Le plus beau jour…

Le plus beau jour…

Le plus beau jour…

Dimanche, une de mes amies a partagé un article sur Facebook qui continue de résonner en moi, 48h après la première lecture. J’en ai même rêvé cette nuit. C’est une raison suffisante pour vous parler de ce qui m’interroge depuis. Il s’agit d’un texte écrit par Marie-Hélène Lahaye qui se présente comme une « féministe aux points de vue libertaire, émancipateur et profondément ancré dans l’écologie politique » et qui tient le blog Marie Accouche Là sur lemonde.fr sur « les explorations politiques et féministes autour de la naissance ».

Ce post intitulé « les mensonges de la péridurale » est passionnant. Et essentiel à lire, qu’on ait déjà accouché ou non, afin de faire les bons choix au moment opportun. Pas juste pour savoir si on veut ou non une péridurale lorsqu’on enfantera. Mais pour résister à tout type de pression exercée sur les femmes dans cette situation. En particulier les primipares (celles qui accouchent pour la première fois) à qui on s’adresse comme à des débiles mentales, souvent à la troisième personne. Mais bon, cette objectivation n’est pas réservée à celles qui accouchent. Le milieu hospitalier, public ou privé, est tellement déshumanisé qu’on a souvent l’impression de ne pas exister lorsqu’on devient patient.

Autour de moi, je connais quelques femmes qui ont vécu l’accouchement de leur rêve. Pas comme dans les séries télé où le bébé sort tout propre dans un grand cri de joie (faut pas exagérer quand même) mais un moment extraordinaire où elles ont été pleinement présentes. Certaines issues de ce petit groupe ont eu une péridurale bien dosée et choisie, posée au bon moment, et ont été parfaitement accompagnées jusqu’à l’expulsion de leur nouveau-né. D’autres ont décidé de ne pas avoir de péridurale et se sont préparées en conséquence avec des tas de méthodes (haptonomie, sophrologie, yoga prénatal, acuponcture) et font vraiment envie quand elles vous racontent ces instants. D’autant qu’en général, elles ont eu d’autres enfants avant et qu’elles ont donc plusieurs points de comparaison. Evidemment, elles ont souffert. Mais elles se sont senties libres du début à la fin, encore une fois, respectées dans leur choix et pleinement présentes à elles-mêmes. Et puis, pour être allée les visiter le soir même ou le lendemain de leur accouchement, elles n’avaient pas la même tête ni la même énergie que les anesthésiées.

Je suis tellement conditionnée à l’idée que la péridurale est une révolution positive pour les femmes, voire un outil de leur libération que je n’ai jamais remis en question cette méthode. D’ailleurs, avant d’accoucher, quand une fille me disait qu’elle ne comptait pas avoir de péridurale, j’étais convaincue qu’elle était masochiste et/ou complètement folle. Lorsque j’ai été enceinte, la question ne m’a quasiment jamais été posée : le corps médical m’a présenté l’anesthésie comme la panacée et celles qui n’en voulaient pas étaient, d’après eux « bonnes pour Sainte Anne ». A aucun moment, je n’ai été préparée à la souffrance. Tout juste m’a-t-on appris à souffler comme un chiot. J’ai appris bien plus sur l’accouchement grâce à la fabuleuse personne qui m’a accompagnée en haptonomie qu’à la maternité privée que j’avais choisie.

La plupart des mes amies ont souffert quand elles ont accouché. Soit parce qu’on n’a pas eu le temps de leur poser une péridurale, soit parce qu’elle n’a pas fonctionné, soit parce qu’elle a marché uniquement sur les membres inférieures et pas au niveau du dos, soit parce qu’elles n’ont rien senti et n’ont pas pu aidé leur bébé à sortir (qui a du être attrapé aux forceps), soit parce qu’on leur a posé une péridurale trop tôt et qu’elle n’a plus eu aucun effet au moment de l’expulsion, soit parce que la péridurale a tellement ralenti le travail qu’au bout de 30 heures, on a décidé de les césariser d’urgence.

Promettre aux femmes un accouchement sans douleur est une énorme connerie. C’est comme lancer un débutant à ski en haut d’un slalom olympique en lui disant « t’inquiètes, il y a des matelas sur les côtés, si tu tombes, tu ne te feras pas mal ». Résultat : la plupart d’entre nous arrivons mal préparées à l’hôpital. Et sans idée précise de ce qu’on veut. Lisez ce qu’elle dit sur la position allongée qui est la plus douloureuse pendant les contractions et la moins pratique pour expulser un nourrisson. Lisez aussi ce qu’elle dit au sujet de l’organisation des services de la maternité qui peuvent avoir la paix pendant quelques heures avec une femme sous anesthésie plutôt qu’une autre à surveiller comme du lait sur le feu.

Je ne suis pas pour la souffrance et je me réjouis d’être dans un pays où la mortalité des femmes comme des bébés a été massivement réduite en un siècle grâce aux avancées médicales. Et je suis certaine que les intentions du corps médical sont la plupart du temps les meilleures. J’ai accouché il y a presque 8 ans et je n’en garde pas un bon souvenir. Je ne parle évidemment que de l’acte en lui même, pas de la rencontre avec mon bébé. Pourtant, si on interrogeait mon obstétricien il dirait qu’il s’agissait d’un accouchement parfait : une césarienne réglée en 1h30 montre en main, un bébé et une mère en bonne santé, une « magnifique » cicatrice. Moi j’ai vécu tout ça comme un vol. D’autant qu’il n’y avait aucune raison médicale pour que je sois césarisée. J’ai bien tenté de m’opposer à cette décision, j’ai dit et redit que je voulais accoucher par voie basse, la sage-femme qui était présente n’y voyait aucun inconvénient… Mais c’était la nuit, fallait pas que ça s’éternise et on m’a présenté les choses sous un angle si effrayant que j’ai laissé mon gynéco décider pour moi. Et puis, après, il a fallu que je fasse bonne figure et que je dise merci au Docteur qui ne comprenait pas pourquoi j’étais déprimée. D’ailleurs, ce que je raconte ici est d’une banalité absolue, vous pouvez aller lire le texte de Marie-Hélène Lahaye au sujet de la césarienne, c’est édifiant !

La libération des femmes est loin d’être une affaire réglée. On le sait mais on a tendance à oublier qu’il n’est pas normal que leur parole soit si méprisée dans un moment pareil. Que celles qui hurlent pour avoir une péridurale ne soient pas entendues. Que celles qui réclament de ne pas en avoir soient autant méprisées. Que celles qui peuvent éviter d’être césarisées ne le soient pas. Et qu’on écoute aussi celles qui exigent une césarienne et qui ne doivent pas être traitées comme de vilains cancres au fond de la classe. La parole doit être écoutée et accompagnée.

Ce post surprend sans doute ceux qui sont habitués à me voir seulement comme la reine du petit-déjeuner et des produits de beauté. Mais quand j’ai lu ces articles, je me suis dit que je devais les partager à mon tour avec vous, afin que vous soyez mieux informés et que celles qui sont enceintes ou ont le projet d’avoir un enfant puissent se renseigner sur les différentes options proposées dans les maternités, publiques ou privées.

Et vous, quel est votre avis sur ces textes ?