Assez Assiette Assis
Photographie Lili Barbery-Coulon

Assez Assiette Assis

Assez Assiette Assis

Cette règle des trois « As » – assez, assiette, assis – n’est pas de moi. Elle est issue du livre La Gourmandise ne Fait Pas Grossir de la diététicienne Ariane Grumbach que j’ai eu la joie de rencontrer avant l’été. Cet ouvrage est construit comme un abécédaire qui dézingue tous les diktats alimentaires qu’on voit circuler un peu partout : « Il faut prendre un petit-déjeuner copieux même si l’on n’a pas faim en se levant », « Il ne faut jamais manger un fruit en fin de repas mais 20 minutes avant ou après », « Il ne faut jamais boire pendant le repas », « Il faut éradiquer les sucres rapides »… Evidemment, Ariane ne recommande pas de se gaver de pâtisseries et de soda. Cependant on a tous fait l’expérience dans notre entourage de personnes qui ne respectent pas les injonctions nutritionnelles communément répandues et qui n’ont pourtant aucun problème de poids ni de digestion. Le seul critère est de bien connaître son corps, son métabolisme et d’écouter ses sensations, elles nous guident toujours sur le bon chemin à suivre. Son livre concentre une mine de bonnes idées non culpabilisantes pour reconnecter le corps avec le cerveau, apprendre à écouter sa faim mais aussi sa satiété et pourquoi pas mincir – si l’on en a envie et besoin – sans se pourrir l’existence. Dans la joie et la légèreté. « Assez, assiette, assis », cela signifie que même lorsqu’on s’apprête à « grignoter » en dehors d’un repas, il est préférable de le faire assis, dans une assiette et de définir la quantité dont on a besoin pour rassasier son estomac ou satisfaire un besoin de réconfort affectif. C’est une façon de mettre de la conscience et une intention dans l’alimentation. On ne se sert pas directement dans la tablette. On choisit consciemment deux, trois, quatre carrés de chocolat (ou plus). On les met dans une petite assiette (et j’ajoute à la règle d’Ariane Grumbach, une « jolie » assiette car le cerveau sera encore plus comblé par ce qu’il voit). On s’assied et on savoure. La satisfaction arrive bien plus rapidement qu’on ne l’imagine. Alors qu’en piochant debout dans un paquet de chips ou de gâteaux, on s’aperçoit qu’on l’a englouti uniquement quand la main touche le fond. Et lorsque la tête n’a pas eu d’éléments pour prendre conscience de ce que le corps fait, elle n’envoie pas le bon signal de satiété et de contentement.

Si vous découvrez mon blog aujourd’hui, je vous invite à lire le post « Comment je me suis disputée avec mon corps » puis le post « comment je me suis réconciliée avec mon corps ». Ce chemin de réconciliation n’est pas ponctué par une ligne d’arrivée avec un chiffre magique sur une balance. C’est une construction permanente. Cet été, je me suis rendue compte que même si ça fait plusieurs mois que j’ai retrouvé le poids que je souhaitais, mon rapport à l’alimentation est loin d’être neutre. Je suis moins fragile qu’avant mais il me reste encore beaucoup de confiance à conquérir. Par exemple, j’ai souffert du manque de légumes disponibles dans les restaurants au Québec (pas à Montréal ou à Québec où l’on trouve plein d’options mais dans les campagnes et les villes moins grandes où les menus se limitent à burgers-frites, nuggets-frites, pizzas, poutine…). Ne pas manger ce dont j’ai envie me déprime beaucoup plus qu’une « personne normale », enfin que quelqu’un qui n’a pas d’histoire particulière avec son alimentation. Je vous rassure, je ne mange pas “que” des légumes. Néanmoins lorsqu’ils se résument à une micro salade de chou imbibée de mayonnaise au milieu de frites et de poisson pané, je me sens très frustrée. Ca me met même d’une humeur de chien. J’étais d’ailleurs trop contente de partir dans les Cévennes, après le Québec, pour pouvoir me préparer les repas que j’aime.

Photographie Lili Barbery-Coulon

La collectivité en vacances génère aussi quelques angoisses pour moi car il faut accepter de mettre son rythme habituel entre parenthèses pour s’accorder avec celui de la majorité. Chez Weight Watchers, j’ai appris à bien m’organiser lorsque j’ai un diner chez des amis : 1) économiser des « points » pendant la journée en privilégiant des aliments très rassasiants, peu gras et peu sucrés, 2) prendre une collation avant de sortir histoire de ne pas arriver affamé chez ses amis, surtout s’ils aiment les apéros interminables avec saucisson et cacahuètes (trait commun des diners parisiens alors que dans les pays anglophones ou scandinaves, on dîne très tôt) 3) proposer d’apporter un plateau de crudités pour l’apéro, une salade de fruits pour le dessert 4) boire de l’eau quand on a soif et garder le vin pour le plaisir 5) manger lentement et apprendre à ne pas se resservir sans s’être préalablement interrogé sur sa satiété (lorsqu’on n’a plus faim, on s’arrête). En vacances, en famille ou avec des amis, on ne peut pas toujours appliquer ces recommandations. Je compare souvent mon ancienne addiction à la bouffe (ancienne signifiant à la fois « pas nouvelle » et en voie de disparition) à celle d’un.e alcoolique qui aurait complètement arrêté la consommation de l’alcool. Il ou elle doit apprendre à vivre avec ceux qui boivent afin de conserver une vie sociale. Quand je suis en groupe pendant une, deux ou trois semaines, je dois apprendre à vivre avec ceux qui aiment les apéros fromage/pâté et les diners tardifs. Ma parade (et je sais que je ne suis pas la seule) est de cuisiner. D’abord parce que ça me fait plaisir. Mais aussi parce que cela me permet de préparer ce que j’aime, et diner à une heure qui me convient. On ne peut cependant pas imposer ses goûts ni prendre le contrôle de la cuisine pendant trois semaines. D’abord parce que c’est super agréable de profiter des vacances pour ralentir et mettre les pieds sous la table. Ensuite parce qu’il y a dans ma bande des dieux des fourneaux qui cuisinent si bien que ce serait dommage de les écarter du piano. Je n’ai plus aucun problème à m’arrêter quand je n’ai plus faim, même lorsque le plat est délicieux. Je n’ai plus de comportement compulsif. Cependant, lorsque j’ai faim et que je dois patienter trop longtemps, je me métamorphose en Gremlins-après-minuit. Je prends sur moi, pourtant à l’intérieur, ça bouillonne. Je me lève naturellement à 6h30 en vacances. Je petit-déjeune bien plus tard, après ma méditation ou ma pratique de yoga kundalini (je ne fais pas ça tous les matins à Paris mais dans les Cévennes, c’est magique, je ne peux pas m’en passer). Je n’ai aucun mal à déjeuner tardivement. En revanche, à partir de 20h30, je suis affamée. Ceux qui ont faim autour de moi picorent des rondelles de saucisson, des petites tartines de fromage… Au début je résistais, et puis j’ai fini par céder aussi à l’encas de début de soirée pour tenir jusqu’au passage à table, certains soirs vers 22h30. Je me suis bien rendue compte que j’étais la seule à être gênée par ce rythme. La tentation première est de rendre les autres responsables de son problème. Mais très vite, on s’aperçoit que c’est à nous de travailler sur notre angoisse et l’écho qu’elle a en nous. J’en ai parlé avec mes amis et l’un d’entre eux m’a dit : « Tu peux désormais avoir confiance en ton corps. Dès que tu rentreras, tu retrouveras tes habitudes alimentaires et tu retrouveras ton poids initial naturellement ». Cette histoire de confiance évoquait à nouveau le livre The Universe Has Your Back de Gabrielle Bernstein (dont je vous ai parlé dans ce post). Il avait tellement raison. Plutôt que d’avoir peur de retomber dans mes anciennes compulsions (« foutue pour foutue autant me gaver et on verra en rentrant »…), j’ai décidé d’avoir confiance en mon corps, en mes sensations, en ma capacité à retomber sur mes pieds. Mon niveau d’anxiété au moment des repas du soir est redescendu aussi sec.

J’ai pris deux kilos pendant ces vacances. Je les ai déjà reperdus. Je me suis juste remise à manger ce que j’aime au moment où j’ai faim. Conclusion de mon cheminement actuel : la confiance en soi et en ses sensations reste la clef, dans tous types de situations.

Et vous, comment gérez-vous les tentations pendant l’été et les diners festifs entre amis ? Est-ce que vous avez peur de grossir lorsque vous vous éloignez de vos habitudes alimentaires ? Est-ce que vous êtes du genre à « prendre cher », à vous lâcher puis à vous mettre à la diète en rentrant ? Ou bien est-ce qu’au contraire vous appréciez ce changement de rythme qui vous correspond mieux ? Avez-vous peur de passer pour “la rigide” du groupe? Quelles sont vos solutions?