To Barbie or not to Barbie
Photographie Lili Barbery-Coulon

To Barbie or not to Barbie

To Barbie or not to Barbie

Lorsque j’étais petite, les parents de mes copines semblaient se diviser en deux catégories : ceux qui s’opposaient fermement aux Barbies et n’autorisaient pas leurs filles à en avoir. Et les autres. Mes parents faisaient partie du deuxième groupe. Je doute qu’ils se réjouissaient de voir leur fille se passionner pour une blonde aux jambes kilométriques versus la passion de mon grand frère pour les maquettes archi élaborées et la lecture de grands auteurs. Mais une chose est certaine : ces poupées leur ont offert de longues heures de tranquillité. J’étais folle de mes Barbies. Je passais un temps fou à leur coudre des habits avec des morceaux de tissu, à leur couper les cheveux, à leur fabriquer une maison, à recompter leurs bagues en faux diamant qu’on leur plantait au milieu de la main. J’en avais plus d’une vingtaine, une voiture, une salle de gym rose et un camping car, ce qui constituait un trésor dans les années 1980 et j’ai eu beaucoup de chagrin lorsqu’il a fallu se résoudre à arrêter d’y jouer quand l’adolescence est arrivée. Un peu comme le héro de Toy Story qui accepte de grandir en offrant Woody et Buzz à un enfant plus petit que lui.

Barbie astronaute, 1965

Cependant, je comprends les raisons qui poussent les parents à éloigner ces créatures de l’univers de leur enfant. J’entends leurs arguments féministes. Barbie est blonde. Elle a l’air con avec son sourire Ultra Bright et ses yeux trop maquillés. Elle a une silhouette qui ne ressemble pas à celle des femmes qu’on croise dans la rue. Qui sait, elle a peut-être même planté dans mon cerveau la mauvaise graine qui a servi plus tard à me disputer avec mon corps ? Je ne peux pas répondre à cette question. J’ai néanmoins adoré ce jouet et j’ai eu un plaisir fou à emmener ma fille voir l’exposition qui lui est consacrée au Musée des Arts Décoratifs.

1985! On pouvait changer cette femme d’affaires en reine de la night, c’était magique! Evidemment, je l’avais

Première surprise : je me suis aperçue que je ne connaissais rien des origines de cette poupée imaginée par Ruth Handler (co-fondatrice de Mattel) pour sa fille Barbara en 1959. A l’époque les poupées ressemblent à des bébés ou des petites filles, pas à des adultes avec des seins. Je ne savais pas non plus que Barbie avait eu une carrière aussi flamboyante. En parcourant les salles de l’exposition, on découvre une avalanche de modèles oubliés : astronaute, paléontologue, chirurgien, femme d’affaires, vétérinaire, dentiste… Il y a même une poupée qui date de 2000, candidate aux élections présidentielles. Plusieurs séquences de l’expo sont dédiées aux Barbie habillées par des créateurs. C’est amusant d’observer combien la silhouette Burberry a évolué en quinze ans. On entend les visiteurs qui jouent à retrouver le nom des marques derrière les looks qui défilent sous leurs yeux. La scénographie est maligne car elle nous montre aussi les correspondances entre les tenues de la poupée et les vrais vêtements de la même époque. Et on traverse ainsi l’histoire de la mode d’une décennie à l’autre.

Photographie Lili Barbery-Coulon: le défilé de mode…

Evidemment, au fil de la visite, on retrouve avec tendresse les modèles qu’on a possédés. L’exposition est rythmée par les exclamations des adultes : « oh celle-là, je l’avais quand j’étais petite » ou encore « han, j’étais inscrite au club Barbie, je reconnais les courriers accrochés au mur »… A l’étage, l’exposition présente une mise en scène spectaculaire d’un défilé de mode, déployant les ateliers de couture à droite, le show sur la gauche, le cocktail dans un salon privé… c’est jouissif à regarder ! Un peu plus loin, on trouve les Barbies les plus rares : Elisabeth Taylor dans Cléopatre, Farrah Fawcett, Tippi Hedren dans les Oiseaux, ou encore Olivia Newton John dans Grease (je serais devenue folle si j’avais connu son existence enfant). Puis vient la jubilation ultime : un mur entier de minuscules vêtements classés du bleu au jaune, en passant par toutes les nuances de rose. Les enfants présents au Musée samedi après-midi avaient un comportement exemplaire : pas un seul n’a tenté de casser la vitre. Alors qu’en 1986, j’aurais probablement atterri en maison de correction si j’avais été à leur place.

Olivia Newton-John dans Grease

Qu’est-ce que dit Barbie de la place des femmes dans le monde ? Que raconte-t-elle de notre rapport à la beauté ou la minceur ? Sincèrement, je ne suis pas suffisamment au point sur le sujet pour vous offrir une réponse élaborée. L’exposition présente les nouveaux modèles qui vont sortir bientôt : Barbie toute petite, Barbie joueuse de basket archi grande, Barbie un peu ronde (enfin juste « un peu »)… Est-ce que cette pluralité va libérer les femmes de leurs complexes ? Je ne le crois pas. Bizarrement, quand je repense à la manière dont je les percevais enfant, il me semble que je ne rêvais pas de leur ressembler. Elles me servaient juste à me projeter dans une vie de grande.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Elisabeth Taylor dans Cléopâtre

L’exposition est jouissive. Pas seulement pour les amateurs de Barbie ou les dingues d’histoire de la mode. J’ai d’ailleurs vu plein d’hommes se faire tirer les oreilles par la sécurité parce qu’ils faisaient des photos avec leurs téléphones (message à l’attention du Musée s’il me lit : on est en 2016, laissez-nous faire des photos, c’est ridicule puisqu’elles nous servent à faire la promotion de l’exposition sur les réseaux sociaux !). Une chose m’a frappée cependant : les vêtements, les coiffures comme les visages paraissent moins élégants aujourd’hui qu’auparavant. Ca doit être le début de la vieillesse… en ce moment, je n’arrête pas de dire que « c’était mieux avant »… Sans doute l’arrivée des rides qui a cet effet-là sur moi. Je ne suis pas sortie de l’auberge, pffffff ! Un dernier conseil: prévenez vos enfants avant d’aller au Musée que vous n’y allez pas pour acheter une poupée. Ca évitera la crise devant la boutique à la sortie.

Photographie Lili Barbery-Coulon. Le mur des vêtements

Exposition Barbie jusqu’au 18 septembre 2016 au Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli, Paris 1er, Tel : 01 44 55 57 50, ouvert du mardi au dimanche, de 11h à 18h, entrée 11€ en plein tarif, 8.50€ en tarif réduit, gratuit pour les enfants. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.

Photographie Lili Barbery-Coulon. La collection de vêtements de Barbie au Musée des Arts Décoratifs