Le Comptoir Local et mes dernières réflexions alimentaires…
photographie lili barbery-coulon

Le Comptoir Local et mes dernières réflexions alimentaires…

Le Comptoir Local et mes dernières réflexions alimentaires…

J’ai déjà abordé plusieurs fois ici les angoisses alimentaires qui se sont greffées à ma psyché ces dernières années et je ne vais pas revenir sur la manière dont elles fonctionnent (cependant vous pouvez aller lire le dernier article dans lequel j’abordais cette question). Pour s’en sortir, il y a probablement de nombreuses solutions. J’en distingue cependant deux assez récurrentes autour de moi. Soit on devient maniaque sur la provenance de TOUT ce qu’on mange. Attention parce que cette première stratégie est très variable d’une conviction à l’autre. Lorsque certains se contentent d’acheter français, d’autres sont maniaques au point de ne vouloir consommer que du bio et du local. Et je ne parle même pas de ceux qui ont exclu la viande, les produits laitiers, le blé ou encore le poisson de leur consommation. La seconde stratégie consiste à fermer consciencieusement les yeux sur les scandales alimentaires qui ponctuent régulièrement les journaux. Dans ce cas précis, on se rassure en pensant à l’espérance de vie qui a beaucoup augmenté ces dernières décennies. On écoute les nombreux médecins qui disent que tant qu’on ne mange ni trop gras, ni trop sucré, il faut arrêter de se prendre la tête et faire preuve de bon sens. Et on peut même aller jusqu’à déclarer qu’après tout « le bio c’est cher et pas forcément meilleur en terme de goût ».

Je ne vais pas vous dire où se situe la vérité. Je n’ai aucune réponse définitive à vous offrir puisque chaque argument appuyé d’une publication scientifique peut être contrecarré par une autre étude tout aussi sérieuse. C’est donc à nous de faire le tri selon nos convictions. En ce qui me concerne, je me suis beaucoup apaisée sur ces sujets en comprenant ce qui me faisait du bien. Il y a un peu plus de deux ans, alors que je souffrais de migraines ophtalmiques, un médecin a exigé que je retire le gluten et le lait de vache de mon alimentation. J’ai tenté pendant 6 mois sans jamais fauter. Les migraines ont complètement disparu au bout de 15 jours. Miraculeux ? Pas du tout. Au début, j’étais tellement paumée en faisant mes courses que j’ai complètement arrêté les pâtisseries, les pâtes, le chocolat au lait, les glaces à base de lait, le pain, les biscuits et les desserts lactés (y compris les yaourts que je mangeais en quantité astronomique). Donc, forcément j’ai maigri. Et j’ai, malgré moi, fait beaucoup baisser ma consommation de sucres rapides. Du coup, je n’ai aucun moyen de savoir si c’est l’arrêt du lait, du gluten ou du sucre qui m’a permis de me libérer de mes maux de tête.

Photographie Lili Barbery-Coulon:
les tomates achetées sur le site Le Comptoir Local

Le problème dans cette expérience, c’est qu’elle m’a aussi conduit à développer un tas de nouvelles angoisses (le lait=le mal, le blé=l’enfer sur terre…). J’ai tenu quand même très longtemps. Comme je suis gourmande, j’ai fini par découvrir plein de moyens de faire des pâtisseries sans lait ni gluten. Aussi riches, voire même plus, que celles que je consommais jusqu’alors. Idem pour les pâtes. Les versions sans gluten ne sont pas moins caloriques que les variétés au blé. Donc, petit à petit j’ai repris les kilos perdus. Est-ce-que les maux de tête sont revenus ? Jamais au niveau que je connaissais avant. Même quand je mange un produit laitier ou une plâtrée de tagliatelles au parmesan. A la longue, j’ai compris que j’avais plus de chance de me taper une migraine quand 1) je passais la journée collée à un écran et que j’enchainais non stop avec mon téléphone jusqu’au coucher 2) je ne bois pas assez d’eau 3) je manque de sommeil 4) je m’alimente n’importe comment (trop de gras, trop de sucre, pas assez de légumes ou de fruits, trop d’alcool).

Le fait d’être journaliste et de recevoir sans cesse des informations sur ce sujet aurait du m’aider à y voir plus clair. Au contraire, cela a créé encore plus de confusion. Le summum de l’angoisse est arrivé lorsque j’ai rencontré le fondateur de l’association Parley for The Oceans et qu’il m’a dit que je devais absolument arrêter de manger du poisson (et de la viande bien évidemment) parce que c’était le seul moyen de sauver les océans et donc la planète. Ca m’a encore plus dézingué le cerveau et déconnecté de mes envies spontanées. Je vous ai déjà raconté tout ça 36 fois donc je ne vais pas recommencer. La question est : comment est-ce que je me guéris aujourd’hui ?

Le déclic est venu chez Olivier Roellinger cet été. Pendant deux jours dans sa Ferme du Vent, je ne me suis posée aucune question sur ce que je mangeais. Bio ou non, lait, blé ou autre, je me suis sentie en paix. Olivier Roellinger et son fils Hugo sont tellement soucieux de la provenance de leurs produits qu’on est dans un climat de confiance absolue. Je vous en avais parlé dans cet article à mon retour et j’avais été très sensible au commentaire laissé par la journaliste Camille Labro : « il faut raccourcir au maximum le lien entre celui qui fait la nourriture (l’agriculteur) et celui qui la mange (nous) ». Elle s’apprête d’ailleurs à publier un livre sur ce sujet : Fourche et Fourchette, Rencontres et Recettes du Champ à l’Assiette aux Editions Tana (le 7 octobre 2016 dans les librairies). En vacances, ce principe semble assez facile à suivre. On trouve souvent sur notre chemin des producteurs qui vendent en direct. Dans les Cévennes, à Bessèges, le primeur « Le Jardin de Chaffane » propose des petites quantités de fruits et des légumes récoltés par les locaux. Les prix sont raisonnables et c’est très agréable de manger les pêches de jardin et les mirabelles de la région. A Paris, où je vis, il y a bien quelques épiceries qui se sont engagées dans cette démarche (je pense notamment à l’Epicerie Générale, rue Moncey dans le 9e et il y en a bien d’autres) mais leurs surfaces étant limitées par les prix délirants des loyers au mètre carré, le choix reste mesuré.

J’ai compris que pour me sentir bien, je dois absolument garder du temps pour aller au marché le weekend. J’ai la chance d’avoir un petit marché bio, pas trop loin de chez moi le samedi matin. J’essaie d’y aller tôt pour avoir le temps de discuter avec les producteurs. Avant je n’osais pas leur poser des questions sur les produits. Camille Labro m’a poussé à le faire en leur demandant comment cuisiner tel ou tel légume. On arrive vite à distinguer les véritables maraichers des revendeurs qui viennent de Rungis. Je trouve les prix délirants mais c’est un luxe que je souhaite continuer à m’offrir. Ce rendez-vous hebdomadaire donne envie de prendre soin de soi. On n’achète pas n’importe quoi parce que c’est cher. Du coup, on se sent obligé de tout cuisiner. Je passe ensuite chez mon boucher que j’aime beaucoup. Il a plein de bons conseils. Il a des produits certifiés bio, d’autres non. Mais ce que j’achète chez lui semble imbibé de son amour pour son métier et ça suffit à écarter mes angoisses sur les abattoirs et les animaux mal traités. Là encore, c’est très cher. Donc j’achète peu. Je continue bien évidemment à fréquenter Monoprix et les superettes comme Naturalia. Je fais aussi des pleins de surgelés chez Picard car je n’ai pas toujours le temps d’éplucher et de couper les légumes quand je finis une journée de travail… Pour le poisson, je n’ai pas trouvé de solutions qui me conviennent car je n’ai pas encore localisé un bon poissonnier à côté de chez moi. En attendant, j’achète les produits de la mer chez Picard et en terme de goût, c’est bof. Tout n’est pas bio dans mes placards. Je ne suis plus aucun dogme alimentaire mais j’essaie de varier à fond ce que je mange et de suivre les saisons. Je n’ai pas repris la consommation de lait ou de yaourts à base de lait de vache mais il m’arrive de manger des crêpes ou des crèmes glacées et je n’ai remarqué aucun problème digestif particulier. Et si on me propose une faisselle d’un fermier qui paraît-il est à mourir, je ne m’en prive pas (cependant le goût du lait de vache a tendance à m’écoeurer).

Lorsqu’une émission de radio démarre sur un thème du genre « on va tous crever à cause de la malbouffe », j’éteins. Et quand une angoisse remonte à la surface, je relativise en pensant à toutes les bonnes vibrations que je mets à l’intérieur de moi, en partageant un repas avec ceux que j’aime ou en ayant la chance de pouvoir profiter de la production d’un petit fermier qui a mis tout son cœur dans ses tomates. Même si ça n’arrive pas tous les jours, c’est déjà ça de pris.

Photographie Lili Barbery-Coulon:
les super produits du Comptoir Local

Pour les weekends où je ne peux pas aller au marché, j’ai découvert un service qui me plait beaucoup : Le Comptoir Local. Adrien, le fondateur, a visiblement fait le même constat que moi et a souhaité tisser des liens entre les consommateurs et les producteurs qu’il a sélectionnés exclusivement dans la région Ile de France. On ne peut malheureusement pas sélectionner ses fruits et ses légumes un par un comme on le ferait au marché mais ceux que j’ai reçus étaient impeccables. Les tomates comme les fraises étaient dinguissimes. Une abonnée sur Instagram m’a dit que les légumes qu’elle avait commandés étaient décevants. J’imagine que ça doit arriver comme dans n’importe quel point de vente. De mon côté, j’ai adoré tout ce que j’ai reçu. Sur la facture, vous avez le nom de la ferme ou du producteur à qui vous avez commandé chaque achat. Ainsi, vous pouvez aller lire leur histoire sur le site, voir comment ils cultivent leurs légumes. Certains sont des néo-paysans, d’autres des agriculteurs passionnés depuis plusieurs générations. Certains cultivent avec le label bio. D’autres n’ont pas renoncé à certains insecticides et l’expliquent sans fard sur le site. Ils sont tous installés en Ile de France, même si quelques-uns font venir du chocolat et du café de l’étranger. Et puis, il n’y a pas que des fruits et des légumes : on trouve aussi de la viande, des fleurs et même des produits de beauté. Je trouve le concept génial. On est livré à domicile, on gagne du temps et on peut manger en conscience chaque aliment sur la table. Les prix sont à l’image de ceux du marché bio où je vais mais je n’ai pas fait un relevé minutieux. Une bonne idée pour les Parisiens, en espérant qu’ils aient suffisamment de succès pour lancer l’aventure ailleurs.