La piscine Molitor
photographie lili barbery-coulon

La piscine Molitor

La piscine Molitor

Attention, énorme digression en perspective, accrochez vos ceintures. Je ne sais pas si vous avez vu le sketch des devoirs de Florence Foresti (je ne trouve pas le lien, donc je vous mets celui des « mamans calmes« ). Mais si vous avez des enfants qui ont plus de six ans, je vous le recommande vivement. Il résume parfaitement le calvaire qui se joue chaque soir pour une grande majorité des parents. Bien sûr, vous aurez toujours une maman parfaite dans votre entourage pour vous rappeler que chez elle, ça ne se passe pas du tout comme chez vous. C’est la même qui dit que son bébé a fait ses nuits en rentrant de la maternité, qu’il dort chaque matin jusqu’à 10h, qu’il peut aller jusqu’à 11h certains weekends et qu’il a une passion pour les légumes verts. Chez elle, l’enfant prend naturellement son cahier de textes, apprend ses leçons par cœur sans qu’on ait besoin de le fliquer et réclame qu’on lui fasse répéter sa dictée comme on demande une barre Kinder pour le goûter. Bon, ben, chez moi, on est très loin de la planète des Bisounours. Dès l’entrée au CP de ma fille, les devoirs se sont révélés être une maxi corvée pour tout le monde. D’autant qu’elle était scolarisée dans un établissement ultra exigeant qui adore en coller des tonnes. Histoire de prouver aux parents qu’on ne se moque pas d’eux. Je me suis coltinée de réapprendre avec elle toutes les fables de la Fontaine. Jusqu’au jour où j’ai compris qu’il fallait mieux que je me tienne à l’écart du travail à la maison car ça me rendait hystérique. Mon seuil de patience, de calme et de bienveillance atteint son maximum très rapidement lorsqu’il s’agit d’expliquer la syntaxe et les mathématiques. Du coup, on a embauché des étudiantes. On a même tenté une maitresse à domicile (sujet aussi tabou que les injections de Botox, n’empêche que j’ai un nombre incalculable de copines qui paient Bordas ou Anacours pour s’occuper des devoirs de leurs petits), sans grand succès de notre côté. Il a d’abord fallu qu’on accepte que certains enfants adorent l’école, qu’ils se réjouissent à l’idée de bien faire et se sentent valorisés par les bonnes notes. Et que d’autres s’en carrent complètement. Ils ont mieux à faire : imaginer des dialogues entre des chats et des éléphants, rêver à des fêtes d’anniversaire sur une planète inconnue, penser aux prochaines explorations pendant la récréation… Et ce n’est pas toujours facile de les convaincre de l’intérêt de l’apprentissage. Car ces petits sont très intelligents et ont réponse à tout. Bref. Voyant que nous n’arrivions pas à accompagner paisiblement notre fille sur son tout jeune chemin scolaire et que les babysitters ne trouvaient pas non plus la clef, j’ai demandé conseil à une psychologue pour enfant. Une fois qu’on a officiellement validé qu’on lui collait beaucoup trop de pression sans en avoir l’air « mais non mon amour, on s’en fiche des notes, ça n’est pas ça qui compte… MAIS TU PEUX ME MONTRER TON CAHIER QUE JE VÉRIFIE SI T’AS BIEN MIS LES S AUX NOMS PLURIELS ???? », la psy a eu une idée de génie. Elle nous a proposé de motiver notre enfant. Moi dubitative : « genre avec un cadeau… ou de l’argent ? ». Elle : « euh non pas du tout, surtout rien de matériel, l’idée est de fixer un objectif atteignable – être plus attentive en classe, bien noter ses devoirs dans son cahier de textes – et à chaque fois que vous voyez qu’elle a fait un effort, vous lui remettez un jeton. Ou un autocollant, peu importe, ce n’est pas l’objet qui compte. Au bout d’un certain nombre – 5, 10, 15 à vous de voir – vous vous engagez à vivre un moment spécial avec elle. Comme la laisser décider du menu d’un repas que vous allez partager tous ensemble. Ou déjeuner avec elle un jour où elle devait aller à la cantine. Ou l’accompagner à la piscine. » Vous me suivez toujours ? Je ne vous ai pas perdu en vol ? Les yeux de ma gosse se sont mis à briller à l’idée de coller sa mère dans un bassin glacé en plein hiver. La stratégie de la psy s’est révélée archi efficace. Elle a gagné tous ses jetons. Et est arrivée un soir, hilare, avec un 10/10 en dictée en déclarant « on va aller ensemble à la pisciiiiiiiiine ! ».

Photographies Lili Barbery-Coulon.
Le bassin d’été en haut, le bassin d’hiver en bas à Molitor

J’aurais du me réjouir. J’ai cependant immédiatement pensé aux verrues que je risquais de me choper en prenant ma douche, aux cheveux et autres poils agglutinés dans le coin du vestiaire, aux coups de palme que j’allais me prendre dans la tronche en voulant faire une longueur, aux pervers qui matent les filles sous l’eau et qui croient qu’on ne les voit pas raser la surface comme des requins… Et c’est là que j’ai eu une idée de… connasse. Si vous me connaissez, vous savez qu’il n’y a rien de dramatique dans cette formule (j’utilise bien #instapute en guise de légende sous certains clichés Instagram). Je me suis dit : Et si, au lieu de péroxyder mes pointes dans une piscine municipale, j’en profitais pour enfin aller à Molitor, le fameux bassin mythique inauguré en 1929, laissé à l’abandon puis rouvert sous la forme d’un hotel-spa en 2014  ? Evidemment l’enfant se serait parfaitement contentée de la piscine Paul Valeyre. Il n’y a que moi dans cette famille qui ait des goûts de luxe pareils (et heureusement). Tant pis, j’assume.

Photographie Lili Barbery-Coulon.
La partie hôtel de Molitor

Du coup, j’ai décidé de faire d’une pierre deux coups et de tester la formule Wellness du Spa Clarins : une séance de coaching individuel dans la salle de fitness, un massage et un rendez-vous d’une heure avec un naturopathe (avec accès aux deux bassins et au hammam bien évidemment). Le naturopathe n’était pas disponible aux dates où je pouvais être là, du coup, j’ai eu droit à un massage un peu plus long avec Christelle, la responsable des soins du spa. Le genre de personne lumineuse, formée à mille techniques, dont on sent qu’elle sait précisément ce qu’elle fait et où elle va pendant tout le massage. Je suis ressortie de la cabine parfumée à l’Eau Dynamisante, la tête dans les étoiles, le corps en apesanteur, prête à retrouver ma famille avec le sourire.

Photographies Lili Barbery-Coulon. Le spa Clarins et la salle Fitness de la « Piscine Molitor »

Le dimanche, le restaurant se transforme en buffet gargantuesque à l’heure du brunch. La formule du Royal Monceau a visiblement beaucoup inspiré car je ne cesse de recevoir des communiqués de presse au sujet des brunchs avec activités pour enfants. Ici, on paie un forfait par adulte (même genre de tarifs que dans un palace) et on a alors accès à une coupe de champagne, une boisson chaude, du jus de fruit à volonté et des supers buffets en libre service : huitres, fruits de mer, comptoirs à pancakes, crêpes, viennoiseries, plateau de fromage, plats chauds asiatiques, sashimis, ainsi que des laitages et de la charcuterie. Une fois que les enfants ont fini leur repas, ils sont invités à rejoindre une animatrice dans une salle immense au sous-sol avec bonbons, coloriage OMY, activités manuelles et crêpes au chocolat. Pendant ce temps là, les adultes roucoulent. Et c’est le moment d’observer avec attention les habitués qui vivent dans le quartier. Très différents des bourgeois du 7e (pas de pantalon en velours côtelé couleur moutarde ou corail pour les hommes ni de carré Hermès au cou des femmes), les privilégiés du 16e ont leurs spécificités : souvent un petit chien habillé en laisse et une tendance au jeunisme dans l’allure vestimentaire. Et dans le 15e, c’est encore bien différent. Je pourrais dresser une cartographie du look selon les arrondissements…

Photographies Lili Barbery-Coulon. Les buffets du brunch en haut, l’espace réservé aux enfants en bas

Si la déco des espaces intérieurs n’est pas vraiment à mon goût et que je ne suis pas sensible aux œuvres d’art accrochées dans les espaces communs de l’hôtel, les deux bassins continuent à exercer leur pouvoir d’attraction légendaire. Le bassin d’été, chauffé à longueur d’année, est spectaculaire. En ce moment, le roof top est fermé mais on pourra à nouveau en profiter aux beaux jours. Quant au bassin historique abrité d’une verrière vertigineuse, il accueille les vrais nageurs comme les familles (énormément de jeunes couples avec bébés) et il est si grand (33 mètres tout de même) qu’on a peu de chance de s’y sentir à l’étroit. Après la baignade, la plupart des clients se rendent au Hammam au sous-sol. Et cette sensation de moiteur tropicale en février, ça n’a pas de prix. Bref, en l’espace de 24h, j’ai eu l’impression de partir une semaine entière en vacances. J’ai adoré me promener en peignoir et chaussons dans les couloirs de l’hôtel, zoner au bord de la piscine et m’extasier sur tous les cinglés qui nageaient la brasse coulée dehors (il paraît qu’il suffit d’avoir le courage de se déshabiller pour apprécier les 28 degrés aquatiques). Ma petite séance de coaching m’a déculpabilisée au moment du brunch. Et on est tous reparti enchantés. D’autant qu’en sortant, on a découvert les Serres d’Auteuil qui ont fini de nous dépayser. Un weekend parfait…

Photographies Lili Barbery-Coulon

Massage d’1h avec Christelle 150€. Si vous n’êtes intéressés que par l’accès aux bassins, la journée est à 150€ en basse saison. Autre option : passer la nuit là bas pour profiter des piscines jusqu’au bout de la nuit. 250€ la nuit en chambre double pour deux adultes. Sinon le brunch adulte + accès piscine est à 135€ par adulte, 75€ sans l’accès aux piscines. 30€ le brunch pour les moins de 6 ans, 60€ pour les 6-12 ans. Molitor, 13 rue Nungesser et Coli, Paris 16e, Tel : 01 56 07 08 50.