toujours dire que c’est mieux que ce qui ne l’est pas, répond Joëlle. Le plus important est de demander aux marques d’où viennent leurs ingrédients, comment est-ce qu’ils sont cultivés.” Et ça ne signifie pas non plus qu’il n’y ait pas de produits de beauté bio exceptionnels. La vérité est souvent à portée d’un clic aujourd’hui. Je le dis et je le répète encore: demandez aux marques que vous utilisez de répondre à vos questionnements légitimes. Demandez-leur de justifier leurs choix si vous avez le moindre doute. Vous serez probablement surpris.e.s par leurs réponses.

photographie lili barbery-coulon

Des formules à 97%, 98%, 100% naturelles

Ce repositionnement va permettre à Joëlle Ciocco de proposer des soins qui avoisinent ou atteignent 100% d’ingrédients naturels. “Même les colorants sont naturels: on a trouvé des fleurs qui en plus d’avoir une fonction colorent en bleu ou en rose. On est aussi allé chercher des sucres qui jouent le rôle de polymères. Et tout ça représente quatre ans et demi de recherche” dit-elle fièrement. Elle m’a donc présenté sa Pure Gelée aux Huiles (une folie en terme de texture et d’effet sur la peau) ainsi que toute sa collection de soins pour le corps entièrement repensés. Les formules classiques gavées d’huiles sèches synthétiques n’ont rien à leur envier sur le plan sensoriel: chaque soin pénètre rapidement, on a donc toute la modernité de la texture et son efficacité sans ingrédients potentiellement toxiques. Et mon Lait Onctueux Capital avec lequel je nettoie ma peau depuis près de vingt ans? “On travaille aussi à le transformer ” annonce Joëlle. Le seul point noir de cette transition est qu’elle se révèle coûteuse pour Joëlle. Cela va donc impacter les tarifs de ses soins qui étaient déjà bien au delà de mon budget. Je précise que je m’achète son démaquillant depuis que je l’ai découvert il y a des lustres. “J’aurais pu investir tout cet argent dans du marketing, un.e attaché.e de presse et pourquoi pas de la pub. J’ai préféré tout mettre dans ce labo, acheter les machines pour qu’on puisse étiqueter nous mêmes, les outils de recherche, sans être dépendante de qui que ce soit, assurer la traçabilité et la qualité de ce que nous proposons. C’est un choix et il est évident que les produits vont être plus chers qu’avant.” Aïe, moi qui avais envie de tout, je vais devoir faire des choix (mais c’est aussi ça, il me semble, d’être dans la conscience). Depuis quelques mois, je n’utilise que son Elixir Nutritif et le Lait Onctueux Capital. Et si je ne peux pas me racheter l’Elixir que j’adore, je me rabattrai sur des huiles végétales d’une grande pureté comme celles d’Oden dont je vous ai parlées hier. Je n’aurai ni la texture folle ni l’efficacité ultime des produits Joëlle Ciocco mais j’apprendrai à m’en contenter avec bonheur. Et promis, je vais établir une liste des marques que je trouve qualitatives et respectueuses du vivant – il y a plein d’alternatives – mais je manque de temps pour le faire pour l’instant. 

photographie lili barbery-coulon. la machine d’étiquetage des produits

Et les packagings?

J’ai parlé à Joëlle Ciocco de mes réticences concernant ses packagings, en terme de plastique d’abord, mais aussi sur un plan plus pratique: les produits les plus liquides dégoulinent parfois sur les rebords des flacons pompe. “Je tiens beaucoup à la technologie airless derrière ces flacons car elle garantit plus de fraîcheur et permet d’utiliser le strict minimum de conservateurs lorsqu’ils sont indispensables. On a déjà corrigé pas mal d’erreurs et on continue à améliorer nos packs. Rayon déchet, je n’ai jamais cédé aux exigences des distributeurs qui réclament des boîtes en carton et j’ai réduit la taille du blister à quelques centimètres au niveau de l’ouverture. Ce minuscule morceau de plastique au niveau du col du produit empêche les clients d’ouvrir les flacons sur les étagères ” a répondu Joëlle. Ce n’est pas parfait. L’idéal serait d’avoir des flacons ressourçables mais c’est assez difficile à implanter, surtout quand on est une petite structure. Je compte sur l’intelligence des millenials très sensibles à l’écologie pour nous inventer des solutions. Je suis certaine que la société qui créera demain des emballages entièrement biodégradables ou perpétuellement réutilisables va faire fortune.

photographie lili barbery-coulon

Un concours pour une consultation sur mesure!

Mon calendrier de l’avent immatériel touche à sa fin et j’ai demandé à Joëlle Ciocco d’y participer. Plutôt que de vous offrir des produits, elle propose de recevoir le/la futur.e gagnant.e pour une consultation avec Christiane, l’une de ses “épidermologues”. Vous l’avez peut-être déjà vue dans les Instastories de la marque sur Instagram? C’est une femme extraordinaire, formée par Joëlle qui travaille à l’institut depuis des années et qui connait parfaitement la peau. Elle va vous aiguiller pour trouver la cosmétique dont votre peau a besoin (et on ne vous poussera pas à la consommation des produits de la marque, Christiane comme l’équipe de Joëlle, sait s’adapter à tous les budgets et ne recommande pas que leurs soins). Vous repartirez avec un bilan de fond et une prescription de soins topiques mais aussi de compléments alimentaires ou de petites astuces dénichées en herboristerie. Pour jouer, rendez-vous sur mon compte Instagram, stay tuned!