Inscape à New York
Photographie Lili Barbery-Coulon

Inscape à New York

Inscape à New York

Je vous écris de Grèce où je suis depuis bientôt deux semaines. Je voudrais que ce voyage dure une éternité tant il est savoureux. Ressourçant. Eblouissant du matin au soir. Surprenant. Je vous reparlerai bientôt de ce road trip à couper le souffle mais avant de prendre trop de retard, je voulais continuer à vous livrer les adresses new-yorkaises dont j’ai promis de vous parler depuis mon séjour à Manhattan en février dernier. Ca fait des années que j’ai la chance d’aller régulièrement à New-York. J’adore cette ville, son énergie, sa capacité à se renouveler perpétuellement, j’aimerais d’ailleurs beaucoup m’y installer pendant quelques années. Pourtant, lors de mes dernières visites, la mondialisation avait fini par dissoudre un peu la magie de mes premières impressions. Je ne voyais plus beaucoup de décalage entre Paris et New York. Peut-être que je me trompe et que j’étais juste blasée (je ne crois l’avoir jamais été mais c’est une possibilité). J’avais soudain la sensation que « le goût du brunch » était le même partout. Les mêmes baskets pour tout le monde de Paris à Tokyo. Les mêmes concept-stores. Les mêmes marques. Ca m’attristait de ne plus voir surgir de singularités. Or, lors de mon séjour en février, j’ai eu l’impression inverse : la ville foisonnait de modernité, de nouveaux labels et d’adresses fraichement ouvertes qu’on rêverait de voir déclinées en France.

Photographies Lili Barbery-Coulon

J’ai été particulièrement surprise par la quantité de lieux dédiés au well-being (que je ne traduis pas par « bien-être » qui ne me semble pas signifier la même chose en anglais). Des bains de gong à tous les coins de rue, mille sortes de yoga hybrides dans les étages des skyscrapers, des cours de méditation en pleine conscience, des boutiques mystiques pour agrandir son aura et ouvrir ses chakras… Je vous ai déjà parlé de Woom Center, de ses sessions de sound healing mais aussi de Melanie Herring et son skin healing. Aujourd’hui, je vous embarque dans le futur… chez Inscape où vous allez pouvoir mettre votre cerveau en mode « reset ».

Photographie Lili Barbery-Coulon

Ouvert fin 2016 par Khajak Keledjian, le créateur de la ligne de boutiques de mode Intermix (qu’il a depuis revendue au groupe Gap), Inscape est un lieu pour apprendre à savourer l’instant présent. Relâcher les tensions. Améliorer la qualité de son sommeil. Et tout simplement mieux supporter la violence à laquelle notre cerveau comme notre corps sont soumis quotidiennement. Situé juste à côté du Flatiron building à Manhattan, cet espace m’a estomaquée. D’abord la vitrine noire et ce logo blanc à faire pâlir les directeurs créatifs de chez Apple. Une mention indique le programme : « Meditation Reinvented » (La méditation réinventée). Au dessus du paillasson, la messe est dite : « Enter Mindfully » (entrez en pleine conscience).

Photographies Lili Barbery-Coulon,
le rayonnage holistique chez Inscape

L’espace de plus de 400 mètres carré abrite un coin avec des canapés, de l’eau infusée aux concombres et au citron, et tout un tas de lectures apaisantes. A gauche de l’entrée, une petite boutique distribue tout ce qu’on trouve de plus branché sur le plan holistique. Du chocolat qui « booste les vibrations internes », un carnet pour écrire un prochain roman titré « Write it all, let it go », des livres de cuisine healthy comme celui de la créatrice de la marque Moon Juice, quelques produits de beauté bio… Et au cas où cet espace commercial nuirait à votre capacité à méditer et vous vider la tête, un message soulage la mauvaise conscience : « Inspiring and Meaningful Gifts to Create Meaningful Experiences » ☺ (des cadeaux inspirants qui ont du sens pour créer des expériences qui ont du sens). Et vous savez ce que j’ai fait ? Ben, j’en ai ramené des « meaningful gifts » ! Et pas qu’un peu… Avant même d’avoir commencé ma séance de méditation sensée me reconnecter à l’essentiel, j’avais déjà fait le plein de futile. Je suis irrécupérable ☺…

Photographie Lili Barbery-Coulon,
l’espace d’attente avant la méditation

A l’accueil, on a vérifié que j’étais bien inscrite à la séance de 13h. Chez Inscape, on s’inscrit en ligne, il y a des séances toutes les demi-heures avec des durées plus ou moins longues, histoire de satisfaire tous les emplois du temps. Evidemment, à l’heure du déjeuner, il y a plus de monde qu’en plein milieu de l’après-midi. On est ensuite invité à aller déposer ses affaires dans un casier au fond duquel on trouve une prise USB pour recharger son mobile. C’est tellement bien pensé ! D’accord pour « perdre » 22 minutes de son temps à condition d’en profiter pour refaire une santé à son portable ☺ (pardonnez-moi l’incursion répétitive de smileys, je ne peux pas m’en empêcher). On retire ses chaussures et il est recommandé de venir dans une tenue dans laquelle on se sent à l’aise assis (il n’est pas obligatoire de s’assoir en tailleur mais si c’est comme ça que vous vous sentez le mieux et que vous portez un pantalon trop serré ou une jupe entravée, mieux vaut emporter un leggins). Certains vont se changer dans les toilettes, la plupart reste comme ils sont venus. On nous conduit ensuite dans l’une des deux salles de méditation à l’abri du bruit. J’ai pris ma séance dans celle qu’on appelle le Dôme. Un genre de chapelle issue d’un film d’anticipation conçue par l’architecte hollandaise Winka Dubbeldam. On s’installe sous cette voute ovoïde, dans la pénombre, sur un pouf ou sur un mini banc de son choix. Il y a des tonnes de coussins et de supports pour caler son dos, ses genoux ou son cou. Tout est pensé pour qu’on se sente bien. Un membre de l’équipe Inscape s’installe au centre et commence par expliquer le déroulement de la méditation guidée. Il n’est là que pour assister à la séance, sans intervenir, et vérifier que chacun se sent bien. On peut lui poser des questions mais cette personne n’est pas en charge de la méditation. Les portes se referment, la séance peut commencer.

Photographies Lili Barbery-Coulon, les casiers et l’aspect extérieur de la salle du Dome que j’ai photographiée en ouverture de ce post

Pas de gourou, ni de professeur pendant la méditation, mais une voix féminine. Un enregistrement audio parfaitement calibré pour donner l’impression qu’elle murmure à nos oreilles. La voix est très agréable, ça m’a fait penser au film Her de Spike Jonze. J’étais troublée car son accent subit plusieurs variations. Je me disais : « Elle est australienne ? non sud-africaine ? non c’est une sud-africaine qui a fait ses études en Californie ? » Rien de tout cela. Cette voix mélange en effet plusieurs accents, elle se veut impersonnelle et universelle à la fois. La raison pour laquelle les séances de méditation ne sont pas enseignées par un professeur chez Inscape est la suivante : les dirigeants exigent une neutralité absolue afin d’éviter la fascination ou le rejet pour un individu. J’y vois aussi une raison commerciale : c’est plus facile de multiplier les séances dans une journée si on n’a pas à payer un turn-over de professeurs. Néanmoins, les méditations proposées sont toutes différentes et il y a peu de chance qu’on retombe sur la même session, ce qui permet d’acquérir de nouveaux outils à chaque visite. Pendant 22 minutes, on se concentre sur sa respiration en position assise, on observe l’état de son corps, on laisse défiler ses pensées sans s’y accrocher. La voix nous guide et même les néophytes se laissent facilement embarqués. J’étais assez jet-laguée ce jour-là, je dois avouer que je me suis assoupie deux ou trois minutes au milieu, ce qui n’est pas sensé arriver lorsqu’on médite en pleine conscience. Ca ne m’a pas empêché d’apprécier ma séance. Je suis ressortie complètement lissée de l’intérieur. Comme si on m’avait massé les organes, les articulations, le crane. J’avais même le visage moins fatigué lorsque je me suis regardée dans le miroir en partant.

Photographie Lili Barbery-Coulon. La deuxième salle où on fait des sessions de « deep sound » healing

Inscape ne propose pas que des séances dans son studio new-yorkais. C’est aussi une application pour méditer au quotidien à l’aide de son téléphone. J’ai beaucoup utilisé l’application Headspace pendant deux ans. Je me rends compte aujourd’hui que cet entrainement a musclé mon cerveau et lui a permis d’explorer d’autres voies. Je ne crois pas que j’aurais su apprécier à sa juste valeur ma toute première séance de yoga kundalini si je n’avais pas déjà fait l’expérience de la pleine conscience avant ça. Aujourd’hui, je médite tous les jours mais de manière très différente. Avec des mantras et du chant. Ce n’est plus une « corvée » ou un « rendez-vous obligatoire et minuté ». C’est de l’ordre du besoin. J’ai besoin d’aller « voir » à l’intérieur de moi.

Photographie Lili Barbery-Coulon

Quant à Inscape, je trouve le concept d’une efficacité redoutable. C’est malin, hyper bien réalisé, parfaitement « brandé ». On reconnaît d’ailleurs la longue expérience de Khajak Keledjian dans la mode et la distribution à travers l’architecture des lieux et les messages inscrits sur les murs. Son attachée de presse m’a racontée qu’il avait tout lâché pour se lancer dans ce projet qui lui tient véritablement à cœur. Il ne s’agit pas pour lui d’opportunisme mais bien d’une passion personnelle qui a changé sa vie et qu’il veut partager avec le plus grand nombre. Je suis certaine que la branchitude de l’espace et de l’application va probablement aimanter des gens qui ne se seraient pas intéressés à la méditation sans ça. Donc, c’est formidable. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de m’interroger sur la signification de l’émergence de toutes ces techniques holistiques que j’adore et dont je vous parle si souvent. J’écoutais le psychiatre Christophe André dans l’émission A Voix Nue de France Culture à qui on demandait comment il expliquait le succès démentiel de ses livres. Il a répondu : « Cela signifie qu’il y a beaucoup de souffrance dans le cœur des hommes et que nous avons besoin de solutions simples, de paroles bienveillantes… ». Je crois comme lui que la montée en puissance de toutes ces méthodes répondent à la sensation d’asphyxie que nous sommes de plus en plus nombreux à expérimenter. Asphyxie du flot de mails et d’informations inutiles à traiter. Asphyxie de l’activité professionnelle qui n’a plus de début ni de fin puisque le téléphone et la communication par email ont pulvérisé l’idée même du temps de travail limité. Asphyxie de la violence des informations partagées sur les réseaux sociaux, de la violence des mots vomis par un entourage que nous pensions bien connaître et qui n’hésite pas à vous gifler avec son opinion politique à chaque heure. Asphyxie des nouvelles de plus en plus effrayantes. Asphyxie de l’exigence de réussite et de performances quantifiables dans la sphère personnelle . Avec tout ça, Inscape, comme toutes les techniques qui vident la tête, ont une autoroute devant eux ! En quittant le studio new-yorkais, je pensais à Black Mirror, cette série télévisée britannique sur la dystopie créée par nos rapports à la technologie. Peut-être que la méditation deviendra un jour obligatoire dans les entreprises ou à la maison afin d’éviter des burn-outs annuels ? Peut-être qu’une voix domotique nous réveillera à 5h tapantes en nous ordonnant « Bonjour, il est temps de méditer ». Peut-être même qu’on aura une amende si on ne se soumet pas à ces injonctions de bien-être? Mais plutôt que d’inventer des moyens de supporter la surchauffe permanente, ne pourrait-on pas repenser le rapport à a vie, au travail et à la réussite ? Pardon, je m’égare… On reparlera de tout ça en 2040, dans quatre ou cinq présidences. Néanmoins, la bonne nouvelle dans l’arrivée de tous ces outils c’est que plus on médite, plus on se rapproche de son centre, moins on peut supporter de s’éloigner de soi, de ses désirs profonds, de ce qui nous rend unique. Et forcément, à la longue, ça provoque de grands changements… Et du coup, sans plus rien attendre de nos institutions, de notre hiérarchie professionnelle, de nos amis ou de notre entourage, on amorce des micro changements et on finit par transformer sa vie (et j’ai envie de conclure par un Sat Nam que les adeptes du kundalini comprendront).

Photographie Lili Barbery-Coulon,
l’entrée et l’accueil à gauche

Inscape, $18 la séance de 22 minutes, $22 la séance de 33 minutes, $29 les séances de 66 ou 88 minutes, tarif dégressif quand on achète des packs de plusieurs séances, 45 W. 21st Street, #1 New York, NY 10010 Tel : +1 645 952 0706