Trasierra en Andalousie
Photographie Lili Barbery-Coulon

Trasierra en Andalousie

Trasierra en Andalousie

On quitte la Costa Del Sol où je vous présentais hier le Marbella Club Hotel pour un endroit complètement différent dans la Sierra Norte, un parc national à une heure de Séville. Pour s’y rendre, on a pris le train à la gare de Malaga, traversé des paysages de terre battue et des champs de mandariniers, des sommets rocheux et des points d’eau émeraude. Un chauffeur nous y attendait avec une pancarte à mon nom. Comme dans toutes les villes, les bâtiments autour de la gare assombrissent l’humeur pourtant joyeuse de cette gemme andalouse. Ma fille était bien triste d’avoir quitté la mer, la piscine chauffée et le kids club de Marbella. Sa première impression de Séville lui a collé le cafard. Pourtant, au bout de trente minutes de route, les constructions disparaissent. A chaque tournant, le sol prend du relief et les champs cultivés s’éclipsent au profit de parcelles sauvages où les genêts s’emmêlent avec les coquelicots.

Photographies Lili Barbery-Coulon.
La végétation autour de Trasierra

Je ne savais pas exactement où notre chauffeur nous conduisait. Je n’avais même pas vérifié sur une carte. Je me doutais que notre nouvel hôtel serait moins confortable que le standing cinq étoiles du Marbella Club Hotel. C’est mon amie Fanny Boucher qui m’avait recommandé cet endroit perdu dans la campagne andalouse : « Si tu vas dans le Sud de l’Espagne, va chez Trasierra, tu vas adorer. Je n’y suis jamais allée mais ça a l’air dingue ». Il y a des gens au goût sûr qu’on suivrait les yeux fermés. J’ai à peine regardé la galerie de photos sur leur site avant de réserver. Je me doutais que ça allait me plaire. J’étais bien en dessous de la réalité. Cette maison ne s’est pas contentée de me plaire, elle m’a réanimée.

Photographies Lili barbery-coulon. On entre dans sa chambre par l’extérieur à Trasierra

Alors que nous roulions depuis plus d’une heure et que les chansons à la radio ne suffisaient plus à distraire l’impatience de ma fille, le chauffeur a quitté l’autoroute pour un petit chemin de terre. Il faut être allé au moins une fois à Trasierra pour ne pas se tromper car rien n’indique le lieu sur la route. D’immenses pots en terre étaient posés sur le chemin. J’ai appris plus tard que ces récipients servent à la transformation des olives au moment des récoltes. Un dernier virage et un couple avec deux chiens se tenaient debout devant l’immense porte en bois, prêts à nous accueillir. Ils étaient si beaux qu’on aurait cru un shooting pour Vanity Fair. D’un côté, Joao, un Portugais au français impeccable, les yeux piscine et le teint mat. De l’autre, Stéphanie, sa femme, une française aux longs cheveux blonds et au sourire éclatant, tentant de réfréner les ardeurs de la petite chienne Mafalda, si heureuse de saluer de nouveaux visiteurs. Encore dans la voiture, j’ai dit à ma fille : « je sens qu’on va être bien ici ! ».

Photographies Lili barbery-coulon.
En haut, la maison privée des propriétaires 

Une fois l’immense porte en bois franchi, nous avons découvert une maison extraordinaire. Mais Trasierra est-elle une maison ? Ne serait-ce pas plutôt un village ? Joao et Stéphanie nous ont raconté l’histoire du lieu qui ne leur appartient pas mais dont ils s’occupent avec beaucoup d’affection depuis juillet 2015. Il y a trente ans, une décoratrice anglaise, Charlotte Scott, plaquait tout pour acheter cette propriété en ruines. Les photos qu’elle a gardées du lieu avant les travaux et que les clients de l’hôtel peuvent feuilleter dans un album à disposition illustrent l’acharnement dont Charlotte et son mari ont du faire preuve pour mener leur projet à bien. Beaucoup se seraient découragés devant l’ampleur de la tâche. Ils ont tenu bon. Et on sent combien cette femme a mis d’elle-même dans chaque centimètre carré, combien elle continue à chérir ces murs d’un amour inconditionnel comme s’il s’agissait d’un de ses propres enfants.

Photographies Lili barbery-coulon.
Notre chambre et notre salle de bain

Si vous aimez l’hyper confort, les piscines chauffées à 30 degrés, les télévisions grand écran et le wifi haut débit en toute circonstance, surtout, ne venez pas à Trasierra ! Cet endroit n’est pas pour vous. Pas de room service ni de mini bar. Pas de coach pour les handicapés du sport comme moi ni de jet bouillonnant dans la baignoire. Et pourtant, cet espace est un concentré de ce qui me semble être le luxe véritable. Un lieu qui vous donne la sensation que cette maison est la votre, le temps de votre séjour. Pas de clé pour entrer dans sa chambre ni de carte électronique. Personne ne ferme sa porte (il y a cependant un verrou à l’intérieur pour empêcher les chiens d’entrer si vous y êtes allergique). Aucun membre de la famille des propriétaires n’était là pendant ces deux jours, j’aurais adoré les rencontrer. J’avais pourtant l’impression de les connaître tant le lieu transpire leur âme lumineuse.

Photographies Lili barbery-coulon

Les dix-neuf chambres, toutes différentes, sont réparties dans des bâtiments qui ressemblent à un petit village. La maison la plus imposante est celle des propriétaires. On ne peut y dormir que lorsque toutes les autres chambres sont occupées. Nous avons découvert la notre avec des grands « aaaaahhhh » et autres « ooooohhhh » de ma fille. Une pièce magnifique toute blanche qui sentait le jasmin frais et la fleur d’oranger. Sur le bureau, un kit de correspondance donne envie d’écrire à ceux qu’on aime. Dans la salle de bain, du savon espagnol et des détails soignés invitent à buller dans sa baignoire éclairée par la lumière naturelle. A l’extérieur, on déambule dans les marches en pierre, d’un jardin à l’autre. Une folie de fleurs fait tournoyer les abeilles et les têtes. Le parfum de la glycine est si puissant en ce moment qu’il colonise les effluves d’agrumes, de lavande et de jasmin rose. Les iris se dressent fièrement derrière les rosiers. Il y a de quoi mettre en transe n’importe quel adepte du Chelsea Flower Show qui se tient à Londres chaque année. Une merveille où l’on aimerait se marier, fêter des anniversaires jusqu’à l’aube ou dîner à la bougie avec ses meilleurs amis.

Photographies Lili barbery-coulon. La piscine n’est pas chauffée, elle était trop fraiche pour moi, même si ma fille a fini par me mettre à l’eau…

« Mais où est la piscine » a demandé ma fille, obnubilée par la baignade. Avant même que Joao nous mène sur la terrasse principale, la petite chienne Mafalda se hissait dans l’escalier pour nous guider vers le bassin. La vue y est spectaculaire : on aperçoit le verger de bigaradiers avec lesquels le cuisinier prépare la marmelade amère du petit-déjeuner, la forêt d’oliviers et de châtaigniers, les balades interminables dans la montagne. La propriété est si grande qu’il est difficile d’en dessiner les contours avec les yeux. Il était presque 16h lorsque nous sommes arrivés. L’heure du goûter offert à tous les clients. Dans une salle à manger qui donne sur la piscine, un bar attend les visiteurs avec de la citronnade, du thé, du café, un gâteau maison et des galettes au cumin. On se sert comme si on était chez nous et si on veut se servir d’un alcool fort, d’un jus de fruits ou d’une boisson dans le frigo, on le note sur un petit carnet. Ils appellent ça un « honesty bar », une idée charmante qui montre le degré de confiance que les propriétaires souhaitent établir avec leur clientèle. Dans le grand salon vert, on peut emprunter des romans ou essayer de deviner quel membre de la famille est représenté sur les immenses portraits peints accrochés aux murs.

Photographies Lili barbery-coulon. La grande salle à manger devant la piscine. L’assiette que je me suis concoctée à l’heure du déjeuner

Le soir, on vous demandera où vous souhaitez diner. A l’extérieur sur une terrasse ou bien dans le grand salon s’il fait encore trop frais? A vous de choisir : on vous le répète sans cesse qu’après tout « vous êtes ici chez vous ». Au menu du déjeuner, un buffet de salades, de tortillas, de brochettes de viande grillée et de fruits frais est préparé à l’attention de ceux qui sont en pension complète. Pour dîner, une entrée à base de légumes du jardin ou issus des fermes bio aux alentours (betteraves caramélisées à la burrata à la roquette et aux amandes grillées, soupe de courges mures à la graine de sésame), une viande ou un poisson grillés en guise de plat principal et un dessert à base de fruits de saison. Le tout bio bien sûr et accompagné de vin si on le souhaite. L’apéritif est compris comme le petit-déjeuner avec le prix de la nuitée : un bon moyen de rencontrer les autres clients de passage autour d’un verre de blanc sec et de quelques piments doux marinés.

Photographies Lili barbery-coulon

La nuit, on se blottit sous les draps en lin et les édredons ultra légers en écoutant les oiseaux se mettre au nid. Le silence de la campagne remplit brusquement la pièce. Le wifi ne passe pas dans les chambres et il n’y a pas de télévision. On a donc toute sa concentration disponible pour dévorer les bouquins qu’on se promet de lire depuis des mois. Parmi mes lectures de la semaine, j’ai englouti Mémoire de Fille d’Annie Ernaux, offert par mon amie la journaliste et écrivain Vanessa Schneider (dont je vous recommande vivement les romans).

Photographies Lili barbery-coulon

Vers 8h30, alors que les chiens baillent au coin de la cheminée du grand salon, on s’affaire à préparer la table du petit-déjeuner servi dans une autre partie de la maison. Tout ce qui est servi, ou presque, y est préparé dans la maison. Les yaourts qui m’ont donné envie de me remettre au lait de vache, le granola, les confitures… On ne trouve pas de viennoiserie mais un pain délicieux, des œufs pochés et du bacon servis à la demande, des fruits frais découpés avec soin, du jus d’orange pressé et pléthore de laits végétaux pour les relous de mon espèce. On s’installe autour d’une table ronde au centre de laquelle est installé un chauffage dont les Anglais raffolent parce qu’il fait l’effet de quatre chats qui ronronnaient contre vos jambes.

Photographies Lili barbery-coulon

Dans la journée, si on n’a pas de voiture, comme nous (enfin moi je n’ai pas mon permis, ce qui est un autre problème), on peut réserver un taxi pour visiter le village voisin. Mais surtout, profitez de l’absence de programme établi pour vous promener autour de la maison. La famille a établi plusieurs chemins de balade avec des rubans de couleur accrochés dans les arbres. Ma fille, qui a d’habitude horreur de marcher, a tellement aimé se promener dans cette nature sauvage qu’elle a réclamé d’aller crapahuter sans relâche. La petite chienne Mafalda a fait fuir deux sangliers sur notre chemin, puis des dizaines de moutons qu’on aurait voulu caresser, nous protégeant contre tout ce qu’elle considérait dangereux. On s’est régalé des senteurs pendant nos marches, des vues sur la vallée et des rencontres étonnantes avec des insectes gigantesques. Ne rien faire. Marcher. Manger du bon. Lire. Faire des bouquets de fleurs sauvages. Regarder la glycine faner et le temps qui s’étire. Voilà ce qu’on a fait pendant deux jours. J’aurais voulu y passer trois ans.

Photographies Lili barbery-coulon.
Les galettes Ines Rosales au goûter et les petites robes pour enfants dénichés par Charlotte Scott et vendues à la boutique de l’hôtel

On a du chagrin quand on quitte Trasierra. On n’a plus qu’un seul but : y retourner et convertir d’autres amis pour qu’ils découvrent à leur tour ce trésor. J’espère que mon texte vous donnera envie de vous y rendre. C’est plus qu’un coup de cœur, c’est une déclaration. Sachez aussi qu’il est possible d’y organiser des retraites de yoga ou de danse (la maison dispose d’une grande salle avec miroirs et matelas adéquats), ou de privatiser le lieu pour y organiser une fête. Il paraît qu’on y célèbre beaucoup de quadras et de quinquas…

Photographies Lili barbery-coulon

Dans mon prochain post, je vous montrerai toutes les idées déco à piquer à Charlotte Scott. De quoi alimenter vos boards Pinterest, c’est promis…

Photographie Jeanne Coulon

De 120 à 250€ la nuit en basse saison, de 200 à 330 euros en haute saison, petit-déjeuner et apéro compris. Le déjeuner est à 30€ par personne, le diner coûte 50€ par tête mais les tarifs sont dégressifs en pension complète (gratuit pour les bébés, tarif réduit de moitié pour les enfants). Transfert de l’aéroport ou la gare de Séville, 130€ l’aller avec un chauffeur privé. Trasierra, Cazalla de la Sierra, 41370 Sevilla, Espagne. Tel : +34 609 550 600. [email protected] 

Voici le genre de « stories » que je publie sur Snapchat (@lilibarbery). Celle-ci démarre au moment où on arrive à Trasierra…