Les « petites connes » d’Iris de Moüy
Photographie Lili Barbery-Coulon

Les « petites connes » d’Iris de Moüy

Les « petites connes » d’Iris de Moüy

Je n’ai pas réussi à publier sur le blog cette semaine. J’ai pourtant plein de jolies choses à partager avec vous mais j’ai cruellement manqué de temps. Il faut dire que l’organisation de mon calendrier de l’avent sur Instagram est chronophage. Et réjouissante ! Merci pour vos encouragements et vos nombreuses participations, cela me touche infiniment. Aujourd’hui, d’ailleurs, j’ai mis en jeu le catalogue « Some Girls Dance » issu de l’exposition Petite Conne d’Iris de Moüy qui se tient jusqu’à la fin du mois de décembre 2016 à la librairie 0fr. Cet objet imprimé sur un très beau papier dans un format de 27 x 37cm est édité à seulement 150 exemplaires. Ce n’est pas une simple revue, c’est une œuvre à part entière, rare et d’autant plus précieuse.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Voici les grandes affiches dont je vous parle ci dessous

J’adore le travail d’Iris de Moüy. Depuis longtemps. Vous connaissez probablement déjà ses dessins puisqu’elle écrit et illustre des livres pour enfants (édités par la très jolie maison L’Ecole des Loisirs). Vous avez peut-être vu ses dessins sur des pochettes chez L’Occitane, dans les rayons des boutiques Bonpoint, sur des tablettes du Chocolat des Français, au Bon Marché, chez Hermès ou sur des affiches publicitaires de grandes marques. En 2015, cette Parisienne diplômée de l’école d’arts graphiques Penninghen a eu la chance de passer quelques mois à Kyoto en tant qu’artiste résidente à la Villa Kujoyama. Lorsqu’elle était au Japon, j’ai suivi avec attention son compte Instagram – que j’adore par ailleurs – et j’ai eu l’impression d’assister à une métamorphose subtile de son travail. Le trait semblait devenir essentiel. Le pinceau déterminé à se contenter de peu pour transmettre une émotion juste. Est-ce le filtre du Japon qui m’a conduit à voir ce qui existait déjà dans son geste ou bien est-ce son œuvre qui s’est nourrie de ce pays ? Plutôt que d’imposer ma vision, j’ai préféré l’interviewer et partager ses réponses avec vous. Allez voir cette exposition baptisée Petite Conne. Le titre est prometteur. Les dessins qui y sont exposés sont sublimes. Je rêve de m’en offrir un qui vaut 700 euros. Mais il y a aussi de grandes affiches à vendre, plus abordables (120€), sérigraphiées de manière artisanale par un imprimeur qu’Iris affectionne. Regardez bien ces filles qui dansent, ces femmes qui fument et se déculottent. Regardez comme elles ont besoin les unes des autres pour avancer, réussir et grandir. Regardez les jouer et faire des figures acrobatiques. Vous verrez que derrière l’apparente naïveté de leurs visages, il y a un manifeste féministe…

Photographie Lili Barbery-Coulon. L’un des murs de la Galerie 0fr où sont affichés les dessins d’Iris de Moüy à l’occasion de son exposition Petite Conne

Raconte moi comment est née l’exposition Petite Conne ?
Iris de Moüy : C’est Alexandre Thumerelle (NDLR : co-fondateur avec sa sœur Marie de la librairie et galerie atypique 0fr) qui m’a proposé de travailler sur une exposition pour sa galerie. On se connaît depuis très longtemps, j’avais un atelier situé à côté de sa première librairie. Il ne m’a pas donné de thème, il m’a laissé beaucoup d’espace et ça correspondait à un moment où j’avais envie de faire évoluer mon travail, de livrer quelque chose de plus personnel.

Qui sont ces filles ?
Iris de Moüy : Dans tous mes projets, dans mes livres pour enfants, dans mes romans, j’essaie de faire passer une autre image de la femme. Une image qui m’inspire et me touche. C’est assez léger et je ne me prends pas au sérieux, ce qui ne m’empêche pas d’être très déterminée, profondément féministe. J’essaie d’être une femme forte qui s’affirme dans son travail et dans la manière dont je les représente dans mes dessins. Elles sont parfois hystériques ou folles. Dans tous les cas, elles n’obéissent pas à l’injonction d’être lisses. Ca n’implique pas forcément de l’agressivité, du sexe, du vagin. J’ai une manière plus tempérée de les représenter et j’ai aussi ce désir qu’une femme peut s’autoriser à être puérile. On n’est pas obligé d’avoir des énormes seins, un corps hyper sexy pour être une femme. Il y a beaucoup de femmes qui souhaitent faire preuve de solidarité les unes avec les autres. Je les trouve drôles et courageuses.

Photographie Lili Barbery-Coulon, exposition Petite Conne d’Iris de Moüy

Pourquoi ce titre ?
Iris de Moüy : C’est une gentille provocation. Une impertinence dépeinte dans les films d’Eric Rohmer. On attaque constamment nos capacités intellectuelles, on gère ce que les hommes plus libres nous laissent. Il y a beaucoup de femmes qui ont envie de liberté, qui ont envie d’être un peu « fofolles »… Je suis déterminée dans mon féminisme et je peux me fâcher très fort à un dîner pour défendre mes convictions. Il ne faut pas oublier que les femmes n’ont toujours pas la liberté de s’asseoir jambes écartées sans que cette posture soit immédiatement connotée à leur sexualité.

Comment as-tu créé cette bande de filles ?
Iris de Moüy : J’ai fait des milliers de dessins. J’ai bossé nuit et jour. Je travaille par terre, à la Japonaise. J’ai claqué cinquante ramettes de papier pour rien. Mes dessins ne prennent pas énormément de temps à faire. Ce qui est long c’est de trouver ce qu’on cherche. Et puis, d’un seul coup, ça vient et tout sort. J’ai dessiné puis j’ai fait une sélection. Je n’ai pas forcément gardé les dessins les plus habiles. J’aime beaucoup l’habileté chez certains dessinateurs. Mais ce n’est pas là où je m’aime. Au contraire, je fuis le contrôle.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Exposition Petite Conne d’Iris de Moüy

Tu parlais de Japon, j’ai l’impression que ton passage à Kyoto a beaucoup fait évoluer ton travail, comme si ton geste était devenu essentiel, je me trompe ?
Iris de Moüy : Mon expérience au Japon m’a fait l’effet d’un grand bain de fraîcheur. J’ai eu la chance d’être lauréate de la Villa Kujoyama. Je suis restée quatre mois dont deux sans enfant ni mari, ce qui arrive très rarement dans la vie d’une femme. Se retrouver seule dans un pays qu’on ne connaît pas, avec une langue qu’on ne maitrise pas, alors que je n’avais jamais été séparée de mes enfants aussi longtemps m’est apparue être une chance inouïe. Je mentirais si je disais que j’ai été une fille ultra courageuse qui est arrivée immédiatement à profiter pleinement de cette liberté. Mais retrouver une autonomie complète à 40 ans a élargi mes possibilités. Je me suis beaucoup remise en question. Sur le plan artistique, j’ai rencontré des gens très intéressants, j’ai bossé avec des Japonais de manière infiltrée. J’ai aussi été en contact avec des familles d’expatriés qui font le tour du monde, des aventuriers qui m’ont sorti des préoccupations bourgeoises Parisiennes. Quant à l’évolution de mon dessin, tu l’analyses mieux que moi. Quand j’étais à l’école Penninghen, je prenais déjà des pipettes d’encre et je dessinais déjà comme je le fais aujourd’hui. D’ailleurs, ça ne plaisait pas du tout mais j’ai tenu bon. On ne peut pas essayer d’être une autre personne. Au début, comme il faut trouver du travail, on se plie en quatre pour arriver à plaire. Je ne l’ai pas vécu comme une souffrance, j’avais envie de bosser. Et puis au fil du temps, on s’affirme.

Parle moi du catalogue que je fais gagner aujourd’hui sur Instagram
Iris de Moüy : Je l’ai réalisé en quelques jours, c’est la première fois de toute ma vie que je me fais plaisir de A à Z. C’est le projet manufacturé le plus personnel de cette exposition. J’ai choisi le minimalisme sur chaque page, j’ai fait exactement ce que je voulais. Je travaille beaucoup dans la contrainte pour des marques ou dans un cadre qu’elles ont défini. Ce catalogue, le choix du noir et du blanc, l’épaisseur du papier, le placement des dessins sur chaque double page, tout m’appartient. C’est d’ailleurs un objet que je compte garder et montrer comme un exemple de ce que je suis capable de faire, hors cadre.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Un dessin d’Iris de Moüy

L’exposition Petite Conne d’Iris de Moüy se tient à la Librairie-Galerie 0fr jusqu’au 31 décembre 2016, 20 rue Dupetit-Thouars, Paris 3e. Pour gagner ce catalogue dont vous encadrerez peut-être certains dessins, il suffit de me suivre sur Instagram, puis de regrammer la photo (il suffit d’en faire une capture d’écran sur votre téléphone puis de la poster comme si vous l’aviez faite) avec la mention (attention si vous avez un compte privé et que je ne suis pas abonnée à votre compte, je ne peux pas voir votre participation) : @lilibarbery x @irisdemouy x @ofrparis #lecalendrierdelili

Les résultats seront publiés demain sur Instagram, sous la photo du concours, à 10h du matin.